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À l’Église gréco-catholique d’Ukraine, comme à ses Églises-sœurs catholiques orientales (elle est la plus importante par le nombre de ses fidèles), le concile Vatican II donne "à titre particulier la charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux" (Orientalium Ecclesiarum, 24), d’être une Église-pont. Compte tenu de l’importance du facteur religieux, réalité ou prétexte, dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, cette charge lui donne donc un rôle particulier dans la résolution du conflit dont ce pays est la victime.
Mais il ne faut pas aller trop vite. Les catholiques d’Ukraine, comme leurs frères orthodoxes et autres, peuvent faire leur la parole du bienheureux frère Christophe de Tibhirine peu avant son martyre : "Oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu'on les aime sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s'accroît."
Sans perdre de vue l’horizon de l’après-conflit et de sa mission d’unité, cette Église partage les souffrances de son peuple.
L’heure présente est celle de l’agression perpétrée depuis dix mois par Vladimir Poutine, celle des vies détruites ou abîmées, des massacres, crimes et atrocités que les catholiques subissent comme tous leurs concitoyens ukrainiens. Des missiles sont tombés ces jours-ci sur Lviv, Ternopil et Ivano-Frankisvk — les régions où les gréco-catholiques sont les plus nombreux ; depuis le début de l’agression, l’Université catholique d’Ukraine (pour laquelle je donne un cours sur l’unité des chrétiens) pleure des victimes parmi ses membres.
Sans perdre de vue l’horizon de l’après-conflit et de sa mission d’unité, cette Église partage les souffrances de son peuple ; par la voix de son chef, Mgr Sviatoslav Shevchuk, elle soutient le courage et la dénonciation des crimes, fait prier pour les victimes et pour la fin du conflit et ajoute à notre adresse : "Ne nous laissez pas seuls dans la douleur."
La force de la vérité
L’avenir ? En cas de victoire de Vladimir Poutine, l’horizon est sombre. Les gréco-catholiques sont doublement menacés, en tant qu’Ukrainiens et en tant que catholiques : depuis le premier contact, au milieu du XVIIe siècle et jusqu’à 2014, il n’y a pas eu un seul exemple dans l’histoire, pas un seul, où la conquête de leurs régions par l’armée russe (sous ses noms successifs — moscovite, impériale russe, rouge soviétique ou Fédération de Russie) n’ait pas entraîné leur persécution en vue de leur liquidation.
Les déclarations faites le 3 avril 2022 par l’agence de presse officielle du Kremlin RIA Novosti sur le sort promis à la "province catholique" de l’Ukraine après une victoire russe ne laisse hélas aucun doute sur son avenir en ce cas, tout comme les déclarations du patriarcat de Moscou reprenant le mythe d’un unique "monde russe" orthodoxe millénaire. Plaise à Dieu que ceci ne se réalise pas, même si, depuis des siècles, la résistance et la résilience des gréco-catholiques, fut-ce dans les catacombes, est un signe de ce qui se passerait alors : en 1946, Staline décréta la "solution finale" par la persécution totale du "problème gréco-catholique".
Quarante-trois ans plus tard, l’Église gréco-catholique est ressortie plus forte que jamais des catacombes ; comme me l’a dit alors Stephania Shabatura, une des héroïnes de la résistance et du Goulag, "la loi véritable de la vie, ce n'est pas ce qui paraît grand qui l'est réellement. Cela montre que le plus faible, s'il a la vérité avec lui, est plus fort que le plus fort. La seule vraie force, c'est la vérité". Cela vaut et vaudra toujours.
Les deux poumons
Si une paix sauvegardant le droit de la nation ukrainienne à la maîtrise de son destin advient, l’Église catholique d’Ukraine aura un rôle à y jouer, auquel elle est doublement préparée. D’abord par son passé de fidélité aux deux poumons du christianisme, l’oriental (par son identité d’Église byzantine qu’elle partage avec les Églises orthodoxes) et l’occidental (par son lien avec Rome non rompu par la déchirure de 1054, qui a donné à ses chefs un rôle important lors des conciles d’Union au Moyen Âge puis pour la réaffirmation de l’Union depuis 1595-1596). Ensuite, depuis l’indépendance de l’Ukraine, par ses actions de réconciliation et de dialogue qui lient souci pastoral de ses fidèles et ouverture à l’unité des Églises avec les orthodoxes.
Quelques faits en ce sens : avant même la fin de la persécution soviétique, son chef alors en exil proposa un pardon réciproque au patriarcat de Moscou (hélas sans réponse à ce jour) ; l’Institut d’Études œcuméniques de l’Université catholique a été fondé par un orthodoxe d’origine russe ; l’Église et celle-ci ont multiplié les initiatives de réconciliation depuis trente ans, entre catholiques et orthodoxes, entre Ukrainiens et Polonais et Ukrainiens et Juifs, et celles pour la purification de la mémoire dans ce pays au passé multinational complexe et souvent tragique, auquel appartiennent Ukrainiens, Lituaniens, Polonais, Russes, Juifs, Tatars. Quoiqu’il advienne, cette mission et cette vocation de l’Église gréco-catholique d’Ukraine se poursuivront.
Pratique :
Didier Rance, Catholiques d’Ukraine. Un pays ,une Église, un message, Artège, octobre 2022, 290 pages, 17,90 €