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C'est dans une salle paroissiale de Notre-Dame d'Auteuil (Paris) que le père Paul Habsburg a l'habitude de recevoir. Que cela soit une réunion pour phosphorer sur de futures chroniques dans Aleteia, une préparation de la prochaine retraite pour couples ou comme une interview, la rencontre commence par une prière. Entre silence et une méditation dite à voix basse avec son accent légèrement autrichien, le père Paul confie à Dieu tout le travail qui va suivre. Les yeux fermés, presque absent, il Lui demande que cette heure de travail se transforme en contemplation de son œuvre. Et c'est de là que vient ensuite sa réflexion, aussi lumineuse qu'emplie d'humilité, sur sa mission d'accompagner spirituellement les couples qui lui tient tant à cœur.
Aleteia : Le pape François, en dédiant l’année 2021 à la famille, souligne le besoin de renforcer l’accompagnement des époux. Y-a-il une urgence selon vous ?
Père Paul Habsburg : La logique du monde ne va pas en faveur des couples. Nous vivons une époque où on est applaudi quand on réussit au travail, mais on ne l’est pas quand on réussit dans le couple. Il est devenu politiquement correct d’abandonner son conjoint pour se donner une nouvelle chance, mais pas du tout politiquement correct d’avoir un échec au travail. Alors oui, il y a une urgence. Il y a beaucoup d’initiatives très positives qui sont engagées pour renforcer les couples, mais elles sont trop peu répandues.
Comment est née chez vous le désir d’accompagner les couples ?
Ce n’était pas immédiat. Plusieurs choses ont finalement créé le déclic. D’abord, il y a eu l’exemple de mes parents dont j’ai pu observer le chemin de foi. Ils ne forment peut-être pas un couple parfait, mais je pense que c’est un couple qui vit la sainteté. À un moment, ils ont commencé à prier ensemble. Et j’ai vraiment vu une grande différence. Une autre chose m’a beaucoup marqué, c’est l’histoire d’un membre de ma famille dont le mari est revenu au bout de quinze ans de séparation. Je me suis dit à l’époque que si on est bien muni, on a des capacités d’aller au-delà des difficultés.
Ensuite, quand je suis devenu religieux, dans les années 1990, un de mes confrères a commencé à organiser des retraites spirituelles pour les couples. Et à chaque retraite, je voyais comment, en trois jours, les couples en ressortaient complètement reboostés. Ils renouvelaient leurs vœux de mariage et redevenaient rayonnants, pétillants, gonflés à bloc. Cela m’a beaucoup interpellé, fasciné même !
En tant que prêtre, j’ai la joie immense d’être l’un de ces multiples visages de Jésus qui veut rejoindre le chemin de détresse d’un couple.
Enfin, une fois que je suis devenu prêtre, des jeunes fiancés ont commencé à me solliciter pour les préparer au mariage. J’ai senti alors un grand désir de donner de vraies réponses à leurs questions. J’ai commencé à y réfléchir, à lire beaucoup. À commencer par Christopher West et Yves Semen, deux écrivains principalement connus pour leur travail sur la théologie du corps de Jean Paul II. J’ai lu également John et Stasi Eldredge, un couple qui parle ouvertement dans un livre de leur propre mariage et des bons combats qu’ils ont pu mener pour relever leurs nombreux défis. Il y a eu bien-sûr d’autres auteurs et surtout les papes Jean Paul II, Benoît XVI, François…
Pourquoi est-il important qu’un prêtre soutienne les couples ?
Face aux épreuves de la vie conjugale, Dieu est présent sous des formes différentes. Parfois par un ami, parfois par un frère, parfois par une personne consacrée. En tant que prêtre, j’ai la joie immense d’être l’un de ces multiples visages de Jésus qui veut rejoindre le chemin de détresse d’un couple. En accompagnant les couples depuis plusieurs années, j’ai compris à quel point la vocation conjugale et sacerdotale sont les deux facettes d’une seule vocation, celle de l’amour sponsal qui signifie le don total de soi.
C’est ce que Sophie de Bentzman, que vous avez accompagnée lors de sa maladie, vous a écrit quelque temps avant sa mort : « Tu as été pour notre couple le Christ dans la petite Église que nous représentons. Tu nous as permis de vivre et de comprendre la complémentarité de nos vocations, toi prêtre, nous époux ». En quoi consiste cette complémentarité ?
