"Je crois que j’ai vraiment pris conscience des souffrances subies par les chrétiens d’autres pays", confie Domitille venue avec plusieurs autres guides d’Europe pour la première Nuit des Témoins de l’année 2023. "Je me sens bien plus concernée malgré la distance géographique qui me sépare d’eux." Organisée chaque année depuis 2012 par l’AED, la Nuit des Témoins veut rendre hommage aux chrétiens persécutés pour leur foi et prend la forme de cinq veillées de prières. Alors que la première s'est tenue samedi 21 janvier à Saint-Germain-en-Laye, et la deuxième à Lyon dimanche 22 janvier, trois autres veillées doivent avoir lieu ces prochains jours à Nice, Lille et Paris. Au cours de ces soirées, tous les chrétiens sont invités à prier, chanter et méditer sur les fruits du martyre grâce aux témoignages, pleins d’espérance, de ceux qui ont vu et vécu la persécution.
En 2022, plus de 5.000 chrétiens ont été tués. "La croix est une réalité. Une réalité sanglante", déclare Mgr Crepy, évêque de Versailles, qui préside cette soirée de prière. "Nous pensons particulièrement au père Isaac, assassiné dimanche dernier au Nigeria, et à tous ces témoins de la Bonne Nouvelle", poursuit le prélat. "Notre nuit des témoins est une veillée de la foi qui rend hommage aux morts pour encourager les vivants. Elle nomme les martyrs connus mais aussi inconnus, tués dans le silence et dont le nom est connu de Dieu seul."
15 prêtres, religieux et religieuses assassinés en 2022
Cette année, l’AED a choisi d’honorer la mémoire des 15 prêtres, religieux et religieuses qui ont été assassinés. Dans une atmosphère très priante, leurs portraits sont portés en procession jusqu’à l’autel pendant que Sophie égrène leurs noms, avec une émotion difficilement contenue. "J'avais déjà participé à une Nuit des Témoins il y a très longtemps", se souvient-elle à la fin de la soirée, "j’avais été bouleversée d’entendre les noms des martyrs, j’ai voulu les lire moi-même cette année", explique-t-elle à Aleteia la voix encore tremblante. "C’est un véritable exemple pour moi : en lisant leurs noms, je me suis demandé si moi aussi, à leur image, je parviendrais à mourir pour ma foi, sans renier le Christ."
"Merci de porter notre voix, celle de la souffrance mais aussi celle de l’espérance"
Trois pays ont été choisis cette année pour porter la voix des chrétiens persécutés. La Birmanie est représentée par le père David Michael de Penha, Haïti par sœur Marjorie Boursiquot, le Tchad enfin, par Mgr Edmond Djitangar. Tous dénoncent la souffrance endurée par les chrétiens dans ces pays où se mêlent corruption du pouvoir, discriminations, violence et pauvreté. "J’ai beaucoup pleuré", avoue Ghyslaine. "J’ai pris davantage conscience de la souffrance vécue par les chrétiens du monde entier, cela nous les rend plus proches et nous raffermit dans notre foi." Le témoignage de sœur Marjorie, religieuse salésienne à Haïti, l’a particulièrement touchée. Dans ce pays en proie au chaos, gangrené par les gangs armés, les enlèvements de missionnaires catholiques sont monnaie courante et les attaques contre les chrétiens de plus en plus fréquentes. "Tout a changé en deux ans", explique-t-elle à l’assemblée. "Nos écoles sont passées de 1.600 à 450 élèves, en raison de l’insécurité. C’est dans un climat de douleur et d’incertitude que nos sœurs sont appelées à poursuivre leur mission en accueillant chaque jour nouveau comme un cadeau de Dieu." Malgré la débâcle, le peuple haïtien "continue d’avancer avec courage et résilience, sa foi n’est ébranlée ni par les violences ni par les catastrophes".
De son côté, Mgr Djitangar, archevêque de N’Djamena au Tchad, dénonce les injustices sociales auxquelles fait face le peuple tchadien face à une oligarchie militaire avide de pouvoir. "Beaucoup d’opposants ont dû quitter le pays. La junte entreprend une véritable chasse à l’homme", déclare-t-il. "L'Église catholique, à travers les messages pastoraux des évêques, n’a pas cessé de dénoncer ces situations d'injustice et les dérives autoritaires."
Le père de Penha, originaire de Birmanie, délivre son témoignage poignant au sujet des exactions commises par la junte birmane depuis le coup d’Etat du 1er février 2021. "Les attaques récentes dans le diocèse de Mandalay (nord de la Birmanie, nldr) nous brisent le cœur. Près de 60 bâtiments de l'Église ont été détruits. Les militaires ont incendié des voitures et des maisons, tuant 44 personnes parmi lesquelles un ami de mon frère, tout juste marié." Le père de Penha conclut son témoignage par un Notre-Père en birman, sa langue natale, qu’il marque d’un bref silence après avoir prononcé : "Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés."
"La fidélité des martyrs nous engage tous"
Les témoignages sont reçus avec beaucoup d’admiration par la jeunesse, venue en nombre sur les bancs de l’église ce samedi. Marie-Astrid est venue avec ses trois filles, qui assistent à leur première Nuit des témoins. Au premier rang, elles sont toutes trois profondément recueillies. "J’ai trouvé ça magnifique", déclare Anne-Dauphine à l’issue de la soirée, enthousiaste. "On voit qu’ils ont beaucoup souffert, mais ils sont loin d’être tristes, je les ai même trouvés rayonnants."
"Je pense que c’est ce genre d’événements qui nous fait réaliser, en tant que jeunes, que les chrétiens persécutés ne sont pas des personnes lointaines mais véritablement nos frères", estime Anne. "Nous avons prié comme si nous étions une seule personne. C’est cela que je retiendrai." Et Mgr Crepy de conclure : "La souffrance et la mort n'auront pas le dernier mot. Elles ont été vaincues par la Croix et la Résurrection. Satan ne peut rien. Il se déchaîne car il sait ses heures comptées. Les témoins de la foi deviennent les témoins de la Joie, ceux de la souffrance deviennent ceux de l'Espérance. Nous croyons que leur fidélité nous engage tous."
Retour en images sur la Nuit des témoins à Saint Germain en Laye :
Pratique :
Nice : Basilique Notre-Dame de l’Assomption, lundi 23 janvier 2023 de 19h à 21h
Lille : Cathédrale Notre-Dame de la Treille, jeudi 26 janvier 2023 de 19h à 21h
Paris : Église Saint-Sulpice, vendredi 27 janvier 2023, de 20h à 22h
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