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Ukraine : comment finir la guerre ?

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Jean-Baptiste Noé - publié le 20/10/22
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Penser la guerre suppose de penser son terme. Après huit mois de guerre, le géopoliticien Jean-Baptiste Noé estime que l’Europe doit se positionner pour proposer une sortie de crise et trouver les chemins de la paix.

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La guerre en Ukraine aura montré une nouvelle fois que les conflits que l’on pense courts peuvent s’avérer beaucoup plus longs. La Russie pensait faire une guerre des Six Jours : opération dans le Donbass, raid sur Kiev, renversement du gouvernement et mise en place d’un dirigeant proche de Moscou. La tentative a échoué et, désormais, entre reculs et bombardements, la guerre stagne. Après les sanctions, après les livraisons d’armes, après les discours, il s’avère essentiel de penser la sortie de la guerre et le nouvel ordre européen. Deux questions se posent : dans l’immédiat, comment mettre un terme au conflit ; après celui-ci, comment réintégrer la Russie ?

Quelle fin pour la guerre ? 

Si l’on place le début de la guerre en février 2022, la sortie de crise peut consister à un retour aux frontières de février, même si plusieurs Ukrainiens disent vouloir retrouver les territoires perdus en 2014. Mais si l’on considère que la guerre a débuté cette année-là, d’une part avec la perte de la Crimée, d’autre part avec la fracture du Donbass, alors la résolution du conflit est beaucoup plus complexe. Comment en effet parvenir aujourd'hui à la paix quand les Européens, France et Allemagne, co-présidents du groupe de Minsk, n’ont pas réussi depuis la signature de ces accords ? Frapper si fort l’armée russe que celle-ci soit contrainte à demander le cessez-le-feu ? Certes Moscou patine et n’avance pas vraiment, mais Moscou ne cède pas non plus.

Il y a trois semaines, face à la contre-offensive de Kiev, certains rêvaient à une reprise de la Crimée. Il n’en fut rien. Les Russes ont reculé, mais le front n’a pas rompu. Difficile de reprendre Marioupol et les territoires du Donbass quand la population, déjà hautement russophone et pour une grande partie favorable à la Russie, a été vidée de ses partisans ukrainiens. Si les territoires sont les mêmes, la population a changé. L’Ukraine devra probablement reconnaître la perte d’une partie du Donbass, mais l’Ukraine a-t-elle son mot à dire dans les négociations ? 

Le pays a peut-être gagné son indépendance à l’égard de la Russie, mais c’est au prix du renforcement de sa dépendance à l’égard de ses débiteurs, États-Unis en tête.

Là réside une partie du drame. Sous perfusion financière et militaire de l’Occident, et notamment des États-Unis, Kiev peut-il vouloir autre chose que ce que veut Washington ? Si un jour les États-Unis décident de cesser leur soutien et de trouver un accord avec la Russie, avec ou sans la perte de la Crimée et du Donbass, l’Ukraine ne pourra que s’incliner. Le pays a peut-être gagné son indépendance à l’égard de la Russie, mais c’est au prix du renforcement de sa dépendance à l’égard de ses débiteurs, États-Unis en tête.

Quelle finalité pour l’Europe ? 

Comme disait Khrouchtchev, "votre voisin peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Vous n'êtes pas obligé de vous lier d'amitié avec lui et d'aller en visite chez lui. Mais vous vivez côte à côte et que faire, si ni vous ni lui ne voulez quitter le lieu auquel vous vous êtes habitué pour vous rendre dans une autre ville ?". Nous ne sommes certes plus dans les années 1960, mais la remarque s’applique toujours à la Russie d’aujourd'hui. Nous pouvons ne pas aimer Vladimir Poutine, il n’empêche qu’il est là et que la Russie post-Poutine ne sera guère différente de celle d’aujourd'hui. Il faut donc, qu’on le veuille ou non, penser l’Europe avec la Russie et penser l’Europe après la guerre en Ukraine. Ce qui oblige à penser à une désescalade des sanctions, à une réintégration de la Russie, avec des conditions précises, et à une réorganisation de l’ordre européen. À moins de s’installer dans une défiance infinie et une coupure néfaste du continent européen. 

Or cette Europe-là n’est pas pensée. Ni avant la guerre ni maintenant, l’architecture de la sécurité commune n’est pas envisagée. Là réside le drame des Européens : ils savent s’engager dans une guerre, comme en Syrie, en Irak, en Libye, en Ukraine, mais ils sont incapables de s’engager dans la paix et de penser l’ordre du monde après la fin des conflits. Or on ne peut bien faire la guerre que si l’on sait comment la gagner. Et gagner la guerre suppose de penser sa fin, c'est-à-dire de bâtir la paix. Ce sujet-là, pour l’instant, ne semble pas à l’ordre du jour. Au risque donc de s’engager dans une guerre infinie qui, débutée en 2014, apparaît à beaucoup sans solution.   

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