Le pape François est bien conscient que la vie de famille n’est pas toujours rose. C’est pourquoi parmi ses douze propositions pour accompagner les familles dans le cadre de l’année Amoris Laetitia figure en bonne place l’invitation à prendre conscience de la beauté mais aussi des difficultés de la vie familiale. Le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie suggère deux leviers pour la rendre plus facile : promouvoir des réflexions communes sur la vie familiale au quotidien, et créer localement des réseaux de familles prêts à s’entraider en cas de coups durs. À croire que le Pape pensait explicitement aux Chantiers-Éducation ! Car la vocation, depuis plus de 30 ans, des Chantiers-Éducation est justement de fournir un lieu d’écoute, d’échange et de partage sur les questions d’éducation, à travers des groupes de 6 à 10 parents qui se réunissent une fois par mois. Aujourd’hui, plus de 600 Chantiers-Éducation, un service des AFC, existent en France et à l’étranger.
Bénédicte Boudineau, mère de six enfants, a commencé à participer à un Chantier il y a plus de 20 ans, en 1997. Il y a 15 ans, elle a pris la responsabilité du mouvement au niveau départemental puis régional et est depuis janvier 2021 la responsable nationale. "Presqu’une passion !", lance-t-elle avec enthousiasme, reconnaissante de tout ce que les Chantiers lui ont apporté. Elle est aussi un témoin privilégié des bienfaits des Chantiers-Éducation auprès des participants, des bienfaits qui s’adaptent aux différents profils de parents. "Au démarrage, les Chantiers fournissaient une vraie bouffée d’oxygène à de nombreuses mères de famille engoncées dans des principes d’éducation reçus de leurs parents. Les Chantiers permettaient de prendre du recul et de faire sien ces repères éducatifs. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes parents sont perdus et n’ont pas confiance en leur capacité de parent. Les Chantiers leur donnent confiance".
Une confiance qui éclot grâce aux échanges avec les autres parents. Ils réalisent que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, et sont invités à partager leur propre expérience. "Les parents lisent énormément, d’articles, de livres, de magazines, sur la parentalité… Dans les Chantiers, on laisse les livres de côté et on part de sa propre expérience, terrain, dans sa vie de tous les jours", explique Bénédicte Boudineau. Les parents échangent, s’enrichissent mutuellement, décident de recaler leur action ou au contraire sont confortés dans leur action éducative.
Les parents réalisent qu’ils ne sont pas seuls
"Empêtrés dans nos difficultés, il arrive parfois de ne plus voir la beauté de la vie familiale", constate la responsable. Les Chantiers permettent au contraire de mettre en avant cette beauté. Parce qu’on prend le temps de partager un progrès, de relire une expérience positive, de se réjouir d’une bonne nouvelle chez un autre participant… Quant aux difficultés, elles ne sont pas cachées. Bien au contraire, la confidentialité et la bienveillance, de mises dans les Chantiers, offrent un cadre pour déposer ses peines et ses fardeaux, confier ses faiblesses, ses limites. Rapidement, les parents réalisent qu’ils ne sont pas seuls.
Le Pape évoque aussi l’idée d’un réseau d’entraide. Si l’entraide n’est pas le but premier des Chantiers-Éducation, elle en est néanmoins une conséquence bien réelle. "Lorsqu’on partage en vérité, cela crée des liens d’amitié. Et le jour où un des membres du Chantier a un besoin, il y a une entraide qui naît spontanément", témoigne Bénédicte Boudineau. Ecoute, vérité et bienveillance, autant de conditions réunies pour créer de profondes amitiés.