Les contours de la future loi sur la fin de vie, dont la légalisation de l’aide active à mourir, se précisent. Dans un entretien accordé au JDD publié dimanche 21 mai, Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée des Professions de santé chargée de porter le projet de loi sur la fin de vie qui "sera coconstruit d'ici la fin de l'été" selon le souhait d'Emmanuel Macron a partagé son souhait d’assurer "une traçabilité de A à Z". Car c'est bien elle qui défendra le texte du gouvernement devant les parlementaires et non François Braun, ministre de la Santé. Agnès Firmin-Le Bodo s'était déclaré favorable à titre personnel à l’aide active à mourir tandis que son collègue avait émis des réserves. Le texte portera sur trois thèmes : l'aide active à mourir (suicide assisté et/ou euthanasie), les droits des patients et les soins palliatifs.
Concernant la légalisation à proprement parler du suicide assisté ou de l’euthanasie, la ministre botte en touche en indiquant que le modèle français reste encore à définir : "Ce qui importe, c’est que la possibilité encadrée de bénéficier d’une aide active à mourir devienne effective, comme le réclament 75% de nos concitoyens", affirme-t-elle. Avec néanmoins des lignes rouges déjà fixées par le président à savoir l’exclusion des mineurs, un pronostic vital du patient engagé à moyen terme, une volonté recueillie à plusieurs reprises et un discernement intact. Les patients souffrant de maladies psychiques n’y auront quant à eux pas accès. "Agnès Firmin Le Bodo annonce un projet de loi qui semble déjà ficelé ouvrant l’euthanasie et le suicide assisté à des personnes dont le pronostic vital est engagé à moyen terme", dénonce pour sa part l’association Alliance Vita.
La clause de conscience des soignants
Sujet récurrent, la clause de conscience des soignants et des médecins ne souhaitant pas participer à l’aide active à mourir des patients, contraire au serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté, est également abordé par Agnès Firmin-Le Bodo. "Ils devront pouvoir faire jouer une clause de conscience", assure-t-elle. Et de reprendre : "Les médecins et soignants qui ne souhaitent pas participer à l’aide active à mourir devront pouvoir faire jouer une clause de conscience dès la première étape du processus, quand ils doivent se prononcer sur un pronostic vital engagé à moyen terme. Ensuite, il faudra s’assurer que le patient se soit bien vu proposer une prise en charge palliative. Car la plupart ne souhaitent plus mourir quand ils bénéficient de ces soins."
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir. "Pour faire passer la pilule létale de l’euthanasie et du suicide assisté aux soignants, on leur garantit une clause de conscience et le développement des soins palliatifs", signale Alliance Vita. "La ministre va jusqu’à proposer un service de mort sur ordonnance qui pourrait être administré par des associations. C’est tromper les soignants qui de facto seront impliqués dans le processus. C’est aussi contredire frontalement la prévention du suicide."
Un plan finalisé le 15 décembre
Mais l’aide active à mourir n’est qu’un volet du projet de loi qui comprendra "trois blocs" : l’aide active à mourir, les soins palliatifs et les droits des patients. "Mon objectif est d’abord que les 20 départements sans unité de soins palliatifs [USP] en soient dotés d’ici fin 2024. Nous disposons de 20 millions d’euros de crédits qui y seront notamment consacrés", indique la ministre. Elle partage également la volonté du gouvernement de créer une filière médicale dévolue aux soins palliatifs. "Cela implique des enjeux de formation, mais aussi d’organisation territoriale. L’objectif est d’offrir une prise en charge graduée en trois niveaux."
Tandis qu’Emmanuel Macron s’est déjà engagé sur une entrée en vigueur d’un plan décennal sur les soins palliatifs en 2024 Agnès Firmin-Le Bodo précise que "après un point d’étape le 13 juillet, ce plan sera finalisé le 15 décembre". Elle indique également que le gouvernement réfléchit "à ce que le projet de loi puisse prévoir sa révision tous les cinq ans, comme c’est le cas de dispositions des lois de bioéthique". Des délais qui laissent place au plus grand fou, dénonce encore Alliance Vita. "On ne peut que s’indigner que soit renvoyé en décembre le détail des mesures de développement des soins palliatifs alors même que c’est un argument utilisé par le gouvernement pour prétendre légitimer l’administration de la mort", rappelle ainsi le porte-parole de l’association, Tugdual Derville. En d'autres termes, le texte sera donc coconstruit d'ici la fin de l'été... avec un plan décennal sur les soins palliatifs, l'un des trois points saillants du texte finalisé... mi-décembre.