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Que s’est-il passé durant la nuit de Pâques ? Comment s’est passé la résurrection du Christ ? Mystère ! L’Évangile ne nous en dit rien. Tout ce que nous savons de l’événement le plus prodigieux de l’histoire humaine, à partir duquel plus rien n’est comme avant, c’est ce que des témoins fiables — les saintes femmes, les disciples — nous ont transmis : Jésus est mort sur la Croix, au vu et au su de tous, puis trois jours plus tard, il est apparu vivant, au vu et au su de quelques-uns d’abord, puis d’un nombre plus important de personnes.
La résurrection de Jésus, les disciples en ont fait l’expérience non pas en direct, mais en différé. Ce qui s’est passé dans l’obscurité du tombeau, nul ne le sait. Une curiosité bien légitime voudrait lever le voile sur ce spectacle qu’on imagine étonnant et grandiose, ou bien au contraire d’une discrétion presque banale. Mais le secret demeure inviolé. C’est que la résurrection de Jésus touche au plus intime de la Trinité. Elle est l’œuvre commune du Père, du Fils et de l’Esprit saint, œuvre d’amour infini sans doute plus encore que déploiement de puissance.
Nous arrivons donc après l’événement. Les saintes femmes qui arrivent au tombeau ne voient pas Jésus, mais un tombeau vide et un ange qui indique une espérance (Jn 20, 1-9). Mais même plus tard, lorsque Marie-Madeleine puis d’autres disciples rencontrent Jésus, c’est Jésus ressuscité qu’ils rencontrent, sans toujours le reconnaître du premier coup. L’instant même de sa résurrection, l’acte par lequel il est ressuscité demeure inconnu. Et personne ne s’est avisé de l’interroger sur ce point.
Qu’est-ce cela fait d’être ressuscité ? On peut en avoir une idée en regardant Jésus après Pâques. Jésus ressuscité discute avec ses disciples et prend des repas avec eux. Il semble tout à la fois être dans son corps bien à lui mais pas immédiatement reconnaissable. Et pour la petite touche spectaculaire qui rehausse cette décevante banalité, il traverse portes et murs sans difficulté, apparaissant ici ou là au gré des rencontres qu’il veut faire. Mais nous sommes encore condamnés à observer le phénomène de l’extérieur et après coup. Ce que cela lui fait à lui, Jésus, nous n’en savons rien, et comment cela s’est produit sur le moment, moins encore. Nous aimerions bien savoir, pourtant, ne serait-ce que parce que la résurrection et le corps glorieux sont notre destin à tous. Si Jésus est ressuscité, ce n’est pas d’abord pour lui, mais pour nous. Alors ne pourrait-on pas en savoir un peu plus sur ce qui nous attend ? Non.
La résurrection est le mystère central de la foi chrétienne.
Voilà qui est frustrant ! Mais c’est bien ainsi que la résurrection est le mystère central de la foi chrétienne. Comme la plupart des grands événements de l’histoire sainte, il y a lieu pendant la nuit ou pendant le sommeil. Cela explique que la plupart des hommes ne s’en avisent qu’après coup, le lendemain. De la nuit de Noël à la nuit de Pâques en passant par la nuit où les Hébreux traversèrent la Mer rouge ou bien les innombrables songes par lesquels les justes apprennent les volontés du Seigneur, il semble que Dieu ait une vie nocturne assez agitée. Et le chrétien court après le temps, et se désole d’arriver toujours après la bataille, comme Fabrice à Waterloo.
Cette impression de tâtonner dans l’obscurité et de chasser des ombres, ce sentiment d’avancer dans la nuit et de se rendre compte seulement après l’événement qu’il s’est passé quelque chose d’important, c’est une loi de la vie chrétienne. Comme toute loi, elle connaît quelques exceptions, et il arrive qu’on expérimente sensiblement la présence agissante de Dieu comme une illumination, dans l’instant même où elle se donne. Mais le plus souvent, nous ne faisons l’expérience de Dieu que dans l’obscurité, et nous ne sommes capables de discerner son action que quelques temps après. C’est le cas dans notre vie de prière et dans notre vie sacramentelle. C’est le cas bien souvent aussi lorsque nous accomplissons des œuvres de miséricorde, ou que nous en sommes les bénéficiaires. Nous ne sommes pas plus privilégiés que les Douze ou que Marie-Madeleine à la résurrection du Christ.
Pourtant, ce qui frappe le lecteur attentif des récits d’apparition de Jésus ressuscité n’est pas la frustration de ne pas comprendre, d’être dans l’obscurité ou d’arriver trop tard. Non, ce qui submerge les disciples et tous les témoins, et qui déborde de ces pages d’Évangile comme par un trop-plein, c’est la joie ! Après un bref instant de tristesse et d’incompréhension, aussitôt c’est la joie qui éclate dans les cœurs devant cette Bonne Nouvelle : le maître, l’ami, le frère, il est vivant ! Et il n’est pas vivant comme un fantôme, une ombre. Non, il est vivant vraiment, et même plus que nous ! Il est vivant comme personne avant lui ne l’a jamais été ! Il est vivant comme tous ceux qui l’aiment et le suivent le seront après lui.
Être fils adoptifs du Père et vivre avec Jésus une vie de ressuscité dès à présent, c’est bien cela : faire l’expérience d’une joie profonde, par-delà les obscurités, par-delà les incompréhensions, par-delà les souffrances. Les temps sont durs, mais une vraie joie est possible. Là où l’excitation sensible fluctue au gré des circonstances extérieures, ou des humeurs intérieures, la joie demeure. La joie demeure parce qu’elle nous vient d’en-haut et s’enracine au plus profond de nos cœurs. Elle est un don qu’il nous appartient seulement de recevoir.
D’après Tertullien qui y voyait la continuité des Actes des Apôtres, les païens de l’Antiquité se convertissaient au christianisme à ce cri : "Voyez comme ils s’aiment !" C’est évidemment un bon critère ! Mais peut-être en ce matin de la résurrection pourrait-on ajouter cet autre critère qui le complète : "Voyez cette joie ! » L’amour et la joie, voilà les deux marques du chrétien qui vit déjà de la résurrection du Christ. Aujourd’hui, elle nous est donnée. Conservons-la et faisons-la fructifier, tant il est vrai que « la joie est un culte à rendre à Dieu. Elle est le baromètre de l’âme : son degré indique le degré de l’amour" (Marie-Vincent Bernadot, op).