L’horreur des camps de concentration a révélé, à sa mesure et par opposition, une série d’actes de noblesse. Révélant ainsi la force de l’homme de dépasser le Mal par le Bien. Ces histoires heureuses, surgies au cœur d’une des pages les plus noires de l’Histoire, a inspiré bien des écrivains et cinéastes. Et la vie de “Teddy”, peu connue et pourtant édifiante, a ainsi donné lieu à une œuvre cinématographique polonaise dirigée par Maciej Barczewski en 2020. Ce champion de boxe de Varsovie a apporté un peu d’espoir aux autres détenus, en remportant presque tous ses combats contre l’ennemi. Jamais il n’a douté de sa capacité à gagner, malgré son corps amaigri et meurtri. Le film est sorti en mars 2021 dans les salles polonaises.
Un boxeur dans les poings et dans l’âme
Teddy arrive en juin 1940 au camp d’extermination d’Auschwitz en tant que prisonnier politique, arrêté en Hongrie au moment où il tente de rejoindre l’armée polonaise qui se constituait en France. Ce catholique n’a alors que 23 ans, des victoires sur le ring à son actif et le titre de meilleur boxeur de Varsovie. À son arrivée, un officier allemand féru de boxe le reconnaît. En échange de pain et de quelques faveurs, il boxera donc contre les meilleurs de l’armée. "Il n’y avait pas une seconde pour réfléchir… il y avait du pain à gagner. J’avais faim, mes amis avaient faim", témoigna-t-il plus tard. De cette proposition pleine de cynisme — Pietrzykowski n’étant évidemment pas en meilleure forme —, le champion en fait une occasion de se battre doublement contre les Allemands et le désespoir. D’un courage exemplaire face à l’adversité, Tadeusz Pietrzykowski a ainsi mené près de 30 combats dans des conditions déplorables. Comptant avant tout sur son agilité, à défaut d’énergie, il y remporte presque autant de victoires. Tous les détenus avaient le regard braqué sur lui. Son pain gagné sera le leur aussi. Et ses victoires, leur honneur.
Il sauva la vie de saint Maximilien Kolbe
Certains combats sont particulièrement tordus, comme ceux menés contre les boxeurs professionnels allemands Wilhelm Maier et Harry Stein. Face aux boxeurs juifs, en revanche, il fait exprès de mal boxer pour les aider. Un jour, en mai 1941, il défie même un prisonnier en train d’en battre un autre. Et apprend plus tard qu’il a sauvé la vie d’un prêtre polonais, le futur saint Maximilien Kolbe. "C’est une histoire de courage, d’espoir et de force. Tout d’abord, le film raconte un chapitre inconnu de l’histoire polonaise, celle d’un homme extraordinaire qui, pour ses codétenus, était devenu un symbole d’espoir pour la Pologne. C’était un homme fantastique, un grand patriote et un grand sportif", a expliqué le cinéaste, dont le grand-père a été déporté à Auschwitz. Interprété par Piotr Glowacki, celui-ci a évoqué le souhait que les spectateurs s’imprègnent de cette figure en ayant "le courage de suivre l’exemple de Teddy, de choisir le bien".
Sa fille Eleonora Szafran a retranscrit les actes héroïques et les souvenirs de son père dans le livre Mistrz (Champion), qui a servi de base au film. On y découvre sa tentative d’assassiner le commandant d’Auschwitz, les tortures nazies. Mais aussi le profit tiré de sa notoriété au camp, qui l’aide à se procurer des médicaments pour des détenus, à transmettre des informations et à accomplir des actions pour le mouvement de résistance d’Auschwitz, directement sous les ordres de Witold Pilecki, officier polonais et chef de la résistance. Ce film de très bonne facture cinématographique nous plonge ainsi dans une magnifique page oubliée de l’Histoire, où un boxeur fervent a déjoué la cruauté nazie — et humaine — en se battant contre le Mal.