"La liturgie s’inscrit dans la tradition vivante de l’Église, l’Église est un corps vivant", ajoute-t-il. D’où la volonté de l’Église de faire évoluer le langage de sa prière, en ajustant les gestes et les formules, pour permettre la participation de tous. Pour Bernadette Mélois, directrice du Service national pour la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS), cette nouvelle traduction invite à "vivre la messe de manière renouvelée, peut-être avec un peu plus d’intensité et d’attention".
La nouvelle traduction du Missel romain émane de l’instruction du Vatican Liturgiam authenticam de 2001. La Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a demandé aux conférences épiscopales de revoir la traduction dans un souci d'uniformisation pour "manifester l'unité du rite romain", explique à Aleteia David Gabillet, rédacteur en chef de la revue Magnificat. L'objectif était, entre autres, de se rapprocher du texte original latin. Un travail de traduction a donc été mené pendant quinze ans sous l’autorité de la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTL). Il a réuni des experts de France, Belgique, Luxembourg, Suisse, Canada, Afrique du nord et Monaco. Un travail soumis à la triple fidélité dont parle le pape François dans son motu proprio Magnum principium (2017) : fidélité au texte original, fidélité à la langue dans laquelle le texte est traduit, et fidélité à l’intelligibilité du texte par nos contemporains.
La version initiale du Missel romain a été publiée en latin le 3 avril 1969. Elle est suivie de deux autres versions parues en 1975 et 2002. C’est cette dernière, désignée comme 3ème édition typique, qui est en vigueur aujourd’hui dans l’Église et qui a été traduite à nouveau. A partir du 28 novembre, les fidèles entendront et réciteront les textes de la nouvelle traduction. En plus de la révision d'un certain nombre de prières, préfaces et dialogues rituels, une plus grande place est donnée au silence et à la gestuelle. Autre évolution, les adresses sont désormais inclusives : "frères et sœurs" au lieu de "frères" auparavant – une volonté chère aux Églises suisse et canadienne, et qui correspond au texte latin. Enfin, l'accent est mis sur l'eucharistie en tant que mystère. Vous trouverez ici en rouge les ajouts ou les modifications effectués.
1Salutation du prêtre
Au début de la célébration, le prêtre accueille les fidèles en leur souhaitant la présence du Ressuscité. La nouvelle traduction souligne cela en utilisant le mot "Christ".
2Acte pénitentiel
Le rite pénitentiel démarre désormais avec la mention "Frères et sœurs". Une mention que l'on retrouvait déjà dans le missel latin. "Nous avons péché" remplace "nous sommes pécheurs", l'accent est donc mis sur l'acte plus que sur la personne. La Vierge Marie gagne le vocable de bienheureuse.
3Gloire à Dieu
Attention, dans le Gloire à Dieu, la nouvelle traduction privilégie le pluriel "les péchés" au singulier.
4Je crois en Dieu
Dès les années 1970, le philosophe Jacques Maritain dénonçait déjà la traduction française du Je crois en Dieu qui affirme que le Christ est "de même nature que le Père" : "La traduction française de la messe met dans la bouche des fidèles, au Credo, une formule qui est erronée de soi, et même, à strictement parler, hérétique", critiquait-il. "Je suis de même nature que Monsieur Pompidou, je ne lui suis pas consubstantiel". Il se serait donc réjoui car désormais, dans le symbole de Nicée-Constantinople, le terme "consubstantiel" remplace "de même nature", exprimant par-là l’identité de substance entre le Père et le Fils. Le symbole des Apôtres n’a quant à lui pas été modifié.
5Liturgie eucharistique
Le renouvellement des formules de la préparation des dons et de la prière sur les offrandes manifeste que Dieu est à la source de ce que nous lui offrons sous la forme du pain et du vin.
Nouvelle prière sur les offrandes
6Agneau de Dieu
Outre le pluriel réitéré des "péchés", l'Agneau de Dieu se clôt désormais par "Heureux les invités au repas des noces de l'Agneau" au lieu de "Heureux les invités au repas du Seigneur". Une invitation à la communion permettant d’exprimer le mystère de l’Alliance avec Dieu.
7Rite de conclusion
Jusqu'à présent, le prêtre renvoyait les fidèles en disant : "Allez, dans la paix du Christ". La nouvelle traduction offre trois autres formules possibles (au choix) :
8La place du silence
"Une des nouveautés de cette traduction est la place importante laissée au silence", remarque Bernadette Mélois. Comme le rappelle la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR), "le silence sacré fait partie de la célébration". "Pendant l’acte pénitentiel et après l'invitation à prier, chacun se recueille; après une lecture ou l'homélie, on médite brièvement ce qu'on a entendu; après la communion, le silence permet la louange et la prière intérieure". Le silence fait donc partie de l’action liturgique et offre la possibilité d’un accueil de la Parole de Dieu. Le nouveau missel indique ainsi un nouveau temps de silence après le Gloire à Dieu : "Tous prient en silence quelques instants, en même temps que le prêtre. Puis, le prêtre, les mains étendues, dit la prière d'ouverture ou de collecte".
9La mise en avant du chant
La nouvelle traduction rappelle également que la prière liturgique est une prière chantée. Elle accorde ainsi une certaine place au latin, en proposant de chanter dans cette langue le Gloria, le Credo ou encore le Pater Noster. Les préfaces chantées seront aussi publiées avec la nouvelle traduction.
10L’importance de la gestuelle
À plusieurs endroits, le nouveau texte précise les gestes du prêtre et ceux de l’assemblée. Il vient par exemple renforcer l’invitation à s’incliner lors de l’évocation du mystère de l’incarnation dans le Je crois en Dieu, ainsi que dans le symbole de Nicée-Constantinople et le symbole des Apôtres. Dans ce dernier, il est demandé de s'incliner de "Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur" à "né de la Vierge Marie". Dans le symbole de Nicée-Constantinople, l'assemblée est priée de s'incliner pendant la phrase : "Par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s'est fait homme". "Dans la liturgie, le corps participe à la prière de l’Église", explique Bernadette Mélois. "Ce n’est pas une prière intellectuelle, elle fait participer tout l’être et les gestes sont donc importants".