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Cinéma : Le rapport Auschwitz, un film aveuglant de justesse

"Le rapport Auschwitz" de Peter Bebjak.

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Louise Alméras - publié le 26/07/22
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Le cinéaste slovaque Peter Bebjak met en scène l’histoire du "protocole Auschwitz", texte historique parvenu jusqu’en Slovaquie grâce à l’évasion de deux Juifs du camp d’Auschwitz. Implacable et dur, ce film exemplaire est aussi un brûlot contre les idéologies mortifères. En salle le 27 juillet.

Flashs d’horreur, visions furtives, plans séquences, tout est là pour donner au film toute sa puissance suggestive. Et le résultat est détonnant. Le Rapport Auschwitz raconte comment est né le Rapport Vrba-Wetzler, ou protocole Auschwitz, du nom de Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, deux évadés du camp de la mort. Écrit entre les 25 et 27 avril 1944, ce document de 32 pages dresse la liste des réalités du camp, bien loin de la propagande véhiculée à l’époque, et avertit sur les autres drames à venir. 

Le deuxième long-métrage de Peter Bebjak se consacre avant tout à la préparation de l’évasion, nous plongeant dans l’atmosphère cynique et noire d’Auschwitz, vue de l’intérieur ; histoire vraie, pourtant invraisemblable. L'œuvre d’Alfred Wetzler — Auschwitz, tombe de quatre millions de personnes et Ce que Dante n’a pas vu — a d’ailleurs directement inspiré le scénario. Le royaume de Satan est là. Mais le génie de l’homme aussi, sa résistance incroyable face au Mal. Ce film effrayant, d’une étonnante puissance, a su malgré tout faire passer la lumière.

Montrer, hanter et lutter : le credo du film

Si l’image est d’emblée dure à regarder, la mise en scène fascine. Entre les deux, il faut choisir. Les fantômes d’Auschwitz arrivent pour nous hanter encore, même longtemps après le film. Au milieu d’eux, des héros. Car à Auschwitz, le Bien est aussi venu combattre le Mal. Il ne faut pas l’oublier, au risque de totalement désespérer, aspiré par le néant qui fut le seul vis-à-vis de tant d’hommes et de femmes. D’ailleurs, on entend à un moment réciter un “Notre Père”. Signe que Peter Bebak a aussi voulu montrer l’espérance. 

Le film met en avant plusieurs personnages secondaires parmi les détenus, et un seul du côté de l’ennemi : un officier allemand particulièrement pervers et cynique. Ses mots, ses ordres, ses gestes suffisent à eux seuls à incarner l’Allemagne nazie. En somme, il la personnifie. Peu de détails du quotidien sont ici montrés, hormis la scène de toilette matinale, les scènes de travaux ou le flash-back juste après l’arrestation des Juifs avant déportation. Le cinéaste n’a pas voulu faire un film reconstitutif, à la limite du documentaire, mais une vraie mise en scène où se succèdent les idées de mise en forme, les scènes à forte symbolique. C’est une réussite totale, même si elle nous déchire le cœur. 

Il faut voir comment l'œil slovaque, toujours précis et fin, redonne encore une fois l’envie de se souvenir. Et de lutter toujours, contre le Mal, l’Enfer, l’indifférence surtout.

Freddy et Valter, les personnages principaux, préparent leur évasion à l’aide des autres. Une fois disparus, les autres trinquent. On leur demande où sont passées ces “matricules”, car ils n’ont plus de noms. Et les hommes de leur cabanon doivent attendre dehors, debout, toute la nuit dans le froid. Personne ne veut parler, malgré les menaces et les assassinats. Un Franciscain est là, il se démène pour aider comme il peut ses amis et incarne une des lumières du film. Suit une scène splendide, pourtant profondément marquante et terrible, entre un Juif qu’on a castré et l’officier allemand. Le cynisme rencontre la résistance, la conscience. Les détenus n’ont plus pour tenir tête que leur liberté intérieure, inviolable, et s’en servent. Pendant ce temps, Freddy et Valter parviennent tant bien que mal à rejoindre la Slovaquie. Mais qui va donc les croire?

N’a-t-on pas tout dit sur l’horreur d’Auschwitz? Assez glacé le sang de tant de spectateurs? Ce film nous démontre le contraire. Il faut voir comment l'œil slovaque, toujours précis et fin, redonne encore une fois l’envie de se souvenir. Et de lutter toujours, contre le Mal, l’Enfer, l’indifférence surtout. Le Rapport Vrba-Wetzler est un document réel, historique. Il aurait pu changer le cours de l’Histoire plus tôt. C’est sans doute ce détail crucial qu’il faut vraiment saisir. Quand deux Juifs slovaques réussissent, par miracle, à s’échapper du camp de travail et de la mort d’Auschwitz, ce n’est pas pour que l’Histoire ferme les yeux et continue son cours. Leur bravoure, pourtant, n’eut alors aucun écho. Et c’est parce qu’on a préféré l’incrédulité au courage qu’il a fallu attendre sept mois, depuis leur signal, avant l’intervention quasi divine des Américains. 

Cette histoire vaut la peine qu’on aille plonger dans le regard du film. À cause de l’horreur du nazisme, qui ne cessera jamais de faire hurler. Mais aussi pour l’actuel combat, finalement pérenne, à mener contre toute indifférence envers ceux qu’on massacre et qu’on écrase par l’esprit de supériorité. Ce film contient des scènes poignantes qu’il faut être prêt à regarder. Mais c’est aussi le rôle du film de véritablement toucher. À regarder jusqu’au bout, donc, pour écouter les voix-off couplées au générique.

Pratique :

Le Rapport Auschwitz, de Peter Bebjak, avec Noël Czuczor, Peter Ondrejicka et Christoph Bach, 1h34, en salle le 27 juillet
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