Comment conserver la vocation de Notre-Dame de Paris, siège de l'évêque, tout en accueillant, avec sens, les millions de visiteurs qui pénètrent chaque année dans la cathédrale ? C'est tout l'enjeu du projet de réaménagement présenté par le diocèse de Paris à la Commission nationale du Patrimoine (CNPA) jeudi 9 décembre. S'il a pu être mal compris par les défenseurs du patrimoine, Mgr Aumonier se veut rassurant : "Notre volonté n’est pas de transformer la cathédrale mais de continuer à prier avec l’ensemble des fidèles tout en offrant aux visiteurs qui veulent parcourir l’édifice les moyens de comprendre ce qui se vit à l'intérieur."
Aleteia : En quoi était-ce important pour le diocèse de revoir l’aménagement liturgique et le parcours de visite de Notre-Dame de Paris ?
Mgr Éric Aumonier : La restauration de Notre-Dame était l’occasion pour le diocèse de repenser le parcours spirituel de Notre-Dame, au-delà du mobilier liturgique abîmé durant l’incendie. Il était nécessaire de réfléchir à la manière dont nous devions accueillir, encore mieux qu’avant, les fidèles et les touristes afin qu’ils puissent mieux percevoir le mystère qui s’y déroule. Notre-Dame est un lieu de prière, pas simplement une fois de temps en temps, mais tous les jours et presque toutes les heures ! Cette vie liturgique, omniprésente, se doit d’être plus lisible pour les touristes. Notre volonté n’est pas de transformer la cathédrale mais de continuer à prier avec l’ensemble des fidèles tout en offrant aux visiteurs qui veulent parcourir l’édifice les moyens de comprendre ce qui se vit à l'intérieur.
Nous ne souhaitons pas montrer un bâtiment dans sa matérialité mais initier les visiteurs au mystère liturgique qui se célèbre dans Notre-Dame depuis huit siècles.
Notre démarche s’inscrit dans l’histoire quasi-millénaire de Notre-Dame de Paris qui a toujours évolué depuis Maurice de Sully. C’est une démarche de "tradition" qui étymologiquement signifie "transmettre". Transmettre la foi en s’appuyant sur des éléments concrets de l’architecture et des œuvres d’art. Notre volonté est de faire découvrir Notre-Dame dans toute sa splendeur. Il n’est pas question ni d’abîmer, ni de trahir cette tradition pluri-séculaire mais, au contraire, de s’y inscrire.
Que répondez-vous à ceux qui craignent une dénaturation de l’intérieur de Notre-Dame de Paris ? Avez-vous le sentiment que le projet a été mal compris ?
Tant qu’un projet est à l’étude, il est difficile pour les gens de comprendre les tenants et les aboutissants. Je pense aussi qu’il y a un profond attachement pour la cathédrale et je m’en réjouis. Les défenseurs du patrimoine sont évidemment soucieux de ce qui se passe dans Notre-Dame et désirent que la cathédrale garde toute sa splendeur et qu’on ne l’abîme pas. Leurs remarques sont tout à fait légitimes et elles se doivent d’être entendues et discutées. L’Église n’est pas fermée à la conversation, au contraire, nous souhaitons discuter avec les acteurs du patrimoine. Présenter notre projet à la Commission du Patrimoine était un devoir mais aussi l’occasion de voir comment les experts ont perçu les grandes lignes de notre projet. Améliorer un parcours, permettre aux gens de découvrir ce qu’est l’itinéraire chrétien dans une église, comprendre pourquoi il y a une grande croix, pourquoi les gens s’inclinent devant, pourquoi on honore la couronne d’épines… tout ceci nous paraît essentiel. On ne va pas changer l’orientation de la cathédrale ni les œuvres mais juste améliorer le parcours et, pourquoi pas, inviter d’autres artistes de notre époque à offrir leur regard sur la beauté de la cathédrale et de la foi.
Que dites-vous aux catholiques qui craignent que Notre-Dame de Paris se transforme en musée ?
Au contraire, Notre-Dame de Paris est tout sauf un musée ou une salle de concert ! Les musées tentent d’offrir des parcours pédagogiques, mais notre projet pour Notre-Dame n’est pas tout du cela. Nous ne souhaitons pas montrer un bâtiment dans sa matérialité mais initier les visiteurs au mystère liturgique qui se célèbre dans Notre-Dame depuis huit siècles. Cela nous semble absolument nécessaire pour maintenir la dimension sacrée de la cathédrale.
Propos recueillis par Caroline Becker