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Scène de ménage, ce 25 mars 1649, à la ferme des Platées sur la paroisse de Vinay en Dauphiné. Pierre Port-Combet, huguenot pur et dur pour qui la dévotion mariale est méprisable, veut aller travailler, bien que ce soit l’Annonciation. Cette fête est alors d’obligation, donc chômée sous peine d’amende. Ce choix déplaît à son épouse catholique Jeanne Pélion, persuadée qu’il ne peut rien sortir de bon d’une violation délibérée des commandements de l’Église. Pierre, ricanant, s’en va, armé d’une serpette, tailler les armariniers comme l’on appelle les osiers dans la région.
Peu après, Jeanne le voit revenir, couvert de sang ! Elle se précipite, affolée, gémissant qu’elle savait bien qu’avec ses bravades, il arriverait malheur. Mais Pierre lui dit de ne pas s’inquiéter, qu’en dépit des apparences, il n’est pas blessé : ce sang qui inonde ses vêtements et colle à sa serpette, ce n’est pas le sien mais celui de l’arbre qu’il taillait qui s’est mis à jaillir à flots à l’instant où il a entaillé la première branche. Jeanne le regarde, effarée, réplique qu’il perd la tête, que les arbres ne saignent pas. Les arbres non, en général, mais celui-là, si… et elle n’a qu’à venir voir si elle ne le croit pas !
Elle le suit, elle ne croit pas à cet osier qui saigne, mais il y a ce sang sur Pierre et l’outil… Si ce n’est pas le sien, à qui est-il ? Des idées terrifiantes lui passent par l’esprit, la pensée que son homme, dans un moment d’égarement, a tué quelqu’un. Arrivés aux osiers, Jeanne constate qu’il n’y a, grâce à Dieu, pas de cadavres, mais Pierre gesticule, montrant l’arbre, semblable à tous les autres. Voulant le ramener à la raison, elle s’approche de l’osier, prend la serpette, tranche une branche, une autre… rien ne se passe. Il crie qu’il n’a pas rêvé, reprend l’outil, coupe à son tour et là, une giclée de sang l’éclabousse de la tête aux pieds ! Cette fois, Jeanne appelle à l’aide, afin que d’autres soient témoins de ce phénomène insensé. Des voisins accourent, on constate et, parce que, vraiment, cette histoire n’est pas ordinaire, on prévient les autorités, tant royales qu’ecclésiastiques et on dresse procès-verbal, devant notaire, de l’événement, dûment authentifié. Pour faire bonne mesure, Port-Combet écope d’une amende de 3 livres, une grosse somme, pour lui apprendre à respecter les jours fériés catholiques. Puis l’on n’en parle plus, bien que l’on ait entouré l’osier miraculeux d’un enclos et que l’on en raconte l’histoire aux étrangers.
D’une beauté à couper le souffle
Huit ans passent. La vie des Port-Combet a repris, Jeanne continue d’aller à la messe, Pierre au prêche et ils se querellent quand Jeanne prétend que le saignement de l’osier était un signe du Ciel pour le convaincre de se faire catholique. Décidément, les papistes gobent tout et n’importe quoi ! On est maintenant en mars 1657, un jour ouvré cette fois, l’amende, plus que le miracle, a convaincu Pierre de chômer aux fêtes d’obligation. Il laboure. Et voilà qu’il voit apparaître "une jeune demoiselle", vêtue d’une robe blanche, d’un manteau bleu, un voile noir sur la tête, d’une beauté à couper le souffle. D’un ton de commandement, l’inconnue lui lance : "Arrête tes bœufs !" Port-Combet fait celui qui n’a pas entendu.
