"Noami est un cadeau que Dieu a fait à notre famille", répète souvent Marjolaine. "On ne l’échangerait pour rien au monde. La rencontre avec elle reste une bénédiction pour nous", confie-t-elle à Aleteia. La petite fille blonde de 5 ans fait aujourd’hui la joie de ses parents et de ses sœurs Anna, 7 ans et Philae, 2 ans. Et pourtant, il a fallu du temps à ces parents trentenaires, convaincus de la valeur de toute vie, pour vivre pleinement l’arrivée de cette petite fille pas comme les autres.
Même si Marjolaine a toujours su qu’elle pouvait avoir un enfant porteur de trisomie, du fait d’une particularité génétique, le jour où la maladie de sa fille s’est révélée à la première échographie, son monde s’est écroulé. Une amniocentèse a confirmé que leur petite fille à naître avait un chromosome en plus. "J'avais peur de ce que ma vie allait devenir, je n'arrivais pas à accepter et à comprendre pourquoi", se souvient Romain. En un clin d’œil, tous leurs projets de famille, dont un déménagement à l’étranger, ont été chamboulés. "Ça n’arrive qu’aux autres", se disaient-ils.
Un saut vers l’inconnu
C’est aussi ce qu'a ressenti Isaure, 37 ans. Après avoir donné naissance à Joséphine, aujourd’hui âgée de 8 ans, elle a dû attendre trois ans et demi pour tomber à nouveau enceinte. Mais son bonheur a pris fin brutalement lorsqu’à la deuxième échographie, le médecin a annoncé que leur petite fille était atteinte d’un spina bifida, une malformation congénitale qui se caractérise par un mauvais développement de la colonne vertébrale. La pathologie entraîne une paralysie et d’autres complications telles qu’une perte de sensibilité au niveau des jambes et des troubles urinaires.
Cette malformation congénitale se traduit par l’absence de fermeture postérieure de la colonne vertébrale, là où se trouve la moelle épinière. Les muscles, les os, les nerfs et la peau du fœtus qui se situent autour de l’ouverture ne peuvent pas se développer correctement. "Le tableau était affreux, tout s’est écroulé autour et au fond de moi, je ne réalisais pas que ce cauchemar se concrétisait jour après jour", se souvient Isaure.
Malgré des remarques venant de gens parfois très proches qui ne comprenaient pas leur choix, le couple décide de ne pas interrompre la grossesse. "Heureusement, nous avions une armée de famille, d’amis et d'autres personnes (qui ne nous connaissaient pas) qui se sont ligués derrière nous pour nous aider à traverser cette épreuve. Et la force du Seigneur nous a guidés". Surtout, leur petite fille se débat "comme jamais elle ne l’a fait auparavant" dans le ventre de sa maman.
"Qu’avons-nous fait pour mériter cela?"
Cette certitude que son bébé allait vivre, Jeanne l’a ressentie à la lecture de l’évangile du jour. "C’était un 24 juin, fête de saint Jean Baptiste", se souvient cette maman de 37 ans. "Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean" (Lc 1, 13).
À cette époque, elle attend son troisième enfant et vie un véritable cauchemar depuis que le médecin lui a annoncé que son enfant était porteur de trisomie. "Les médecins suspectaient la trisomie 13 ou la trisomie 18". Les enfants atteints de cette maladie sont pour la plupart lourdement handicapés et ont une très courte espérance de vie. La grande majorité meurt durant la grossesse. À cette annonce s’ajoute celle de la malformation cardiaque du bébé. "Nous étions effondrés mais unis", déclare Jeanne, qui avoue avoir ressentie une culpabilité face à ce qui lui arrivait. "Je pensais ne pas avoir réussi à faire tout bien."
"Qu’avons-nous fait pour mériter ça ?", "Pourquoi nous ?", "Est-ce une épreuve que le Seigneur nous envoie pour faire grandir nos cœurs ?"... Ces questions ont aussi traversé l’esprit de Benoît et Hélène, lorsqu’ils ont appris que leur quatrième enfant avait une malposition des membres inférieurs et supérieurs. "Nous étions très tristes et surtout nous n’avions aucun diagnostic. On pouvait imaginer tout et n’importe quoi : trisomie 18, trisomie 21, maladies musculaires….", se souvient Hélène, dont l’époux était très marqué par les images de l’échographie et par le verdict du corps médical. Lui, qui attendait son premier fils, se projetait déjà dans les sorties qu’il allait faire avec son garçon. "C’était un coup de massue pour lui", explique Hélène, qui a pris la décision de poursuivre sa grossesse comme une grossesse normale.
Dire "oui" à la vie malgré l’incompréhension de l’entourage
Si cette mère de cinq enfants a décidé de s’abandonner à la volonté de Dieu et de ne pas savoir ce qui l’attendait à la naissance, ce ne fut pas vraiment le cas de Marjolaine et de Romain. Dès que l’annonce de la trisomie 21 est tombée, ils ont décidé d’en apprendre plus sur cette maladie. "Nous nous sommes rapprochés des différentes associations, regardé des reportages, posé des questions à un professeur de l’Institut Jérôme le Jeune, réfléchi à ce qu’il faudra mettre en place à la naissance de notre fille."
