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Persécutions des chrétiens, l’étrange silence

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Jean-Baptiste Noé - publié le 26/01/23
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"Œcuménisme du sang", cette belle formule du pape François pour désigner l’unité dans la persécution trouve une résonance particulière en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens : dans de nombreux pays du monde, les persécutions croissent. À quoi il serait possible d’ajouter un "œcuménisme du silence", tant ces persécutions se font souvent dans une indifférence totale, observe le géopoliticien Jean-Baptiste Noé.

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En matière de bruit médiatique, le nombre ne fait pas toujours l’actualité. Dans de nombreux pays, les persécutions contre les chrétiens sont en augmentation, sans que cela ne suscite beaucoup de commentaires. Afrique, Asie, Amérique centrale, que les rapports émanent de l’Aide à l’Église en détresse (AED) ou de l’ONG protestante Portes ouvertes, les données sont sensiblement les mêmes : les persécutions augmentent et les chrétiens sont des victimes faciles. Le tout dans une relative indifférence.

Minorités opprimées

C’est lorsqu’ils sont minoritaires que les chrétiens risquent le plus la persécution. Cette minorité peut être ethnique (Afrique), sociale (Asie) ou politique (Amérique latine). Il peut s’agir de persécutions pour renforcer un pouvoir ou éliminer des opposants politiques (Nicaragua), pour réaliser l’unité du pays autour d’un parti unique (Inde, Chine), pour chasser des ethnies ou des peuples afin d’accaparer des terres (Nigeria, Somalie, Karabagh). Dans tous les cas, c’est bien une majorité qui opprime une minorité. Cette dernière n’a que peu de moyens pour faire face. Soit elle prend les armes pour défendre ses villes et ses terres, ce qui plonge le pays dans une guerre sans fin, comme au Burkina Faso et au Soudan, soit elle se range du côté du plus fort ou s’engage dans une nouvelle forme d’église du silence, comme en Chine. Partout, une issue positive est peu probable. Le plus fort gagne, surtout quand il peut allier la puissance de la force à celle du droit. 

Certaines persécutions sont plus subtiles, sans être pour autant moins terribles. Ce sont celles qui ne manient pas l’épée et qui ne font pas couler le sang, mais qui se retranche derrière le droit, les tribunaux et les condamnations légales. Ces persécutions ont l’apparence de la légalité, elles donnent l’impression que l’État respecte le droit et que les lois protègent les personnes. En réalité, le droit est frelaté, les procès biaisés, les jugements écrits d’avance. On se souvient d’Asia Bibi au Pakistan, on pourrait ajouter les jeunes filles chrétiennes régulièrement enlevées au Sahel, pour lesquelles ni la police ni la justice ne cherchent à arrêter les coupables. 

Persécutions sans fin

Pourquoi un tel silence ? Une part de fatalité sans doute, notamment pour les conflits ethniques en Afrique qui sont des fractures anciennes du continent. Une part de soumission aussi. Que peut-on dire à la Chine et à l’Inde compte tenu de leur poids économique ? Une part d’indifférence également : qu’importe finalement ce qui peut se passer en Érythrée ou en Somalie ? 

Ce sang qui coule à bas bruit n’est pas assez sonore pour remplir le tam-tam médiatique.

Le Saint-Siège peut bien dénoncer ou condamner ces persécutions, son poids pour les arrêter est somme toute minime. Ce sang qui coule à bas bruit n’est pas assez sonore pour remplir le tam-tam médiatique. On se souvient de l’emballement autour des Rohingyas, quand certains pays demandaient même une intervention militaire. On parle beaucoup, avec raison, du génocide arménien durant la Première Guerre mondiale, on parle beaucoup moins des massacres des Assyro-Chaldéens, qui eurent lieu au même moment, pour les mêmes raisons et dans les mêmes proportions. Pour qu’un massacre porte et qu’il soit entendu, il faut qu’il soit relayé. Soit par des diasporas présentes dans les pays occidentaux, soit par des ONG, qui ont des relais dans les pays qui comptent.

Il faut aussi que la dénonciation puisse être politiquement utile. L’attention autour des Rohingyas n’était pas dénuée d’arrière-pensée : cela permettait d’empêcher la Chine de se déployer en Birmanie et d’y bâtir un port. Si demain il faut faire passer un pipe-line dans une zone où des chrétiens sont persécutés, leur sort deviendra beaucoup plus intéressant à médiatiser. Dans un monde de plus en plus mondialisé, il y a bien un "œcuménisme du sang", mais il n’y a pas encore une mondialisation de la compassion et de l’attention pour les nombreuses minorités opprimées.        

Nigeria, Birmanie, Haïti… 2022, une nouvelle année sanglante pour les chrétiens :

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