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Comme des millions de Français, j’ai été touché par le succès phénoménal du film Un p’tit truc en plus. J’ai ri devant cette comédie lumineuse et humaniste, et j’ai été ému de voir la joie de ses acteurs, en situation de handicap pour la plupart, gravissant les marches du festival de Cannes. Et puis, en les regardant danser en haut du tapis rouge, je me suis dit : "Quel cauchemar. Quel cauchemar de penser que notre société est sur le point de dire à chacun de ces acteurs qu’il est désormais éligible à l’euthanasie, à cause de son “petit truc en plus” !
Parce que oui, c’est ça qui se prépare au Parlement, depuis que les députés, en commission spéciale, ont renversé les maigres garde-fous prévus par le projet de loi sur la fin de vie. Désormais, le critère d’accès à l’euthanasie ou au suicide assisté ne serait plus "un pronostic vital engagé à court ou moyen terme" — qui était déjà un critère très flou — mais "une affection grave en phase avancée". "Une affection grave en phase avancée", cela recouvre tout, n’importe quoi, et chacun des "petits trucs en plus" des acteurs de ce film, évidemment !
Ceux qui crient dans le désert
Le succès d’Un p’tit truc en plus souligne à mes yeux le caractère mensonger de ce projet de loi : mensonger d’abord parce qu’il n’emploie même pas les mots pour dire ce qu’il prépare. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État, qui a très officiellement déploré que ce texte ne nomme pas les choses avec clarté ; mais il est mensonger, surtout, car il présente comme une loi de fraternité ce qui n’est qu’une loi d’indifférence : alors que la loi existante jusqu’à présent ambitionne de soulager la souffrance en fin de vie, celle qui se prépare vise à donner la mort.
Je suis impressionné de voir le nombre de personnalités très qualifiées, de tous horizons politiques, professionnels ou philosophiques, qui face à ce projet de loi se font les lanceurs d’alerte de la vraie dignité humaine. Mais ils crient dans le désert politique et médiatique. Une fois de plus, tout se passe comme si certains de nos décideurs savaient à l’avance qui ils veulent écouter, plutôt que d’écouter ceux qui savent ! Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut lutter contre la souffrance, notamment en fin de vie. C’est toute l’ambition des soins palliatifs. Mais tuer ne peut pas être la juste réponse. Au lieu de gagner une liberté nouvelle, un simple "petit truc en plus", notre pays se retrouverait demain avec un gros truc en moins : une bonne part de son humanité.