Isaure et Paul en ont fait de même. Après avoir étudié les choix qui s’offraient à eux, ils ont décidé de faire une opération "in utero" pour limiter les séquelles en refermant la lésion de leur fille. Une chirurgie prénatale du spina bifida qui consiste en un essai thérapeutique endospin. Une technique encore expérimentale, qui a été réalisée sur trois patientes en France et seulement 20 fois dans le monde. Mais juste avant l’intervention, les médecins ont changé d’avis car la lésion était trop importante et il y avait un risque que la cicatrice ne tienne pas jusqu’à la naissance de Paola.
"Le monde s’écroule une deuxième fois, je suis perdue et désespérée. Malgré toute l’énergie que nous avions dépensée moralement avec les espoirs que nous escomptions, nous nous retrouvions finalement “à la case départ”", se souvient Isaure, qui a donc attendu la naissance de sa fille, combative et portée par toutes les personnes qui la soutenaient.
Un soutien auquel ont aussi goûté Franck et Jeanne, malgré des plus grandes difficultés chez certains de leurs proches à accepter la situation. "Mais ils ont ensuite pu cheminer et accueillir Jean avec beaucoup d'amour", précise Jeanne. Et de se souvenir : "Le jour où nous avons appris que Jean était finalement atteint d'une trisomie 21, j’ai eu l’impression de revivre le “oui” vertigineux que nous nous sommes dits le jour de notre mariage. Nous étions unis. Notre enfant allait vivre".
S’abandonner dans les bras du Seigneur
"J’ai eu la chance d’être très bien entourée pendant ma grossesse par mon mari, nos familles et nos amis qui m’ont aidée à tenir et à aller de l’avant. Mais aussi ce qui m’a sauvé c’est la foi et l’espérance qui m’ont permis de m’abandonner dans les bras du Seigneur miséricordieux. Il a été mon roc et le restera", confie Isaure, qui a reçu le sacrement des malades durant sa grossesse et a souvent récité la prière à sainte Colette.
Ce qui m’a sauvé c’est la foi et l’espérance qui m’ont permis de m’abandonner dans les bras du Seigneur miséricordieux.
Marjolaine et Romaine, eux, ont aussi beaucoup prié. Hélène, elle, a porté un ruban de tissu fin, bénit et mis en contact avec la ceinture de Marie, conservée à la basilique de la ville de Quintin. Quant à Jeanne et Franck, ils avaient la certitude qu’ils n’étaient pas seuls, que le Seigneur était avec eux. "Je priais beaucoup la Vierge et pensais à sa grossesse particulière. On lui a dit qu’elle attendait le Messie. Personne n’était passé par là avant elle, alors que moi, je pouvais me tourner vers des reportages et des témoignages d’autres parents d’enfants touchés par la trisomie", explique Jeanne.
"Ne crains pas !"
Mais même après plusieurs mois de préparation matérielle et psychologique, le jour de la rencontre peut être stressant. "La naissance de Jean était prévue pour Noël, mais c’est le 14 décembre, fête de saint Jean de la Croix, qu’il a décidé de naître. Je n’étais pas encore prête à l’accueillir. J’avais besoin de ces dix jours pour me préparer. Sur le chemin vers la maternité je me demandais si j’aurais le courage de pousser vers cette rencontre qui me tétanisait. J’avais peur de ne pas l’aimer, malgré le grand "oui" que nous avons dit avec mon mari à cette nouvelle vie", se souvient Jeanne. Mais une fois que son fils est né, elle a ressenti un véritable "déferlement d’amour". Jean a aujourd'hui 2 ans. C'est un garçon plein de vie et de joie.
"Quand Naomi est née, il n’y a plus eu aucune projection de ce qui allait mal se passer. Lorsque je l’ai vue pour la première fois, je me suis dit : "Mais c’est un bébé !". Toutes les peurs et craintes de la rencontre se sont évaporées", se souvient Marjolaine, qui estime qu’il faut "prendre de la distance avec la liste terrible que les médecins dressent pendant la grossesse". Quant à son époux Romain, il a changé son regard et sa perspective. Il "a pleinement réalisé la valeur de cette vie qui (leur) avait été confiée et a découvrert la beauté, l'intelligence et la sensibilité de cette petite fille merveilleuse." Isaure non plus "ne regrette rien". "Nous vivons une histoire extraordinaire avec notre petite Paola. Elle a aujourd'hui 3,5 ans et nous remplit de joie et d’amour au quotidien".
"Jusqu’au bout, vous espérez que tout ça n'est qu'un mauvais rêve. Et le jour de la naissance, vous êtes confronté à la réalité", glisse Hélène, qui a découvert à l’accouchement son petit Charles tel que les médecins l’avaient décrit. Sa maladie congénitale, l'arthrogrypose, a été dépistée au deuxième jour de sa naissance. Aujourd'hui, il a 2 ans et vient de faire ses premiers pas. Aux couples qui vivent la même expérience, sa maman, Hélène, assure, en citant la Bible : "Ne crains pas ! Il y a un trésor qui vous attend."