"Les Pèlerins d'Emmaüs" de Pierre-Paul Rubens représente le passage de l’Évangile dans lequel Jésus se fait reconnaître par deux disciples à la fraction du pain. Lorsqu’ils se rencontrent, le Christ est ressuscité, mais eux ne le savent pas. Au centre, Jésus, tourné vers le ciel, rompt le pain. Le disciple qui nous tourne le dos est debout, s’appuyant sur la table pour se retenir de tomber. Geste d’étonnement aussi du second, levant la main. Tous les deux sont tournés vers celui qu’ils ont reconnu. Une vieille servante, verre à la main, semble totalement indifférente à ce qui se joue. À gauche, un serviteur au visage androgyne lève les yeux, comme si lui non plus ne voyait rien. Un chien complète la scène, qui pourrait se passer dans n’importe quelle auberge.
Un tableau au parcours incertain
Ce tableau est une œuvre de jeunesse de Rubens, probablement peinte pendant son séjour à Rome où il était parti à l’âge de 23 ans parfaire sa formation. Peut-être était-ce à son retour, huit ans plus tard. La date de création n’en est pas connue. Ces œuvres de la période italienne du peintre étant peu nombreuses, cette présence à Saint-Eustache est particulièrement précieuse. Le style du peintre n’est pas encore affirmé. Le fond sombre et la lumière vive sur le visage des personnages montrent l’influence du Caravage sur l’artiste encore jeune. Il ne continuera pas dans cette mouvance caravagesque.
Le tableau a été donné à l’église Saint-Eustache (Paris) sous le premier Empire par le Museum Central des Arts, l’ancêtre du musée du Louvre. Où était-il auparavant ? Quels étaient les propriétaires antérieurs ? Sa provenance n’a pas pu être établie. Il pourrait s’agir d’une prise napoléonienne.
Le tableau est-il bien de Rubens ?
Les spécialistes ont levé les doutes quant à l’attribution de ce tableau à Rubens. Comme souvent, l’œuvre est due au maître et à ses élèves pour les parties les moins importantes. Les repentirs et modifications dans la composition ont permis de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une copie.
Elle est classée monument historique au titre des objets, ce qui en confirme l’intérêt patrimonial. Une belle restauration a été réalisée en 2020 pour la ville de Paris, propriétaire du tableau. Sept restaurateurs se sont penchés pendant un an sur ce trésor pour en faire ressortir les couleurs et lui redonner une nouvelle jeunesse. On peut maintenant le retrouver dans la chapelle Saint-Pierre-L’Exorciste de l’église Saint-Eustache.