Beaucoup se sont indignés, après l’annonce du souhait émis par Mgr Ulrich dans une lettre adressée à Emmanuel Macron évoquant la pose de vitraux contemporains destinés à remplacer les grisailles de Viollet-le-Duc. Ce n’est pas la première fois, pourtant, qu’un tel projet est mis en œuvre. En 1937, déjà, un projet de vitraux contemporains destinés à remplacer les verrières de Viollet-le-Duc avait été proposé au concours de douze artistes, avant d’être abandonné au début de la Seconde Guerre mondiale. De nouveaux vitraux figuratifs devaient alors remplacer les grisailles en place, qui tiennent leur nom de la peinture noire chauffée sur le verre.
Des grands noms de l'art contemporains
L'idée d'installer des vitraux contemporains à la suite de l'incendie n'est pas nouvelle et avait même été émise par Mgr Aupetit, prédécesseur de Mgr Ulrich, en 2020, lorsque Roselyne Bachelot était ministre de la Culture. Cette fois-ci, la liste des 110 artistes ayant déposé leur candidature pour remplacer les vitraux de six chapelles du collatéral sud n'a pas été rendue publique. "Nous avons reçu environ 110 dossiers de tandems entre un artiste et un maître verrier", a cependant annoncé Bernard Blistène, directeur honoraire du Musée national d'art moderne et président du comité en charge de la sélection du binôme lauréat.
Parmi eux, Daniel Buren, Hervé Di Rosa, Yan Pei-Ming et Pascal Convert ont chacun imaginé un programme iconographique dédié à la Pentecôte, comme le veut le cahier des charges proposé par le comité. Le premier, célèbre pour ses colonnes qui habillent la cour d'honneur du Palais-Royal, à Paris, est connu pour son utilisation récurrente du motif des bandes verticales rayées et sa remise en cause de l'institution muséale. S'il a déjà exploré l'art du vitrail et des espaces religieux, dans des synagogues ou des chapelles désaffectées comme à Delme ou à Thouars, le domaine religieux n'est pas particulièrement relié à sa production.
Un lien ténu
L'art religieux, détourné, est cette fois ponctuellement présent dans les archives de l'artiste Hervé Di Rosa, figure de proue des arts modestes, comme dans son tableau Le Cul sacré (1993) où des corps nus en position suggestive détournent l'iconographie chrétienne. Son œuvre, elle, se distingue par l'usage de figures imaginaires et excentriques aux couleurs vives à la figuration libre issue de la pop culture. Yan Pei-Ming, artiste peintre franco-chinois, a quant à lui dédié une partie de sa production à l'art sacré, notamment dans l'exposition Au nom du père du musée Unterlinden à Colmar (2021). Le parcours, élaboré comme une réponse contemporaine au Retable d’Issenheim de Grünewald, soulignait les thèmes de la filiation et du sacrifice qui habitent l'oeuvre du peintre. Son art à l'esthétique particulière, monochrome et figuratif, est largement dédié aux portraits inspirés de la culture chinoise. Il s'est également réapproprié quelques emblèmes de l'art classique, comme le Portrait du pape Innocent X de Velasquez, La Cène de Léonard de Vinci ou le Tres de mayo de Goya.
Pascal Convert, lui, s'était également porté candidat pour réaliser le nouveau mobilier liturgique de la cathédrale de Paris. Concepteur des vitraux en cristal de Saint-Gildas des Bois, près de Nantes, le plasticien a aussi réalisé un buste du Christ, intitulé Cristallisation n°3, offert à l'église Saint-Eustache. Il "s’attache à mettre en exergue le pouvoir symbolique des images et interroge leur dimension politique, esthétique et culturelle", lit-on à son propos dans une présentation creuse et énigmatique du musée d'art contemporain du Luxembourg. L'art contemporain a quant à lui déjà largement trouvé sa place dans l'édifice avec la création d'un nouveau mobilier liturgique, destiné à remplacer celui qui avait été détruit par les flammes. Les fidèles espèrent cependant un choix judicieux qui sache restaurer l'histoire de l'édifice et respecter la foi catholique comme la vocation sacrée de l'édifice.