"Marcher sur les routes permet de prier instinctivement, presque sans le savoir ; d’un cœur libre, l’esprit et le corps rythmés par la cadence d’une prière litanique, qui stimule en même temps qu’elle apaise", soulignait Dom Gérard Calvet, le fondateur de l'abbaye du Barroux, dans une homélie aux pèlerins de Chartres en 1997. La marche invite en effet à la prière, individuelle ou communautaire, parlée, silencieuse ou chantée. La prière prend ainsi différentes formes et s’articule autour de multiples intentions, dans un "élan du cœur" disait sainte Thérèse, qui monte vers Dieu pour rendre grâce, confier ou supplier.
Outre leurs gamelles et leur sac de couchage, les pèlerins partent donc avec de nombreuses intentions de prière. Portées seul ou partagées avec les personnes de leur chapitre, elles demeurent présentes dans la prière des pèlerins tout au long de la marche. "Au-delà de nos prières personnelles qui concernent généralement notre avenir, notre famille, nos proches, des personnes malades, on prie aussi pour des intentions plus universelles, proposées d’ailleurs dans le livret du pèlerin. Cela peut être pour l’unité de l’Église, pour les vocations, pour les prêtres et les religieux, pour la France, pour les âmes du purgatoire, pour les chrétiens d’Orient…", explique Alice, 21 ans, étudiante en histoire à Paris, une fidèle du pèlerinage de Chartres depuis sept ans.
Les pèlerins n’en oublient pas pour autant les intentions en lien avec l’actualité. François-Xavier, 35 ans, chef d'un chapitre venant de Normandie, confie être particulièrement sensible aux guerres et aux persécutions des chrétiens, notamment en Orient.
Prier pour sa propre conversion
Loin de tout égoïsme, prier pour sa propre conversion est une intention qui rallie de nombreux pèlerins. La difficulté physique de la marche y aide. "La marche, la fatigue, les aléas de la météo… Tout cela fait souffrir le corps mais rend l’âme plus charitable", confie Hervé, 51 ans, restaurateur à Paris, pour qui le pèlerinage de Chartres est "la bouffée d’oxygène de l’année". Même démarche chez François-Xavier. Pour lui, "péleriner est d’abord une démarche individuelle, avec cette intention de remettre le Christ au cœur du foyer". "Gagner en sainteté", c’est pour cette raison qu’il offre tous ces sacrifices liés à la marche.
Mais gagner en sainteté n'est pas possible tout seul. L'avantage du pèlerinage, c'est que les sacrements, et notamment l'eucharistie et la réconciliation, sont accessibles. "C'est un pèlerinage où on communie, où on se confesse...", souligne François-Xavier. Autant de sacrements qui octroient des grâces pour pouvoir avancer sur le chemin de la sainteté.
Prier pour la France
La France fait partie des intentions chères aux pèlerins de Chartres. Charles, 21 ans, n’a pas raté une édition du pèlerinage de Chartres depuis l’âge de 8 ans. Lorsque nous lui demandons pourquoi il va marcher cette année, il nous répond sans hésiter : "Pour l’Église, qui traverse de fortes turbulences actuellement, pour le Pape et les évêques, qui ont besoin d’être guidés par l’Esprit saint, et aussi pour la France, qui traverse un désert spirituel."
Une cause partagée par Louis-Marie, 18 ans, qui viendra de Gironde encadrer pour la première fois un chapitre de jeunes de 17 à 18 ans : "Je demande des grâces personnelles, pour mon avenir, mais je vais aussi au pèlerinage pour répondre à l’appel de Jean Paul II (lancé au Bourget le 1er juin 1980, ndlr) : "France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?". Je prie pour que la France redevienne chrétienne. C’est par la jeunesse que cela arrivera."
En communion avec les chrétiens d’Orient
Le pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté compte aussi dans ses rangs des chrétiens d’Orient. Si la liturgie traditionnelle n’est pas la même que celle des communautés orientales, elle offre néanmoins des similitudes. La prière commune en fait partie. Ainsi, Karam, 23 ans, syro-libanais orthodoxe et étudiant en école d’ingénieur, se réjouit de cette forte communion spirituelle qui existe entre les catholiques et les chrétiens d’Orient.
Communion dont il fait l’expérience au pèlerinage de Chartres qu’il entreprend cette année pour la sixième fois. "Je prie pour ma vie, ma famille mais je confie également mon pays, la Syrie, ainsi que la France". Fadi, 30 ans, d’origine irakienne, a découvert le pèlerinage de Chartres il y a sept ans et le fait régulièrement depuis. "On ne parle pas de politique, on prie, les uns à côté des autres, et les uns pour les autres. Cet esprit de communion rend ces trois jours de marche vraiment exceptionnels", confie-t-il.
La prière des "Anges gardiens"
Pauline Martin, la sœur de la petite Thérèse, n'est-elle pas le premier "ange gardien" des pèlerins de Chartres ? Il semblerait bien que oui, au vu de la lettre que son père lui a adressée quelques jours avant son départ pour Chartres : "Prie bien, ma chère petite, pour le succès du pèlerinage de Chartres dont je vais faire partie et qui groupera de nombreux pèlerins de notre belle France aux pieds de la très Sainte Vierge, afin d’obtenir les grâces dont notre Patrie a tant besoin pour se montrer digne de son passé." (Louis Martin, Extrait d’une lettre à sa fille Pauline, 1872).
Dans ce même élan de prière partagée, les personnes qui ne peuvent pas participer physiquement au pèlerinage sont invitées à s’y unir spirituellement. Notre-Dame de Chrétienté les appellent les "Anges gardiens". Ils se regroupent pour prier ensemble le chapelet au sein d’une paroisse, d’une chapelle, d’une école… Ils étaient 5.000 l’année dernière et seront 6.000 cette année. "Les Anges Gardiens sont ceux qui ne participent pas avec leurs pieds au pèlerinage, mais avec leur cœur, leurs prières, pour accompagner d’une manière invisible les pèlerins marcheurs", expliquait l’abbé Arnaud Evrat. Ils accompagnent les pèlerins marcheurs certes, mais ils leur confient aussi leurs intentions de prière. Ces dernières seront portées tout au long des 100 kilomètres et déposées dans une boîte le lundi de Pentecôte à Chartres, au pied de Notre-Dame du Pilier.