Un article de presse a récemment attiré mon attention. Il traite de la décroissance de la population mondiale : en 2050, 151 des 195 pays du globe seront en situation de décroissance démographique (Nikei Asia). La pensée malthusienne fait long feu : l’étude annonce un pic de la population mondiale à 9,7 milliards en 2064, avant un fléchissement. L’inquiétude des auteurs porte sur la croissance économique qui sera alors fortement ralentie et le niveau de vie — en l’absence de main d’œuvre — baissera forcément puisque l’on ne pourra plus assurer les pensions et les coûts sociaux d’une population vieillissante.
De grands pays, voyant leur taux de natalité décroître rapidement, s’inquiètent pour leur avenir, jusqu’à la Chine qui a abandonné la politique de l’enfant unique pour cette raison ou bien le président Poutine dans une adresse à la nation en 2020. Le Japon fait figure de modèle dans ce vieillissement et cette paupérisation annoncés, mais les pays européens suivent le même modèle. Les causes sont multiples : coût d’éducation et du logement, meilleure scolarisation et carrières professionnelles des femmes et le désir d’un haut niveau de vie des couples ont fait baisser la fécondité à un taux inférieur à 2,1 qui est le taux minimal pour un simple remplacement de la population. Certains pensent même que descendu à 1,5%, la situation ne peut pas être redressée.
Le pillage des ressources humaines
Le recours à l’immigration deviendra peu à peu une nouvelle guerre économique : chaque nation riche devra "séduire" les travailleurs immigrés pour qu’ils viennent chez elle plutôt que chez le voisin afin de pouvoir continuer à assurer l’équilibre de leur modèle économique. On veut rester riche, on veut vivre vieux et on va s’appuyer sur une main d’œuvre étrangère pour conserver son niveau de vie. Ce recours à une forme d’esclavage moderne fondé sur l’exploitation des ressources des pays pauvres ayant un niveau de vie faible et une natalité forte est un néo-colonialisme où il ne s’agit plus simplement de piller les ressources fossiles ou agricoles mais les ressources humaines.
Entre ceux qui veulent se servir de la main d’œuvre étrangère pour assurer un niveau de vie économique confortable à nos nations vieillissantes et ceux qui refusent l’immigration pour leur assurer un paysage social, culturel ou religieux confortable [...] c’est le même mépris des personnes qui se joue.
À travers ces transferts de population prévisibles, se pose la question de la mixité culturelle, sociale et religieuse dont l’article ne parle pas, restant au simple niveau économique. Cette question de la mixité culturelle est posée dans nos nations occidentales et certains y répondent avec le même cynisme : entre ceux qui veulent se servir de la main d’œuvre étrangère pour assurer un niveau de vie économique confortable à nos nations vieillissantes et ceux qui refusent l’immigration pour leur assurer un paysage social, culturel ou religieux confortable, effrayés qu’ils sont par d’autres cultures, c’est le même mépris des personnes qui se joue. En allant plus loin, certains réclameront la venue des immigrés pour notre confort économique tout en leur demandant qu’ils s’abstiennent d’être culturellement ce qu’ils sont pour assurer notre confort social. On veut le beurre et l’argent du beurre mais tout cela repose sur la peur et l’égoïsme : peur de déchoir économiquement et d’être pauvre, peur de l’autre et de sa culture voire de sa religion, peur de la mixité et de perdre notre paysage socio-culturel.
Accueillir la vie
On peut répondre par un autre cynisme : ceux qui gagneront économiquement sont ceux qui auront mis la vie et la natalité au-dessus du confort quotidien et ce sont les mêmes qui gagneront culturellement car ils ne disparaîtront pas au cours d’un hiver démographique sans retour.
Les hommes ne sont pas des machines et notre richesse culturelle héritée du judéo-christianisme est justement de reconnaître la dignité de chaque personne humaine. L’économisme triomphant veut détruire cela, les nationalismes culturels aussi. Si nous craignons de perdre, à quelque niveau que ce soit, nous perdrons de toutes façons. La seule réponse viable est l’acceptation de l’autre et notre seule force est cette force de l’Évangile qui reconnaît cette dignité de chaque personne que le Christ nous a enseignée. Il y a deux réponses chrétiennes à cette question démographique : c’est le partage et l’accueil en étant suffisamment forts de nos convictions pour qu’elles soient partagées par ceux qui les découvrent. C’est aussi l’accueil de la vie comme seule source de joie au-dessus de notre niveau de vie et de notre confort. Toute autre réponse sera un double échec.