Selon certaines personnes, la cause de l’euthanasie serait pour notre époque ce que fut le combat pour l’IVG en 1975 : "Les forces qui s’opposent au droit à une aide médicale à mourir rappellent celles qui, il y a cinquante ans, s’opposaient à l’IVG" lit-on dans une tribune publiée dans Le Monde. C’est en partie vrai puisque donner la mort devient une fois de plus la solution. "Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie" réagissait le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Il s’agit d’abréger la vie d’une personne malade et de supprimer la vie d’un enfant à naître. Au terme ou au commencement, la vie physique d’une personne humaine est pourtant bien plus qu’une question de biologie. C’est pour toute la communauté humaine, une question spirituelle ! C’est à cette condition d’ailleurs que l’on protège réellement notre commune humanité ! Là où l’IVG est promue sur le mode contraceptif, l’euthanasie est poussée sur le mode thérapeutique. Faudra-t-il demain, lorsque toutes les clauses restrictives auront sauté, inscrire aussi le droit de mourir dans la Constitution française ?
Des formulations mensongères
Bien mourir en France ne pourra jamais passer par l’avènement d’un "art médical de tuer". Si l’euthanasie est à ce stade interdite, c’est qu’elle demeure un meurtre. L’euthanasie, comme telle est réprimée sur la base de l’article 221-1 du Code pénal, "le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre". À ce jour, les circonstances et l’état de la victime consentante, atténuent la peine d’une justice alors clémente.
L’euthanasie avance en rampant dans notre pays. Elle se fait à présent entendre explicitement dans le discours du président Emmanuel Macron, qui tente en vain de la cacher derrière des formulations mensongères et des confusions lexicales. "L’aide à mourir" est un concept étrange. C’est malgré tout "faire mourir". C’est donner la mort. Quelle que soit la manière habile de le dire, cela revient à tuer. Pourquoi "cette manie de tordre les mots, comme pour dissimuler un malaise et faire passer reculs éthiques et régressions sociales pour des avancées" s’insurge Aymeric Christensen, le directeur de La Vie. Tuer n’est pas un soin et encore moins de la fraternité. Pourquoi ces euphémismes ? "Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie" estime encore les évêques de France.
La mort comme affligeante déresponsabilisation
Certains comme le philosophe Frédéric Worms croient encore "qu’il y a des souffrances qui sont pires que la mort". Les demandes d’en finir ne seraient pas des demandes de mort ? Alors pourquoi la donner ? Notre époque ne prend plus la mesure du caractère irréversible et irrévocable de la mort. Elle fait mine d’ignorer qu’il n’y a rien de pire que la mort. Son pouvoir d’anéantissement n’est pas à prendre de haut.
La mort comme solution est une consternante proposition. Elle signe une affligeante déresponsabilisation. Il est désolant de vouloir passer sous silence les conséquences d’un tel changement de paradigme. Il provoque l’ébranlement le plus puissant des fondations d’un pays et d’une civilisation. Nous n’en sommes pas à notre coup d’essai. Voici "le combat interminable que livre la modernité contre l’ancienne morale chrétienne.[...] Nous nous trouvons dans l’ambiance du “pas de liberté aux ennemis de la liberté”. [...] Le débat est clos ; fermez le ban ; on ne discute plus de ce sujet, on ne tolère plus le débat. C’est une décision d’intolérance" écrivait Chantal Delsol il y a un an déjà.
Un droit qui engage les autres
Le respect de la volonté d’un malade ne saurait primer d’autres considérations. Personne n’accède à un droit qui n’engage pas aussi les autres et finalement toute la société ! Nous sommes à présent devant le libertarisme du président de la République qui ne semble avoir que la mort à offrir comme solution… "L’injonction récurrente au “débat apaisé” n’est rien d’autre que la revendication de légiférer sans contradiction, surtout si les seuls chez qui on traque l’absence de modération sont les opposants à un “progrès” libéral autoproclamé" écrit Aymeric Christensen.
Répondre à la demande des malades en provoquant directement leur mort est ce dont il faut savoir s’interdire. Si la médecine ne peut plus rien, que peut encore l’accompagnement humain ? Avons-nous renoncé ? Voit-on seulement ce que cela signifie ? Nous nous emparons d’un droit que nous n’avons pas, sauf dans un processus de dé-civilisation, lequel se dévoile aussi dans le primat de l’économie sur la vie, avec cette quête éperdue d’économies de santé.
Une régression
Et si dans le secret d’une instance médicale, les médecins se concertent pour accompagner le terme de la vie d’une personne malade, en quoi cela concerne-t-il le droit ? Leur conscience professionnelle et humaine est déjà assermentée et c’est à elles seules que nous remettons nos existences. Nous n’avons déjà que trop immiscé le droit dans ce qu’il ne connaît pas : la destinée de l’homme et cet instant suprême où se recueille le dernier souffle. Veut-on ouvrir un droit-créance à la mort permettant à chacun d’en maîtriser l’heure ?
Le droit à l’euthanasie se transformera tôt ou tard en droit à euthanasier
La fabrique de l’opinion en ce domaine restera dans les annales. Qui peut dire ce qui est en jeu dans une vie pour s’autoriser à lui donner la mort ? Aucune des conditions requises pour accéder à ce droit ne pourront rassurer tant le principe suprême de ne pas tuer est enfoncé et transgressé. La légalisation des injections létales serait une mesure progressiste, alors que c’est à l’évidence une régression. Le droit à l’euthanasie se transformera tôt ou tard en droit à euthanasier. Une loi suscite une dynamique de pression et le recours au suicide assisté deviendra la seule solution pour les plus démunis et les plus fragiles. Qui résistera à la pression de ce droit qui vous offre la sortie ?
L’absurde du néant
Cette loi ouvrant un droit à l’aide à mourir ne sort pas de nulle part. Elle survient dans des sociétés libérales qui ont perdu le sens de la nature humaine, du devenir de la personne jusque dans la mort même. La mort participait d’un accomplissement et appartenait à la destinée humaine, là où réduite à l’absurde du néant, elle devrait revenir au seul pouvoir des hommes. Ni la République, ni le gouvernement n’ont de légitimité ou de mandat pour accorder un "droit créance", permettant à chacun de maîtriser sa propre mort. Ce ne sera jamais en faisant mourir que nous vaincrons le "mal mourir" dont les pouvoirs législatifs et exécutifs sont responsables. Ils n’ont aucunement préparé les dispositifs attendus pour pouvoir finir sa vie dans la dignité.
Les consciences sont captives d’un funeste progrès qui pousse l’homme vers la tombe, vers la cendre… Non pas autant que vers l’étrange mais rassurante confirmation de son propre néant !