Pour mieux comprendre le long règne de Jéhu, - près de trente années – il faut revenir en arrière et se souvenir de Jézabel, épouse du roi Achab (ou Acab) et adepte des cultes païens qu’elle sut imposer à son peuple à la mort de son mari. Son fils Joram devenu roi à son tour poursuivra cette pratique impie, ce qui lui fit encourir la colère divine.
Un disciple du prophète Élisée annonça alors à Jéhu, après lui avoir donné l’onction royale signifiant ainsi la destitution de Joram : "Tu frapperas la maison d’Acab, ton maître ; je vengerai ainsi le sang de mes serviteurs les prophètes et le sang de tous les serviteurs du Seigneur, répandu par la main de Jézabel. Toute la maison d’Acab périra ; j’exterminerai les mâles de chez Acab, esclaves ou hommes libres en Israël. (…) Quant à Jézabel, les chiens la dévoreront dans le champ de Yizréel, et personne ne l’ensevelira." (2R 9,7-10).
Le bras armé du Seigneur
Fort de cette investiture divine, Jéhu fit preuve d’un zèle étonnant contre la maison d’Achab et accomplit promptement sa mission lors d’une confrontation, ainsi que nous le raconte le récit biblique : "Jéhu saisit son arc et atteignit Joram entre les épaules. La flèche lui transperça le cœur, et il s’écroula dans son char" (2R 9,24).
La prophétie allait s’accomplir avec, après l’élimination de Joram, celle de Jézabel, et ce de nouveau de manière particulièrement violente ainsi que l’ordonna le roi Jéhu : "Jetez-la en bas !" Et ils la jetèrent. Son sang éclaboussa le mur et les chevaux, et Jéhu la piétina" (2R 9,33). Alors qu’on tenta d’ensevelir le cadavre de l’ancienne reine, on ne retrouva d’elle que son crâne, ses pieds et ses mains, le reste ayant été dévoré selon la prophétie. Fut alors ordonné que ses restes servent de fumier à la surface du champ de Yizréel…
Un carnage radical
La Bible réserve parfois des passages difficiles à comprendre de nos jours. Ainsi, la mission violente de Jéhu ne s’arrêta pas à l’élimination de Joram et de sa mère Jézabel. C’est toute la maison d’Achab qui périra par le fer ainsi que le rapporte l’Ancien Testament : "Ceux-ci prirent les fils du roi, égorgèrent ces soixante-dix hommes, mirent leurs têtes dans des corbeilles et les envoyèrent à Jéhu, qui était à Yizréel. (…) Et Jéhu frappa tous ceux de la maison d’Acab qui restaient à Yizréel, et tous ses grands, ses familiers et ses prêtres, sans laisser un seul survivant." (2R 10,7,11)
Jéhu réserva le même sort aux prêtres du culte de Baal qu’Achab, Jézabel et leur fils avaient servi. Il fut nécessaire de réunir pas moins de 80 soldats pour tous les exterminer, démolir le temple dans lequel ils avaient été réunis jusqu’à ce qu’il ne reste plus "qu’un tas de poussière surmonté d’immondices"… Cependant, malgré ce zèle, Jéhu ne put empêcher le culte des veaux d’or de se perpétuer dans son royaume, ce qui entraînera la fin de son règne, celui-ci croulant sous les défaites militaires face aux Araméens avec la perte de nombreux territoires.
Jéhu vu par les artistes
C’est la férocité dont il fit preuve lors de l’élimination de la maison d’Achab qu’ont le plus souvent retenu les artistes notamment le peintre vénitien Andrea Celesti à la fin du XVIIe siècle. Sur un tableau impressionnant de réalisme de cet artiste, nous pouvons apercevoir ce qu’il reste du corps de Jézabel déchiré par les chiens du monarque, alors que Jéhu demeure manifestement impassible devant la scène à laquelle il assiste. L’arrière-plan de cette œuvre laisse deviner la cohue qui règne avec les soldats du roi pourchassant et abattant tous les membres de la famille de l’ancien roi Achab.
Le 7e art s’est également emparé, mais de manière plus sobre, de ce terrible épisode du règne de Jéhu avec le film "Sins of Jezebel" sorti en 1953 dans lequel Paulette Goddard incarne la reine qui connaîtra tout de même un terrible destin face au jeune Jéhu joué par le jeune Georges Nader. Si l’histoire est bien entendu romancée comme savent le faire les péplums, la scène du massacre de Jézabel apparaît paradoxalement bien plus mesurée que celle du texte biblique…