Pierre est un tout jeune prêtre. Il y a seulement quelques jours, comme diacre, il assistait à la messe. Désormais, c’est à la place du célébrant qu’il participe à l’eucharistie. À la fois étonné et plein d’admiration, il confie : "Ce qui est fou, c’est que je suis indigne des paroles que je prononce, mais les paroissiens croient". En effet, comme tout sacrement, la messe repose sur l’acte de foi des chrétiens.
Dans une logique conforme à l’incarnation, Dieu agit et se rend présent dans la fragilité de la matière et à travers les mains de prêtres au moins aussi pécheurs que les autres. Ces mêmes mains qui ont été marquées du Saint-Chrême le jour de l’ordination presbytérale "pour sanctifier le peuple chrétien". Comme pour le baptême ou la confirmation, cette huile consacrée est le signe de l’action de l’Esprit saint. La grâce, son autre nom, est assurément à l’œuvre. Reste qu’elle appelle de la part de chacun un acte de la volonté – "oui, je crois" – qui est d’abord un don du Père.
Des paroles performatives
Pourtant, l’habitude et la distraction font également leur œuvre et l’acte de foi devient souvent implicite ou inconscient. Que le curé, qui dit la messe tous les dimanches depuis son arrivée il y a plusieurs années, dise les paroles de la consécration n’étonne plus. Ni même peut-être que le pain et le vin soient réellement le corps et le sang de Jésus. Que les paroles du tout jeune prêtre soient performatives (ce qui est dit est réalisé) peut réveiller l’action de grâce.
Car Dieu se manifeste de cette manière dans tous les sacrements. Discrètement, par la médiation de signes aussi concrets que suggestifs. Par l’eau de la mort et de la vie au jour du baptême, par les époux eux-mêmes qui se donnent l’un à l’autre dans le mariage, par l’aveu des péchés et l’absolution prononcés dans le secret d’un confessionnal. Comme la brise légère par laquelle il se révèle au prophète Élie (cf. 1 R 19), Dieu vient à nous sans s’imposer : croyons et rendons grâce !