Le suicide assisté et l’euthanasie, deux mesures annoncées dans l’avant-projet de loi sur la fin de vie, nous sont présentés comme les solutions inéluctables au problème de la fin de vie. Leur expérimentation, parfois alarmante, dans les pays voisins les expose comme des progrès scientifiques et humains (au Canada, on incite les vétérans de guerre à se faire euthanasier, en Belgique, on achève les euthanasies à l’étouffement).
Mais il n’en est rien. Faute d’accompagner la vie, on justifie la mort, abandonnant nos ressources, nos connaissances, nos compétences, nos moyens. Ces mots sont un aveu d’échec. Le progrès tel qu’il nous est proposé nous est, en réalité, imposé, plaqué, et gare à qui refusera de l’appliquer.
Nous cherchons des solutions quand nous n'avons pas d’autre choix que de chercher. Et c’est alors que nous devenons bons.
Nous avons besoin de progrès. Nous avons besoin de nous améliorer. Ainsi, nous devons sans cesse nous demander comment la fin de vie pourrait être mieux accompagnée: ce questionnement est le moteur de notre créativité, de notre audace, de notre technicité.
C’est grâce à cette recherche que les services de soins palliatifs français ont appris à bien s’entourer, en s’appuyant sur des professions paramédicales variées, en laissant une place considérable à l’entourage, à la musique, à l’art, à la spiritualité, en affinant les protocole de soins ou d’arrêts de soins, en maintenant une ouverture sur la cité. Ce progrès n’est rendu possible que parce que demeure cet interdit fondamental de tuer. Nous cherchons des solutions quand nous n'avons pas d’autre choix que de chercher. Et c’est alors que nous devenons bons.
Des méthodes opposées
Ayant effectué mes études dans le Nord de la France, j’ai approché de près les soins palliatifs belges. Je ne prétends pas que l’euthnasie y est administrée par facilité. Mais j’ai constaté qu’il y avait moins de recherche de soins variés que dans notre pays, car l’euthanasie reste, au bout du bout, une possibilité.
Les deux modèles ne peuvent cohabiter car s'ils visent tous les deux à soulager, leurs méthodes s’avèrent opposées: tout faire pour soulager ou abréger pour soulager.
Je continuerai de croire que mon travail au service de la vie n’est pas compatible avec le geste qui fera cesser cette même vie. Je continuerai de croire que la mort s’accompagne à la main de quelqu’un et pas par la main de quelqu’un. Je continuerai de croire que des traitements existent et s’ajustent à la douleur, à condition d’y avoir accès. Je continuerai de croire que la présence des proches (et même des moins proches), participe à part entière au soin de la personne en situation de fragilité, lui restaurant son sentiment d’existence, d’appartenance et de dignité.
Le progrès sera ce que nous déciderons qu’il soit. En tant que soignante, je décide qu’il sera : qualité des soins, soulagement de la douleur, accompagnement humain. Que s’en inspirent donc ces pays voisins.