Par le sacrement du mariage, l’homme et la femme deviennent une petite église qui est ainsi épouse du Christ. Elle est le lieu où le Christ époux se donne par la parole, les sacrements et la grâce. Quant au prêtre, son ordination sacerdotale l’identifie au Christ époux. Son rôle est donc celui de se donner et de nourrir l’Église épouse par la parole, les sacrements et la grâce. On peut donc dire que Dieu confie particulièrement aux couples et aux personnes consacrées la mission de continuer l’œuvre du Christ. Celle de rétablir sur la terre l’amour perdu du Ciel.
Mais n’est-ce pas valable pour tout chrétien ?
Bien sûr, toute personne qui fait pacte avec Dieu lors de son baptême s’engage à aimer le mieux possible pour que son œuvre d’amour puisse continuer... Pourtant, seuls les couples et les prêtres ainsi que les âmes consacrées s’y consacrent. Ils consacrent leur capacité d’aimer à l’œuvre de Dieu. C’est-à-dire à rendre présent sur terre l’amour du Ciel. Et le Christ s’engage avec eux : dans le mariage comme dans le sacerdoce.
Montrer la valeur de leur « oui », c’est mon rôle. Cependant, il ne s’agit pas d’être pour eux un maître qui sait tout. Il s’agit plutôt d’être un frère en route. Il ne connait pas exactement le chemin, en revanche il connaît Celui qui marche devant.
Quand un prêtre agit et aime d’une certaine façon, le Christ vient pour compléter ce qui manque dans son amour. Quand un couple agit et aime d’une certaine façon, le Christ vient pour compléter ce qui manque dans leur amour. Ce sont donc les deux facettes de l’amour sponsal ! C’est pour cela que nous devons nous accompagner mutuellement. Les prêtres doivent prendre soin des couples… comme les couples doivent prendre soin des prêtres !
Concrètement, comment aidez-vous les couples face aux épreuves ?
D'abord je prie avec eux ; j’essaie ainsi de leur faire réaliser que Dieu est là... J'essaie de lever ce voile de l’invisibilité de Dieu dans leur vie pour qu’ils voient que Dieu est avec eux depuis toujours. J’essaie d'élever leur regard sur ce qui est vraiment en jeu dans leur couple. Le pape François en parle dans son exhortation apostolique Amoris laetitia :
Montrer la valeur de leur « oui », c’est mon rôle. Cependant, il ne s’agit pas d’être pour eux un maître qui sait tout. Il s’agit plutôt d’être un frère en route. Il ne connait pas exactement le chemin, en revanche il connaît Celui qui marche devant.
Un couple seul est en danger, un couple qui adore est un couple sauvé.
Depuis plus de six ans, vous animez les soirées d’adoration en couple. Vous dites être frappé par la transformation des ceux qui y participent…
J’ai découvert la force transformatrice de l’adoration d’abord dans ma propre vie consacrée. Sans vraiment le chercher, je me suis rendu compte qu’en passant du temps devant le Saint-Sacrement, Dieu a mis certaines choses dans mon cœur, il a commencé à me changer. Comme j’ai vu cette transformation en moi, je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de partager cette expérience avec d’autres, notamment des couples. Et c’est avec Sophie et Godefroy que l’idée nous est venue à Medjugorje. Là bas, l’adoration n’est pas silencieuse mais accompagnée par des méditations et des chants. En rentrant à Paris, nous avons commencé à organiser les soirées d’adoration pour les couples dans le même esprit.
Qu’est-ce qui se passe quand un couple prie ensemble devant le Saint-Sacrement ?
Comme dit un couple qui participe à nos soirées d’adoration : « un couple seul est en danger, un couple qui adore est un couple sauvé ». Pourquoi ? Quand les époux sont ensemble devant Jésus Eucharistie et qu’ils s’ouvrent ensemble à Lui, le Christ peut unir en eux ce qu’ils ne peuvent pas unir eux-mêmes. Les époux peuvent unir leurs corps et leurs esprits, mais ils ne peuvent pas sans le Christ unir leurs âmes. Je suis frappé combien l’adoration transforme les couples qui viennent et reviennent chaque mois pour prier devant le Saint-Sacrement alors qu’auparavant, ils ne priaient ni adoraient pas forcément, ou même jamais ensemble. Et là, je vois qu’il y a une complicité incroyable qui se crée en eux. Quand ils sortent de la crypte après avoir adorer Jésus dans son eucharistie, je les vois unis avec une joie étonnante dans leurs cœurs. J’en suis le témoin bouleversé.