Le lamento sur la déchristianisation est vieux comme la France. Chaque génération, depuis plus de quinze siècles, a coutume de déplorer la disparition des habitudes chrétiennes. Le siècle si fervent de Louis XIV offre un étonnant recueil de prêches dénonçant la disparition de la chrétienté. Le très missionnaire XIXe siècle s’est nourri d’une étrange nostalgie spirituelle : la France, selon Ozanam comme selon Albert de Mun, était beaucoup plus chrétienne « avant ». La Jeanne d’Arc de Péguy confie à Hauviette des propos profondément découragés : « Dieu nous exauce de moins en moins », dit-elle. Et elle soupire, achevant de prier le Pater, que jamais, dans le passé de la France, le nom du Père a été aussi peu sanctifié qu’aujourd’hui (en 1429 !), que jamais sa volonté n’a été aussi peu faite, que jamais son règne n’a été si loin d’advenir.
Il y a partout des saints cachés
Et encore ceci, plus près de nous : « Les mœurs chrétiennes n’apparaissent plus dans ce stupide monde motorisé […]. Les paroisses meurent une à une » (ces propos sont de François Mauriac, écrits six ans avant le début du concile Vatican II).
D’où vient cette impression de recul ? S’il y a bien une constante, c’est que l’Église n’en finit jamais de mourir. Et ce n’est guère étonnant, puisque nous savons, de source sûre, que les forces de la mort ne l’emporteront pas sur elle. Elle meurt et ne meurt pas : c’est son destin terrestre. De mort en mort, elle va vers la Vie. Et qui sonde les reins et les cœurs ? Qui peut affirmer qu’il y a moins de vrais chrétiens dans la France de Macron qu’il n’y en avait dans la France de Louis XIII ou de Charles X ? Il y a partout des saints cachés. Même dans le diocèse de Paris. Même sur la colline du Vatican. Notre situation, notre époque, notre cadre de vie sont les lieux de notre sainteté. Tout le reste est une diversion.