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Cinq ans après le début du mouvement #Metoo, plusieurs hommes politiques français sont aujourd’hui poussés par leurs collègues femmes à s’effacer. En cause, des violences physiques ou psychiques dont ils sont publiquement accusés d’être les auteurs. À propos de ce drame des violences masculines, deux conceptions des genres s’opposent. La première plaide pour leur "abolition", la seconde pour la reconnaissance de leur complémentarité. Les deux postures sont inconciliables.
Invité en 2019 par une revue chrétienne à une interview croisée sur la prévention des violences sexuelles à l’école, j’ai pu le vérifier au cours de ce débat : non seulement mon interlocutrice — une respectable universitaire — n’accordait aucun crédit à mes analyses, mais surtout, nous ne parvenions à aucun point de vue commun. Notre seule intention partagée était la lutte contre toute forme de violence sexuelle et sexiste, exercée à l‘école essentiellement de la part des garçons contre des filles.
Le déni de toute différence
En substance, l’éminente "spécialiste" de ces questions affirmait qu’il fallait apprendre aux filles et aux garçons qu’ils n’étaient en rien différents. De mon côté, j’affirmais qu’au contraire, il était essentiel de mieux leur faire prendre conscience de leurs différences. J’avais fini par m’étonner : "Votre position conduirait à effacer les genres !" Sa réponse avait fusé : "Bien sûr qu’il faut abolir les genres. S’il n’y avait plus de genres, il n’y aurait plus la souffrance des transgenres…" J’en ai déduit que l’experte faisait du déni de toute différence masculin-féminin un dogme à partir duquel commençait sa réflexion. Son indéniable intelligence universitaire était dépensée pour corroborer ce dogme. La fin de non-recevoir qu’elle m’opposait conduisit les journalistes, témoins de ce "non débat", à publier nos deux "points de vue" séparément, sans faire référence à nos échanges. C’est dire.
Défendre la bipolarité de l’humanité contre tout fantasme de neutralisation est une question-clé de l’écologie humaine.
Dans le travail d’écoute des personnes confrontées à des épreuves liées au début de la vie, j’ai bien souvent constaté, en réalité, combien hommes et femmes avaient souvent des approches contrastées de l’existence. Au sein d’un couple, un "continent" apprend à en apprivoiser un autre, et réciproquement. Chacun garde heureusement sa part de mystère. Malgré ses limites, la théorisation "Mars et Vénus" popularisée par John Gray (Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus) se révèle précieuse pour dépasser de nombreux malentendus liés à la différence sexuelle. Plutôt que de déconstruire les hommes — au risque de les "dénaturer" — ne vaudrait-il pas mieux les aider à canaliser leur violence intrinsèque ? Cela suppose de les aider à reconnaître qu’une forme de violence fait partie de leur inclination, afin de leur apprendre à la canaliser, pour en faire une force au service du bien. Il ne s’agit pas de nier ici les fameux stéréotypes qu’on pourchasse partout, ces biais qui défigurent l’humanité des hommes ou des femmes en leur "assignant" des rôles convenus, qui leur interdisent injustement certains métiers, certaines fonctions, voire certains rêves. Mais de là à prétendre que la différence des sexes est seulement "construite" culturellement, et qu’il faut la "déconstruire" pour pacifier les relations hommes-femmes… quelle illusion !
La bipolarité naturelle de l’humanité
Défendre la bipolarité de l’humanité contre tout fantasme de neutralisation est une question-clé de l’écologie humaine. Deux récents travaux corroborent cette affirmation. Les premiers traitent… des singes. Dans un livre que certains diront dicté par l’effet de mode, Frans de Waal, éminent éthologue, rapporte ses observations des chimpanzés et des bonobos. On les qualifie souvent de lointains cousins de l’homo sapiens. Titre de son ouvrage : Différents, le genre vu par un primatologue (éd. Les liens qui libèrent). Son observation du comportement des grands singes risque d’effrayer les bons apôtres qui n’en finissent pas d’exiger qu’on n’offre plus aux garçons et aux filles des jeux "stéréotypés", censés leur plaire selon leur genre : non seulement, "chez tous les primates, souligne notre savant, les jeunes mâles jouent avec les jeunes mâles, et les jeunes femelles avec les jeunes femelles", mais encore, alors que la force physique est au centre des jeux des petits mâles, elle est n’est pratiquement pas présente chez les petites femelles.
La microsociété qu’est la famille semble bien la mieux placée pour aider chacun à accueillir son sexe, tout en côtoyant l’autre, perçu comme une richesse.
Autre horreur, pour celles qui refusent qu’on attribue aux femmes une empathie liée à leur genre, les femelles primates se révèlent très tôt "plus tournées vers les êtres jeunes et vulnérables" tandis que leurs congénères mâles sont "plus préoccupés par leur rang social". Le chercheur observe cependant que les femelles plus âgées exercent volontiers une autorité et croit pouvoir en conclure qu’il tient la preuve que la "nature" soi-disant "féminine" est un cliché ; nous pouvons penser au contraire que ce qu’il a observé des jeux précoces très différenciés est un clair démenti à l’idéologie de la neutralisation du genre, si toutefois, comme on le fait de plus en plus, l’humanité prenait les animaux comme modèles. L’anthropomorphisme de certains naturalistes est certes contestable.
Apprendre à coopérer
Or, voilà justement que d’autres experts viennent confirmer, cette fois en étudiant des humains, la propension des filles et des garçons à se distinguer par les jeux qu’ils choisissent. Issus de l’INED et de l’Inserm, ces chercheurs suivent au long cours une cohorte de 18.000 enfants nés en 2011. Première conclusion synthétisée par l’AFP : "Dès le plus jeune âge, les garçons et les filles jouent avec des jeux foncièrement différents, mais cet écart se réduit s'ils ont des frères et sœurs de l'autre sexe." Les chiffres sont éloquents : à l’âge de deux ans, 82% des filles jouent "quotidiennement ou presque" à la poupée, mais seulement 19% des garçons ; en revanche 89% des garçons jouent avec des petites voitures, mais seulement 32% des filles. Ces différences sont abyssales. Même genre d’écarts pour le dessin (féminin) et les jeux de balles (masculins). Préférence pour les activités ludiques à l’extérieur chez les garçons et pour les jeux d’intérieur chez les filles.
À ceux qui prétendront que c’est l’éducation qui les oriente vers ces comportements stéréotypés, on objectera l’observation… des singes ! Plus éclairant encore que le constat de l’attirance pour des jeux spécifiques, en fonction du sexe, les chercheurs ont constaté que c’est la présence d’une fratrie du sexe complémentaire qui ouvre les petites-filles ou les petits garçons aux jeux préférés par l’autre sexe. Ils les découvrent volontiers en famille, sans pour autant délaisser leur préférence. Conclusion des chercheurs : "Le rôle des frères et sœurs est primordial dans les activités et notamment dans leurs jeux." Ainsi, la fraternité vécue dans la famille, sans effacer la distinction originelle entre garçons et filles (observée tout autant chez les primates) leur apprend à coopérer. La microsociété qu’est la famille semble bien la mieux placée pour aider chacun à accueillir son sexe, tout en côtoyant l’autre, perçu comme une richesse. C’est l’égale dignité des hommes et des femmes qu’il faut donc enseigner, sans nier leurs différences.