Marcia, jeune chanteuse de 25 ans, enregistre des titres pour son deuxième album avec Daredjane dans son appartement haut en couleurs, musée de sa vie passée. Entre cendriers, verres de spiritueux, bouteilles de bière vides et décor outrancier, l’inspiration vient quand même. Le caractère bien trempé de l’ancienne icône de la musique française Daredjane, femme libre et brillamment interprétée par Judith Chemla, ne laisse pas de plaire. Et, au milieu de cette bohème, jaillit un titre (écrit et composé par le réalisateur, musicien à ses heures) qui fera pour partie l’histoire du film.
Pourtant, le vague à l’âme, Daredjane disparaît. Marcia, accompagnée de son manager, doit trouver son ayant droit pour pouvoir espérer sortir cette chanson. Il s’agit d’Anthony , homme volage, gouailleur et très provincial, interprété par un Félix Moati très touchant. Entre eux, l’orage et la foudre. Anthony déteste Daredjane et ses chansons, mais s’en accommode bientôt grâce au généreux héritage qu’elle lui laisse. Il va jusqu’à aider Marcia — par amour? — dans sa démarche artistique. Son combat pour enregistrer en studio les titres composés avec Daredjane se transforme vite en baroud d’honneur : par un concours de circonstance, le titre est récupéré par un artiste en vogue, féru de sons électroniques et de beats entraînants. Anthony ayant le dernier mot sur l’utilisation de l'œuvre de Daredjane. L’engrenage dans lequel est prise Marcia illustre à merveille le mépris de l’artiste au profit du gain à tout prix, dans quelque domaine que ce soit. Mais au fil de ces péripéties, les répliques croustillantes fusent, de nombreuses scènes déclenchent le rire.
L’artiste face à la société du gain
L’univers de la publicité en prend pour son grade, tout comme celui de la musique. Empêtrée dans sa dépendance aux hommes, Marcia ne baisse jamais la garde, en femme libre de la nouvelle génération, bien décidée à ne pas se laisser faire par les hommes. Les sentiments sont parfois trop superficiels, tout comme les réactions de Marcia trop attendues, elle qui ne fait pas trop grand cas de l’amour, poursuivant seule son chemin, vaille que vaille, au risque de la défaite. Entre le devoir de mémoire, le respect de soi et l’amour, il faut choisir. Le grand gagnant, ici, étant l’argent… et l’amour, à sa manière, dans une fin peut-être trop romanesque, mais qui prouve pourtant le pouvoir des artistes à toucher certains cœurs. Ce film est en tout cas une belle surprise, dans lequel on retrouve les qualités de conteur et d’humoriste de Michel Leclerc, nonobstant quelques scènes inutiles.
Quand deux pensionnaires de la Comédie française, l’une ancienne (Judith Chemla), l’autre actuelle (Rebecca Marder), tiennent les rôles principaux d’un film, peut-on être déçu? Ou doit-on tout au bon scénario de l’auteur? L’ensemble donne en tout cas un film dont les personnages nous transportent. Après “Le Nom des gens” (2010), qui a reçu le César du meilleur scénario original, et “La Vie très privée de Monsieur Sim” (2015), pour lequel Jean-Pierre Bacri a reçu le César du meilleur acteur, le réalisateur Michel Leclerc parvient toujours à nous étonner.
Pratique :