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La Résurrection nous rend libres comme le Christ

Christ en majesté, Grunewald, retable d'Isenheim, 1515, huile sur panneau.

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Jean-Michel Castaing - published on 25/04/20
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Assurés que Jésus est ressuscité, les chrétiens ne craignent plus les puissances qui asservissent les hommes. La foi les a rendus parfaitement libres d’aimer les plus pauvres et les plus méprisés d’entre nous.Et si nous avions le destin que nous méritons ? Jésus fut l’homme le plus libre qui fut jamais. En toute logique, par sa résurrection, il accède à un monde libéré de tous les conditionnements. Car libre, Jésus le fut indubitablement. Sa mort en est l’admirable illustration. Si elle ne fut pas un suicide, elle découla toutefois d’une décision volontaire de sa part. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » dit-il (Jn 10, 18). C’est librement que le Christ livra sa vie pour nous. Outre sa volonté, le drame du Calvaire découla également des options qu’il avait prises durant son ministère public. Jésus fut l’homme le plus libre parce que jamais la considération de son intérêt ne le fit taire ni refuser d’agir comme sa conscience et son amour lui dictaient de le faire.

Le Christ nous a libérés de la crainte de la mort

L’épître aux Hébreux affirme qu’avant l’apparition de Jésus, le diable tenait l’humanité enchaînée par la considération de la mort. Jésus est venu « détruire par la mort celui qui avait l’empire sur la mort, c’est-à-dire le diable, afin de délivrer ceux que la crainte de la mort vouait toute leur vie à la servitude » (He 2, 14-15). Le mur de la mort maintenait les hommes dans leur couardise, en les rendant grégaires, serviles, peureux, obséquieux envers tous les pouvoirs, incapables de sortir de l’orbite de leurs intérêts propres. C’est cette servilité que le Christ est venu abolir et détruire à la racine. Libre de la crainte de la mort, il a posé des gestes sans considération des puissants qui auraient voulu le faire taire et se coucher. Les chefs religieux le reconnaissent eux-mêmes : « Maître, tu ne te préoccupes de qui que ce soit, car tu ne regardes pas aux personnes », lui disent-ils, flagorneurs pour mieux le piéger (Mt 22, 16). Cette liberté, cette indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs, le conduiront au supplice. Mais par là, il nous aura gagné la liberté.


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Car Jésus ne pouvait rester libre en évitant la Croix. Pour la contourner, il aurait dû en effet changer de discours et s’éviter de la sorte des ennuis de la part de ceux dont ses paroles dévoilaient le péché. Et changer aussi d’attitude. Bref, il se serait renié lui-même et aurait abdiqué sa liberté s’il avait désiré éviter la Croix. Il aurait ainsi reconnu la mort comme son maître ! Et celle-ci aurait continué à régner sur les esprits et les corps.

La Résurrection éternise la liberté du Christ

La Résurrection dilate, dans des proportions divines, la liberté que Jésus manifesta sur le Calvaire. Car la Résurrection n’est pas une de ces happy end comme les scénarios hollywoodiens en imaginent pour clôturer les films. La Résurrection est plutôt l’éternisation (sans souffrance) des vertus de la Croix, son assomption.  La Croix a représenté pour le Christ l’acte le plus libre qui fut jamais posé par un homme, l’acte par lequel il se donna sans retour à Dieu et à tous les hommes. L’événement du Calvaire singularise à jamais Jésus en tant qu’homme parfaitement libre. Et c’est cette liberté que la Résurrection assume dans l’éternité.

Aussi le Christ, par sa résurrection, en dépassant les limites de notre condition présente, ne se dissout-il pas dans un milieu impersonnel. En effet, puisque la Résurrection est l’assomption de la Croix en tant qu’acte libre, l’état de ressuscité où se trouve Jésus depuis le dimanche de Pâques représente l’accomplissement plénier de sa liberté, liberté comprise comme l’épanouissement d’une singularité parvenue à sa plénitude dans le don de soi du Calvaire. La Résurrection, loin d’aboutir à la dissolution de son individualité, consacre au contraire sa liberté en le rendant indépendant de tous les conditionnements que nous connaissons pour notre part : espace, temps, mort, finitude biologique. Le Christ, homme moralement et religieusement libre durant son existence terrestre, se retrouve-t-il affranchi, en toute justice, de toutes les limites inhérentes à la condition terrestre le dimanche de Pâques. Et cette liberté, de dimension divine, est au service de l’amour de ses frères. C’est pourquoi la Résurrection constitue le moyen le plus excellent de la Rédemption.

La Rédemption nous rend libres pour aimer

En devenant « esprit vivifiant » par sa résurrection, Jésus devient en effet comme le « milieu » où cette liberté de l’amour se manifeste. Le dimanche de Pâques inaugure un monde nouveau reposant sur le fondement de la Croix. Or, la Croix, ayant aboli le mur de la haine, met les hommes en relation les uns avec les autres et avec Dieu en les réconciliant. Aussi par la Résurrection, divinisation des vertus de la Croix, le Christ devient-il le nœud de communication des hommes avec leur Créateur et entre eux. L’assomption de la Croix dans la Résurrection nous rend libres dès ici-bas comme le fut Jésus sur les routes de la Galilée il y a 2.000 ans. Les croyants s’approprient les dispositions qui furent, et qui continuent d’être, les siennes. C’est ce qui explique que l’Esprit saint, par lequel la puissance de la Résurrection descend en nos âmes, nous pousse à annoncer l’Évangile sans crainte du qu’en-dira-t-on, du respect humain, des pouvoirs du conformisme, de l’argent, de l’orgueil, ou de la simple fainéantise.



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Le chrétien, homme libre comme son Maître, n’est plus prisonnier des idéologies ou des petits calculs de son ego. Au lieu de voir dans son prochain une menace ou un concurrent, il l’accueille plutôt comme une personne unique, de même que le Christ est unique. En cela, il imite encore la liberté de Jésus. En effet, depuis Pâques, le Ressuscité ne reste pas à l’écart, confortablement assis sur son trône céleste, mais il entre en rapport personnel avec Pierre, Madeleine, Jean, les disciples d’Emmaüs, et tous les autres. Son ciel, il le passe à entretenir des relations de personne à personne, en respectant l’unicité de chacun.

Le Ressuscité est resté le même, quoique vivant dans une condition autre que la nôtre. Il ne s’est pas métamorphosé en force anonyme. Durant tout le temps de ses apparitions avant l’Ascension, il a un corps (spirituel), il parle, on peut le reconnaître, il assume et se souvient de son passé. Afin de devenir libre comme lui, de faire miennes ses dispositions, je peux me nourrir de son Corps dans l’Eucharistie — ce qui n’est pas possible actuellement à cause de la crise sanitaire. Cependant, par la foi, j’accède déjà à sa liberté essentielle. Et cette liberté n’est pas un luxe parce que c’est elle qui me rendra proche des pauvres ou des personnes que des préjugés peuvent tenir encore éloignées de moi. La liberté du Ressuscité n’est pas au service d’elle-même, mais à celui de l’amour.


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