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"C’est toujours après sa mort que le prophète acquiert sa vraie dimension prophétique" … Ces mots de Jésus Asurmendi, théologien, spécialiste de l’Ancien Testament, analysent bien la condition des prophètes de la Bible (Le prophétisme, des origines à l’époque moderne, Jésus Asurmendi, Paris, Nouvelle Cité, 1985). Porte-paroles de Dieu, chargés de la tâche ingrate et difficile de ramener leurs contemporains dans la voie du Seigneur quelles qu’en soient les conséquences pour eux, les prophètes n’ont pas la vie facile. Car nul n’aime recevoir de mauvaises nouvelles et risquer de voir son petit confort quotidien bouleversé, particulièrement lorsque l’avertissement vient de quelqu’un de son entourage. C’est ce que rappelle Jésus au tout début de sa vie publique en évoquant le prophète Élie :
"En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien". (Lc 4, 25-27)
C’est la première fois que Jésus prend la parole devant les siens, à Nazareth, sa terre natale. Mais alors qu’ailleurs "tout le monde faisait son éloge", ici où on le connaît bien, les réactions sont tout autres. Au début, ses paroles suscitent l’admiration et l’étonnement. "De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : "D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?" (Mc 6, 2).
Puis vient l’incrédulité, "N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ?", (Mc 6, 3) avant que ne monte la colère, "Et ils étaient profondément choqués à son sujet". Tous se lèvent alors et le chassent hors de la ville pour aller le précipiter du haut d’une falaise (Lc 4, 21-30), "Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin".
Jésus, "le plus grand miracle de l’univers"
Pour le pape Benoît XVI, "ce fait est compréhensible car la familiarité, sur le plan humain, n’aide pas à aller plus loin et à s’ouvrir à la dimension divine. Que ce Fils d’un charpentier soit Fils de Dieu est difficile à croire pour eux". C’est pourquoi Jésus prononce ces mots : "Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison", (Mt 13, 57), paroles à l’origine de notre expression.
Mais malgré cette lucidité, Jésus ne peut s’empêcher d’être étonné. Même s’il est bien conscient qu’aucun prophète n’est bien accueilli parmi les siens, la réaction de ceux qui l’entourent, leur refus d’ouvrir leur cœur, reste pour lui inconcevable. "Comment est-il possible qu’ils ne reconnaissent pas la lumière de la Vérité ? Pourquoi ne s’ouvrent-ils pas à la bonté de Dieu, qui a voulu partager notre humanité ?", s’interroge le pape Benoît XVI, avant de poursuivre : "en effet, l’homme Jésus de Nazareth est la transparence de Dieu, Dieu habite pleinement en Lui. Et tandis que nous recherchons toujours d’autres signes, d’autres miracles, nous ne nous apercevons pas que c’est Lui le vrai Signe, Dieu fait chair, que c’est Lui le plus grand miracle de l’univers : tout l’amour de Dieu renfermé dans un cœur humain, dans un visage d’homme".
Les évangiles de saint Marc et de saint Matthieu précisent ensuite qu’à cause de ce manque de foi, Jésus ne put accomplir que peu de miracles à Nazareth. Comme le conclut Benoît XVI, "les miracles du Christ ne sont pas une démonstration de puissance, mais les signes de l’amour de Dieu qui agit là où il rencontre la foi de l’homme dans la réciprocité".