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Si sa personne et sa vie sont encore relativement peu connues, son nom en revanche l’est un peu plus, notamment grâce à l’établissement de santé éponyme, dans le XVe arrondissement de Paris, spécialisé dans les soins palliatifs, où près de 1.100 malades sont accompagnés chaque année dans leur fin de vie. Mais qui est Jeanne Garnier (1811-1853) dont la phase diocésaine du procès en béatification se clôture ce lundi 27 novembre 2023 à Lyon ? Qui est donc cette jeune femme qui, en plein cœur du XIXe siècle, va lancer une œuvre pérenne qui lui vaut aujourd'hui d'être en route vers la sainteté ? Jeanne Garnier laisse une œuvre derrière elle, les Dames du Calvaire, et une intuition qui n’a jamais été autant dans l’actualité: chaque personne est digne et unique, et mérite un accompagnement le plus respectueux possible jusqu’à sa mort.
Née à Lyon en 1811, Jeanne épouse à 20 ans Jean-Étienne Garnier, issu comme elle de la petite bourgeoisie commerçante lyonnaise. Un premier enfant naît rapidement de leur union, mais meurt à quelques mois. Alors qu’elle accouche d’un deuxième enfant, son mari tombe malade et Jeanne confie son bébé à une nourrice afin de s'occuper de son époux. Las, Jean-Étienne Garnier meurt à son tour et, lorsque Jeanne souhaite récupérer son bébé chez la nourrice, elle apprend qu’il est également décédé. En deux ans, Jeanne a tout perdu et tombe dans une profonde dépression. Elle racontera même plus tard qu’elle courrait lorsqu'elle traversait la Saône pour aller au cimetière, afin de ne pas être tentée de sauter du pont.
Fondatrice des Dames du Calvaire
Mais elle a la foi et est entourée de prêtres qui vont l’accompagner. La rencontre dans la rue avec une femme mendiante, sale et très malade, va être déterminante pour la jeune veuve qui va l’amener chez elle, sur son dos, car personne ne veut l’aider et s’approcher de cette "répugnante". Elle va la veiller jusqu’à sa mort. Petit à petit, avec d’autres dames veuves comme elle, Jeanne va décider de consacrer son temps aux "incurables délaissés" et va lancer, le 8 décembre 1842, les “Dames du Calvaire”, une association de femmes se consacrant aux soins des plus démunies, association aussitôt reconnue et soutenue par l'évêque des lieux, le cardinal de Bonald, et qui deviendra en 1881 l’association de l’Œuvre du Calvaire.
Jeanne va acheter un domaine sur les coteaux de la colline de Fourvière et après des travaux financés par la générosité des Lyonnais, une cinquantaine de personnes incurables vont pouvoir y être accueillies, les bases du futur Hôpital de Fourvière sont ainsi posées. Jeanne va se donner sans compter pour son œuvre, toujours à l’écoute des autres, et notamment de ses amies veuves qui ne souhaitent pas forcément prononcer des vœux, c’est pourquoi elle laisse derrière elle une œuvre associative, les Dames du Calvaire, et non un ordre religieux. Elle meurt jeune et affaiblie, à l’âge de 42 ans, le 28 décembre 1853. Elle aura été la contemporaine de Pauline Jaricot, et du saint curé d’Ars, et si l’histoire ne dit pas s’ils se connaissaient, leurs démarches et leurs œuvres correspondent bien à l’air du temps et à ce catholicisme social made in Lyon de l’époque.
Après Lyon, vingt ans plus tard, en 1874, c’est à Paris que s’ouvre une deuxième maison d’accompagnement de la fin de vie, maison toujours connue aujourd'hui comme "la maison médicale Jeanne Garnier", où l’éthique médicale et l’humanisme chrétien y sont assumés, selon l’inspiration initiale de Jeanne.
Je suis très touché par cette femme pleine d’humilité, qui avait un grand don de l’écoute et pour qui chaque personne est unique.
Et c’est dans cette maison, au début des années 2000, que Guy de Buttet, marié, père de quatre filles et à l’époque consultant pour une firme américaine, y accompagne un de ses amis malade et se pose des questions sur cette femme qu’il ne connait pas, mais dont l’œuvre le touche, lui qui voit concrètement le bel accompagnement proposé à son ami. "J'ai décidé de me renseigner sur cette femme", raconte-t-il à Aleteia. "J'ai été extrêmement touché par son parcours et je me suis dis que quand je serai à la retraite, je prendrai plus de temps pour devenir bénévole à la maison Jeanne Garnier, mais aussi faire connaitre cette femme".
Aussitôt dit aussitôt fait, Guy de Buttet se documente quelques mois puis il écrit une lettre "inspirée" au cardinal Barbarin pour l’inviter à mieux la faire connaître à Lyon et ailleurs. "Le cardinal a répondu à ma lettre dans la semaine, très motivé", reprend-t-il? "Je l’ignorais mais il avait lui-même préfacé un livre sur Jeanne Garnier. Il m'a proposé alors de me confier le soin de réfléchir au lancement d’une procédure de béatification et, en juin 2018, j'ai été officiellement désigné comme postulateur de la cause en canonisation de Jeanne Garnier".
En attente du miracle
Depuis, le retraité parisien, bénévole dynamique, ne ménage pas sa peine pour faire avancer la procédure, soutenu bien sûr par le diocèse de Lyon et notamment par le père Pierre Peyret, délégué de l'évêque pour les causes de canonisation. "La procédure est bel et bien engagée. En 2019 nous avons ouvert une enquête diocésaine avec notamment la nomination de trois historiens qui ont été chargés de vérifier les faits, d’auditionner des témoins et d’évaluer la réputation de sainteté de Jeanne. Cette enquête vient d’être clôturée, les actes partent à présent à Rome pour la suite de la procédure et le début de l’enquête romaine, la “position” effectuée par la Congrégation pour la cause des saints", confirme le père Peyret. Et si un postulateur romain vient d’être nommé, celui-ci a demandé à Guy de Buttet d’être son "co-postulateur". À l'issue de cette enquête romaine, si l’avis est favorable et l’héroïcité des vertus reconnue, Jeanne Garnier deviendra vénérable, "mais il y a une longue liste d’attente, dont d’autres Lyonnais d’ailleurs, cela pourrait prendre du temps …", ajoute encore le père Peyret.
Reste à attendre le miracle pour qu’elle soit béatifiée puis une deuxième miracle pour sa canonisation, "nous n’en sommes pas encore là, ceci dit nous recevons déjà des témoignages, notamment par des carmels qui prient pour certaines intentions, et qui ont été exaucés", confie Guy de Buttet, toujours heureux de continuer à parler de Jeanne Garnier, dont il ressent intimement la douce intercession, lui aussi ayant retrouvé une bonne santé après quelques sérieux ennuis. "Elle m’accompagne et je suis très touché par cette femme pleine d’humilité, qui avait un grand don de l’écoute et pour qui chaque personne est unique".