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Fin de vie : un projet de loi qui accélère la décomposition de la société

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Benoist de Sinety - publié le 02/06/24
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Devant l’épreuve de la souffrance, un lobby de bien-portants prend le risque de mettre en péril les plus faibles, en ne proposant que la piqûre fatale, s’insurge le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille. En se croyant tout puissants, ils accélèrent un peu plus encore la décomposition d’une société qui n’est plus qu’un groupe d’individus capricieux.

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Voici donc que dans le brouhaha entretenu d’une actualité qui nous disperse et nous déroute, arrive la loi que nul n’ose appeler par son nom et qu’il est convenu de désigner pudiquement comme loi "sur la fin de vie". Elle était annoncée comme un texte humaniste, par un chef de l’État philosophe en mars dernier. Certes la double interview à La Croix et Libération comportait en soi une alerte, à moins qu’il n’eût fallu y voir une promesse inespérée de communion. Au bout du compte, le projet se révèle pour ce qu’il est grâce au débat parlementaire qui commence : une loi ouvrant droit et à l’euthanasie et au suicide assisté. Voici un "en même temps" préoccupant...

Devant l’épreuve de la souffrance

L’unanimité des chefs de service et des personnels soignants concernés l’indique : en soins palliatifs, à peine 3% des patients arrivants demandent explicitement à mourir. Ils ne sont plus que 0,3% au bout de quelques jours quand les traitements et l’immense humanité dont ils bénéficient, apaisent leurs angoisses. Et souvent le chiffre tombe à zéro. "On a fait des patients atteints de la maladie de Charcot, par exemple, l’archétype de ceux qui attendent une telle loi", me confiait récemment une responsable, depuis trente ans, d’un de ces services. "En fait, beaucoup de patients sont furieux d’être embarqués dans ce genre de débat, comme s’ils devaient faire bloc autour de quelques cas médiatisés parce que célèbres. Comme si le fait d’avoir cette maladie rendait obligatoire de vouloir mourir."

Celui qui veut mourir, c’est celui qui a le sentiment de n’être plus rien pour personne et qui s’angoisse de devenir une charge, un coût pour la société, pour ses descendants.

Il n’est pas invraisemblable de vouloir mourir quand on se retrouve devant l’épreuve de la souffrance physique ou psychique. Encore moins lorsque la société ne cesse de vous renvoyer le coût de vos soins et les moyens mis en œuvre pour vous accompagner. Encore moins lorsque l’on se retrouve isolé dans des structures où personne ne vient vous voir et où la vie semble ne plus avoir aucun sens... Ce qui est invraisemblable, c’est qu’à cette angoisse on ne puisse plus proposer que la piqûre finale.

Les plus faibles en danger

Vieillard perclus de douleurs dans la solitude de son Ehpad, malade incurable que l’on se lasse de visiter, ancien dont on attend l’héritage...  Celui qui veut mourir, c’est celui qui a le sentiment de n’être plus rien pour personne et qui s’angoisse de devenir une charge, un coût pour la société, pour ses descendants. Cette loi est le fruit de lobbies et en aucun cas de médecins. Elle est rédigée et discutée par des gens en bonne santé, riches et heureux. Portés par une société de performance, ils se refusent, intellectuellement, à s’imaginer dépendants, eux qui pensent pouvoir décider de tout. Ils discutent d’une loi qui permettra aux pauvres de mourir plus vite tout en se croyant, eux et leurs proches — mais peut-être se trompent-ils finalement — épargnés par ce risque.

Cette loi met en péril à court ou moyen terme la sécurité des vieillards qui ne pourront plus communiquer et dont on jugera qu’ils fragilisent les finances publiques. Elle met en danger les blessés et les malades qui auront formulé, à l’époque de leur pleine santé, le désir d’être euthanasiés, mais qui ne pourront plus, faute de pouvoir communiquer, faire machine arrière. Elle fragilise les personnes dépressives qui pourront, comme en Belgique demander le suicide assisté pour causes de "souffrances psychologiques insupportables" comme cette rescapée des attentats de Bruxelles, Shanti de Corte, en 2022.

Comment réagir ?

D’aucuns répondront qu’il n’est pas question d’aller jusque-là, que jamais cela ne sera. Ils mentent, de bonne foi peut-être. Mais à chaque fois, c’est la même chose, avec la même rengaine. Et à chaque fois on va plus loin : parce que ces portes-là ne se referment jamais et ne demeurent jamais entrouvertes longtemps : elles ne résistent pas au vent qui s’y engouffre, qu’on appelle alors souffle de liberté alors qui n’est qu’un courant d’air puissant et mauvais qui rend malade tout le corps social. Cette loi se veut une réponse à des demandes individuelles et accélère un peu plus encore la décomposition d’une société qui n’est plus qu’un groupe d’individus capricieux qui exigent de l’État d’être traités comme des enfants uniques tout en revendiquant la liberté des adultes. Il est rassurant que des députés de différents partis, d’André Chassaigne par exemple pour le PCF à Philippe Vasseur pour les LR puissent dire haut et fort leur effroi devant ce qui se trame. Il n’en est que plus désolant de voir la mollesse intellectuelle du reste, qui, n’osant s’opposer, se rallient en silence. 

Reste à savoir comment réagir ? Sans doute nous faut-il prier et travailler pour que les disciples du Christ, dans cette décomposition qui s’annonce, puissent être des prophètes de la dignité innégociable de toute vie humaine et sachent trouver des modes d’actions pour le manifester concrètement plutôt que de s’en tenir aux discours et aux gémissements. À nous de proposer et développer dans cette ambiance un peu sinistre des signes que le Royaume est là : j’étais malade, vous m’avez visité, j’étais étranger, vous m’avez accueilli, j’avais faim et soif et vous m’avez donné à boire et à manger...

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