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Ukraine : l’envoyé du Pape revient dans le jeu des négociations

Ukrainian President Volodymyr Zelensky shaking hands with Pope Francis' peace envoy to Ukraine Cardinal Matteo Zuppi

Le cardinal Zuppi lors d'une rencontre avec le président ukrainien Zelenski le 6 juin 2023.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 27/07/23
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Les voyages du cardinal Zuppi pour tenter de renouer les fils de la paix en Ukraine montrent que le Saint-Siège tente de reprendre la main sur le conflit. Pour le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, le Vatican cherche à être de nouveau un élément-clef des négociations de sortie de guerre.

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Le cardinal Matteo Zuppi est l’un de ces hommes discrets de l’Église italienne qui sait mener des missions délicates loin des radars médiatiques. Un pur Romain, né en 1955 sur les bords du Tibre, formé dans les universités de la Ville éternelle, devenu, en 2000, curé de la basilique Sainte-Marie-du-Trastevere, l’église de la communauté Sant’Egidio, que beaucoup voient comme une diplomatie parallèle du Saint-Siège. Lui-même membre de cette communauté, il a participé à des négociations de paix au Mozambique, entre 1990 et 1992. Autant dire que les questions diplomatiques ne lui sont pas étrangères, tout comme les résolutions des conflits. Nommé évêque auxiliaire de Rome en 2012 par Benoît XVI, il quitte sa cité en 2015 pour devenir archevêque de Bologne.

Un éloignement temporaire puisque, créé cardinal par François en 2019, il arrive au cœur de la curie romaine, avant de devenir président de la Conférence épiscopale italienne en mai 2022, nommé là aussi par François. Le cardinal Zuppi est donc à la fois un diplomate et un politique aguerri et un homme de confiance du pape actuel, qui l’a placé à des postes clefs (Bologne, curie, CEI). Son envoi en mission pour tenter de dénouer le conflit ukrainien est un signe de plus de la confiance que lui porte le Pape et du rôle éminent qu’il joue aujourd'hui dans l’Église. 

Trouver la paix

Sur l’Ukraine, la position du Saint-Siège a évolué depuis mars 2022. Trois temps peuvent se distinguer. Au moment de l’invasion de l’Ukraine, le Pape se positionne sur une voie médiane, condamnant l’invasion, mais trouvant des circonstances atténuantes à la Russie. François évoque « les aboiements de l’OTAN » aux portes de la Russie, "aboiements" qui provoquèrent l’intervention militaire. Une inflexion s’ensuit en décembre 2022 : le Saint-Siège s’éloigne de la Russie et soutient de plus en plus l’Ukraine. Néanmoins, les relations avec les gréco-catholiques restent froides.

Ce début de mission montre que le Saint-Siège a ciblé les acteurs principaux du conflit : Ukraine, Russie et États-Unis, lieux des trois visites.

Dans sa dernière création de cardinaux, François a nommé des évêques situés en zone de guerres et de tensions, notamment au Soudan du Sud et à Hong Kong, mais il n’a pas mis d’évêque ukrainien dans sa liste des cardinalices. Une absence remarquée, vue comme une défiance et un refroidissement des relations entre les gréco-catholiques et Rome. L’envoi du cardinal Zuppi pour une mission de paix est le troisième temps de ce conflit, une tentative de reprise en main et de repositionnement. Alors que le Vatican dispose d’une solide et ancienne tradition diplomatique, il était exclu des négociations de paix en Ukraine. La mission Zuppi est une tentative pour replacer Rome au centre du concert des nations. 

L’annonce publique de la mission confiée au cardinal Zuppi fut faite le 21 mai par la salle de presse du Saint-Siège. Il s’agissait, selon le communiqué officiel de "la tâche de conduire une mission, en accord avec la Secrétairerie d’État, qui puisse contribuer à l’apaisement des tensions dans le conflit en Ukraine, dans l’espoir, jamais démenti par le Saint-Père, que cela puisse mettre en place un parcours de paix". Un parcours de paix qui a commencé par Kiev, avec une visite les 5 et 6 juin, où le cardinal Zuppi a notamment rencontré le président Zelensky.

À travers les communiqués, toujours sibyllins et pesés aux mots près, on voit que la question humanitaire est centrale, notamment l’aide apportée aux blessés de guerre et le soutien aux enfants déplacés.

Puis, le 28 et 29 juin, il s’est rendu à Moscou afin "d’encourager les gestes d’humanité, qui peuvent aider à favoriser une solution à la situation tragique actuelle et à trouver des moyens de parvenir à une paix juste", selon le communiqué du Saint-Siège. Troisième étape de la mission Zuppi, Washington, les 17 et 19 juillet, avec notamment une rencontre avec le président Biden : "Le président Biden et le cardinal Zuppi discuteront des souffrances causées par la guerre brutale de la Russie en Ukraine. Ils discuteront également des efforts déployés par les États-Unis et le Saint-Siège pour fournir une aide humanitaire aux personnes touchées, et de l’accent mis par le Siège pontifical sur le rapatriement des enfants ukrainiens expulsés de force par des responsables russes."

Le retour de Rome ? 

Ce début de mission montre que le Saint-Siège a ciblé les acteurs principaux du conflit : Ukraine, Russie et États-Unis, lieux des trois visites. Reste à voir si d’autres visites se font. Un voyage serait prévu à Pékin pour la mi-août, mais cette annonce officieuse n’a pas encore été confirmée par la Chine. Istanbul et les principales capitales européennes devraient aussi être visitées pour que la mission puisse aboutir à des choses concrètes. À travers les communiqués, toujours sibyllins et pesés aux mots près, on voit que la question humanitaire est centrale, notamment l’aide apportée aux blessés de guerre et le soutien aux enfants déplacés. C’est un sujet qui est à la fois consensuel parmi les belligérants et qui est le plus aisé à traiter, dans un premier temps. La question de la délimitation des frontières, du cessez-le-feu, du retrait des armées voire d’un traité de paix n’est pas encore évoquée de façon publique. Qui pourrait s’en étonner ? Pour être efficace, la diplomatie doit être secrète et se faire dans le secret des alcôves, non être mise sur la place publique. 

Reste à voir ce qui aboutira de ces missions de paix. Pour l’instant, cela permet au Saint-Siège de revenir dans le jeu des négociations et de jouer son rôle habituel de bons offices et de terrain neutre avec qui parler. Quant à l’arrêt des combats et l’établissement d’une structure solide de paix, cela demeure un horizon lointain qui échappe à la seule bonne volonté du Pape et de son envoyé spécial.

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