La Demoiselle ne se laisse pas démonter et demande : "Ce huguenot qui a coupé l’osier, où habite-t-il ?" Pierre, qui n’aime pas ce genre ce genre de questions, répond : "Je ne sais pas… par là…" La belle inconnue le regarde sévèrement : "Comme si je savais pas que c’est toi, le huguenot ! Et si tu n’arrêtes pas tes bêtes, c’est moi qui vais le faire." Ahuri, Port-Combet interrompt sa besogne, s’approche de son interlocutrice ; celle-ci, l’air grave, lui dit : "Sache que ta fin est proche et si tu ne changes pas de vie, je t’avertis que tu seras l’un des plus grands tisons de l’enfer ! Mais, si tu changes, je te protégerai devant Dieu." Puis elle ajoute — ainsi qu’elle le fera non loin d’ici, à La Salette, à deux siècle de là, pour se plaindre que l’on ne respecte pas les jours fériés et demandant que l’on "fasse passer ses demandes à tout son peuple" — : "Dis aux populations que leurs prières ne sont pas assez ferventes."
Un pèlerinage s’organise
Pierre veut s’approcher mais, soudain, la Demoiselle est transportée en un clin d’œil à une distance impossible à franchir ; il essaie de la rattraper car il veut contempler encore celle qu’il décrira comme "la plus belle créature qui soit au monde", mais rien n’y fait, il ne peut la rejoindre et, bientôt, elle atteint, à une vitesse folle, la courbe du chemin et disparaît… Port-Combet rentre chez lui, méditatif, commençant à admettre que sa Demoiselle pourrait être la Sainte Vierge, offensée par son travail de l’Annonciation, et venue l’appeler à la conversion. Il dit à Jeanne : "Ah, si tu savais ce que j’ai vu !" et lui raconte. Puis, parce qu’il prend au sérieux l’annonce de sa mort prochaine et n’a pas la vocation de devenir grand tison en enfer, va trouver son curé et abjure le protestantisme pour faire profession de foi catholique. Bien lui en prend car il meurt, en effet, le 15 août suivant, demandant à être enterré au pied de l’osier miraculeux.
Peu après, la châtelaine de Vinay, Marguerite de Montagny, qui a fait clôturer l’arbre miraculeux, fait bâtir en 1659 au-dessus de la tombe et l’arbre une chapelle provisoire en bois, remplacée plus tard par un sanctuaire en pierre, Notre-Dame de l’Ozier. Un pèlerinage s’organise, qui souffre hélas des débordements du clergé local, qualifié de "malandrins" par les visiteurs, de sorte que l’évêque de Grenoble installe des religieux augustins qui donnent au pèlerinage plus d’allure. Une seconde chapelle sous le vocable de Notre-Dame de Bon Rencontre, est édifiée sur le lieu de l’apparition de 1657, puis un oratoire dit de l’Épinouze.
Élevée au rang de basilique
Pèlerinage et sanctuaire prospèrent jusqu’à la Révolution, qui profane l’église, mutile la statue de la Sainte Vierge et arrache l’osier miraculeux ; les vandales se promettent de revenir pour brûler le tout mais les fidèles réussissent à sauver leur Madone cassée et ce qui reste du pauvre arbre, les débris de l’un et de l’autre étant soigneusement replacés dans le sanctuaire à la fin de la persécution. Même si, dans le grand courant de piété mariale qui suit, en 1854 et la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception, l’église est reconstruite et agrandie en 1858 puis élevée en 1924 au rang de basilique, les travaux ne seront jamais terminés et les efforts des Oblats de Marie immaculée pour relancer la ferveur n’aboutissent pas. Peut-être la proximité de La Salette, devenue depuis 1846, le grand sanctuaire marial du Dauphiné y est-il pour quelque chose…
La malchance s’en mêlant, la foudre tombe sur Notre-Dame de l’Osier en 1939, occasionnant de gros dégâts, pas encore réparés quand, au printemps 1962, un fort séisme ébranle le sanctuaire. Jugé dangereux, l’on ne s’y aventure plus guère avant que, ces dernières années, des fidèles entreprennent de le restaurer et le rendre au culte. Désormais, les pèlerinages ont repris à l’occasion des grandes célébrations mariales. Le reste du temps, il est possible de prendre rendez-vous sur le site du sanctuaire pour organiser visites ou célébrations.