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Annecy, 1608. Une fois de plus, François fait les cent pas devant la fenêtre de son bureau du palais épiscopal. L’inspiration n’est décidément pas son amie, dernièrement. L’évêque de Genève pensait profiter de l’heure qui lui reste avant sa prochaine audience pour se lancer dans la planification de l’ouvrage que lui réclame son entourage depuis quelque temps. Mais voilà trois quarts d’heure qu’il fait face à une page blanche, l’esprit embrouillé par les nombreux devoirs auxquels un évêque doit penser.
François lâche un soupir en regardant à présent d’un œil distrait les brouillons des lettres envoyées à Madame de Charmoisy. Sa parente, il y a quelque temps déjà, lui avait demandé de l’initier à la vie de prière. Mais il ne s’attendait pas à ce que ses lettres connaissent un tel succès auprès des amis de sa cousine. Parvenues jusqu’aux oreilles d’un jésuite, ce dernier a demandé à François d’en faire un ouvrage. L’entourage de l’évêque s’est empressé d’insister, et le voilà face à sa page blanche.
Le temps manque, des affaires plus urgentes l’attendent… Entre reformater les lettres en ouvrage et trouver des citations latines et grecs, la charge de travail est monstrueuse. Pourtant, l’évêque ne peut s’empêcher de penser que cette œuvre est importante.
On frappe alors à la porte du bureau. C’est le père Gauthier, son secrétaire, qui vient lui apporter des documents. Mais en poussant la porte, un courant d’air se faufile dans le bureau et fait voler quelques lettres.
- Mille pardons, Monseigneur ! dit le secrétaire, confus, en s’empressant de les ramasser. Je ne voulais pas vous déranger dans votre travail.
- Travail est un bien grand mot pour ce que je fais là, répond François en riant. Je ne sais même pas par où commencer.
- Je n’en doute pas. Adapter le contenu aux consacrés et grands lettrés n’est point tâche facile.
François se fige aux mots de son secrétaire. L’adapter aux hommes lettrés ? Là n’est pourtant pas le but de ces lettres. Au contraire. Madame de Charmoisy n’est certes pas illettrée, mais elle n’est pas savante non plus. Elle est des gens du monde qui ne sont pas experts en théologie ou latinistes, mais qui veulent tout autant que lui se rapprocher de Dieu.
- La vie de prière n’est pas un privilège des consacrés, murmure-t-il.
Sur ce, François se précipite à son bureau et reprend sa plume. Au diable le latin et le grec ! Cet ouvrage sera accessible à tous ceux parlant la langue française. Et ceux sont les saints qui ont vécu dans le monde qui serviront d’exemples. Les ermites et les moines qui se sont retirés sont trop éloignés.
Comme possédé par l’inspiration, François rédige, reprenant les lettres à sa cousine en faisant des liens habiles entre chaque points. Il traite d’abord de l’aspect pratique et comment passer du désir de Dieu à la recherche active et concrète. La deuxième et troisième partie traiteront de la recherche de la perfection et de la pratique des vertus. Ensuite, il faudra apprendre aux fidèles à identifier et vaincre les obstacles à la prière. Enfin, tous doivent pouvoir renouveler leur ferveur afin de toujours rester dans la grâce de Dieu par la prière.
Les idées fusent, la plume file et sans relâche, l’évêque surchargé rédige. Cette fois, les lettres sont adressées à Philothée (celle qui aime Dieu), qui incarne toute personne cherchant le Seigneur. Pour François de Sales, Dieu est pour tous, en tout temps. Libre aux hommes de venir à Lui, mais qu’aucun qui vienne ne soit repoussé par trop d’esprit !
En choisissant de s’adresser à tous les chercheurs de Dieu, il rend non seulement la tâche moins laborieuse, mais accomplit également son désir de propager et renforcer la foi du Christ parmi les laïcs.
L’Introduction à la vie dévote est complétée en 1609. Connaissant un succès phénoménal, elle est réimprimée quarante fois du vivant de l’évêque de Genève. Saint François de Sales s’éteint le 28 décembre 1622 à Lyon. Sa canonisation a lieu en 1665, et il est déclaré docteur de l’Église par Pie IX en 1877. L’homme qui écrivait sans cesse pour tous les fidèles est aujourd’hui le saint patron des journalistes et des écrivains.