Joseph Calvert a longtemps été athée au point de faire de la lutte contre le christianisme sa priorité. Pourtant, la Providence semblait lui avoir réservé un parcours spirituel digne des plus grandes conversions : aujourd'hui diacre permanent dans deux paroisses du Kentucky, celui qui se surnomme Joe ne cesse de témoigner de sa rencontre avec Dieu. C'était loin d'être gagné. Joe était issu d'une famille protestante, et avait un grand-père catholique pratiquant. Mais ses études l'ont progressivement embarqué dans ce qu'il décrit lui-même comme étant un "athéisme militant".
Ces gens avaient en eux une lueur que je voulais avoir.
Dans les années 1980, alors qu'il étudiait l'ingénierie à l'université de Kentucky (Lexington), le jeune étudiant a même dépensé la totalité de son salaire gagné dans une chaîne de restauration pour acheter plusieurs exemplaires du livre Pourquoi je ne suis pas chrétien, de Bertrand Russell avant de les distribuer gratuitement à ses petits camarades de faculté. Dans cet essai paru en 1927, le philosophe britannique expose les multiples raisons qui empêchent selon lui le christianisme d'être une religion crédible, la qualifiant même de néfaste, reposant sur la peur. "Y a-t-il mieux à proposer pour remplacer ce mélange antiscientifique de prédication et de corruption ? Je le pense", écrivait ainsi l'essayiste dans une cinglante saillie.
L'Église, un tas de superstitions
"Dans les cours d'histoire, de littérature et de philosophie, ils [les professeurs, ndlr] ne nous ont rien dit de bon sur l'Église catholique ou le christianisme", témoigne ainsi Joe auprès du journal espagnol Religion en Libertad. "Ils nous ont seulement parlé de l'Inquisition espagnole, de quelques papes corrompus et de deux mille ans d'écrasement des femmes par la religion... De l'autre côté, les penseurs athées étaient présentés comme les esprits éclairés qui nous ont sortis de la prison qu'était la religion." Pour Joe, la religion chrétienne, et plus spécifiquement catholique, n'est qu'un ensemble de rituels à la limite de la superstition, reçus par le biais d'une éducation stricte et rigide. Libertarien, Joe milite en faveur de l'avortement, de toutes les formes possibles de contraception. Pour lui, "l'Église catholique n'était qu'une entité avide de pouvoir et de richesse." Le jeune étudiant affiche même publiquement son mépris pour le Pape, tout en lui reconnaissant malgré lui une forme de courage dans sa capacité à s'élever contre les plus grands de ce monde sur des sujets de société. "Je pensais que le Pape, qui était alors saint Jean-Paul II, était juste un propagateur de superstitions et je le ridiculisais quand on parlait de lui (...) Mais j'avais une certaine admiration pour sa force de désaccord. Sa force et sa cohérence seraient l'une des choses qui contribueraient plus tard à ma conversion."
Malgré tout en recherche de spiritualité, Joe tente sa chance auprès du bouddhisme qui le pousse à la méditation. C'est à ce moment que tout bascule : le jeune homme se voit conseiller l'étude de poèmes de mystiques catholiques, parmi lesquels figure sainte Thérèse d'Avila. Joe se retrouve époustouflé par le grand classique de cette carmélite :
Que rien ne te trouble
Que rien ne t’effraie.
Tout passe, Dieu ne change pas.
La patience obtient tout.
A qui possède Dieu, rien ne manque.
Dieu seul suffit.
Touché-coulé... Par Thérèse d'Avila
Intrigué, puis touché, Joe laisse les premiers rayons de la grâce infiltrer son âme sans même s'en rendre compte. "Ses poèmes m'ont amené à lire ses livres, comme Le Chemin de Perfection et Le Château intérieur ", explique Calvert. "Sa vie et ses écrits étaient inconciliables avec ce qu'on m'avait enseigné sur l'Église dans les universités. On m'avait dit que l'Église n'avait fait qu'écraser les femmes pendant deux mille ans. Mais ici nous avions une intellectuelle brillante et extrêmement forte, et précisément venant d'Espagne... au temps de l'Inquisition. Ce fut la première salve sérieuse contre le mur apparemment impénétrable de ma fierté intellectuelle", se souvient-il. Joe commence à observer plus en profondeur les catholiques qui l'entourent, et se rend compte qu'il leur envie quelque chose qu'il n'a pas. Son grand-père, un collègue, sa belle-mère qu'il décrit comme "une sainte sur terre, incarnant les vertus de douceur et d'humilité"... "Ces gens avaient en eux une lueur que je voulais avoir", se rappelle Joe.
Rien n'apporte plus de tranquillité d'esprit et de joie que de faire la volonté de Dieu.
Joe se plonge alors résolument dans l'étude des dogmes catholiques. "J'ai lu le Catéchisme du début à la fin et je n'ai rien trouvé qui ne soit pas logique ou digne de confiance." Il a enchaîne avec la lecture de l'encyclique Evangelium Vitae de Jean-Paul II, pour répondre à ses questions sur l'avortement et la contraception. "Ses arguments logiques, qui exposent étape par étape le caractère sacré de chaque vie humaine, ont été dévastateurs pour ma fierté, détruisant les mensonges de la soi-disant liberté reproductive."
La conversion
Le 23 décembre 1995, à 35 ans, c'est l'aboutissement d'un long parcours de recherche spirituelle. Joe reçoit les sacrements du baptême et de la confirmation. "J'ai laissé tomber mes dernières objections. Rien n'apporte plus de tranquillité d'esprit et de joie que de faire la volonté de Dieu", reconnaît le diacre. "Je me suis senti cent fois plus léger après avoir été purifié de plusieurs décennies de péché. Pendant la confirmation, j'ai senti le Saint Esprit passer à travers moi et me remplir comme un liquide, c'était une lumière curative et fortifiante qui m'a traversé et est restée en moi."
Plusieurs années après son baptême, Joe est devenu diacre, non sans avoir longtemps réfléchi. C'est par sa grande dévotion à Marie qu'il décide finalement de répondre à cet appel au ministère diaconal. "Mon cœur me mène toujours aux sanctuaires mariaux : plus je me rapproche d'Elle [la Vierge Marie ndlr], plus je me rapproche de Lui (...) Je crois qu'Elle est le meilleur chemin vers Lui."