Elle a entendu résonner en son sein les hymnes les plus spectaculaires rythmant avec force les événements qui ont fait l’Histoire de France. Elle a aussi porté les ferventes prières des fidèles venus se confier humblement en son cœur. Subitement interrompu lors du violent incendie du 15 avril 2019, ce ballet de suppliques, de louanges et d’actions de grâce dont Notre-Dame est l’humble dépositaire va enfin reprendre en décembre 2024, cinq ans après sa fermeture.
Pour être à la hauteur de l’événement, le diocèse de Paris peaufine les derniers détails des festivités. Parmi eux se trouve la délicate question de l’hymne qui va accompagner cet événement historique. Le 7 décembre, veille de la première messe dans la cathédrale restaurée, l’État propriétaire entend remettre officiellement "les clefs" de Notre-Dame à l’affectataire qui est l’Église catholique. C’est aussi ce jour-là que résonnera, après l’éveil de l’orgue, un Magnificat ou un Te Deum. Alors que le diocèse de Paris ne semble pas avoir encore arrêté son choix, les deux hymnes ont toute leur place pour accompagner un moment aussi fort historiquement que spirituellement.
Cantique d’action de grâces entonné par la Vierge Marie, en réponse à sainte Elisabeth, sa cousine, qu’elle est allée aider car elle attendait Jean-Baptiste dans sa vieillesse, le Magnificat est un condensé d’amour et d’abandon au Seigneur sorti des lèvres de Marie, et plus encore de son cœur, inspiré par l’Esprit saint. "Dans ce chant merveilleux se reflète toute l'âme, toute la personnalité de Marie", expliquait ainsi Benoît XVI dans son homélie du 15 août 2015. "Nous pouvons dire que son chant est un portrait, une véritable icône de Marie, dans laquelle nous pouvons la voir exactement telle qu'elle est." Mis en musique des milliers de fois par d’illustres compositeurs et d’anonymes musiciens, le Magnificat était chanté chaque soir avant l’incendie du 15 avril 2019 dans le vaisseau de la cathédrale, à l’office des vêpres. Notre-Dame étant consacrée, comme son nom l’indique, à la Vierge Marie et la réouverture de la cathédrale correspondant à la fête de l’Immaculée Conception, le Magnificat est donc un choix opportun.
La place du Te Deum
Qu’en est-il du Te Deum ? Hymne de la liturgie catholique exprimant la louange et l’action de grâce, elle commence par les mots "Te Deum laudamus" c’est-à-dire "À toi Dieu, notre louange." Composé vers la fin du IVe siècle, le texte fut tour à tour attribué à Ambroise, saint évêque de Milan, Augustin, saint docteur d’Hippone ou Cyprien, grand martyr de Carthage. Ces paternités supposées montrent au moins que l’hymne est ancienne. Le Te Deum inspira lui aussi de nombreux musiciens et fut chanté en un grand nombre d’heureux événements civils et religieux. Tragiquement décédé à l’été 2023, le général Jean-Louis Georgelin, alors à la tête de l’établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame, avait annoncé en 2019 sa volonté de célébrer un Te Deum à Notre-Dame pour la réouverture de la cathédrale.
De débat il n’y en a point dans la mesure où chacun a une place de choix dans la prière et la liturgie. Il arrive aussi parfois que les événements contraignent les choix. C’est ce qui est arrivé le 26 août 1944. Dans l’après-midi, le général de Gaulle, voulant fêter la Libération, se rend dans la cathédrale parisienne pour assister à un Te Deum. Durant la cérémonie, des coups de feu éclatent, venant de tireurs embusqués, contraignant la cérémonie à se limiter à seulement une quinzaine de minutes. En raison de l’agitation alentour, les participants chanteront un Magnificat à la place du Te Deum initialement prévu. Moins d’un an plus tard, le 9 mai 1945, c’est un Te Deum qui résonnera dans la cathédrale célébrant la capitulation allemande. Finalement, Magnificat ou Te Deum, pourquoi choisir ? Un Te Deum ne pourrait-il pas être entonné avant le Magnificat lors des vêpres ?