L’effervescence du chantier et le fourmillement des artisans vont bientôt laisser place à la ferveur des fidèles et aux pas plus ou moins feutrés des pèlerins. Il y a cinq ans, le 15 avril 2019, à 18h20, l’alarme de Notre-Dame de Paris retentit alors que les paroissiens assistent à la messe du Lundi saint. Quelques minutes plus tard, les Parisiens voient émerger de la fumée par la toiture. Notre-Dame brûle. Les heures qui suivent, personne ne les a oubliées. Le choc, la charpente qui brûle, le courage des pompiers, le sauvetage des œuvres d’art, des reliques, du Saint-Sacrement, la flèche qui tombe et l’émotion qui s’empare du monde entier. Ce soir-là, c’est aussi un grand élan de foi qui s’est élevé vers le Ciel. On se rappelle des prières récitées à l’unisson par les Parisiens à genoux ou encore de la grande veillée de prière organisée à Saint-Michel. C’est aussi une promesse : celle d’Emmanuel Macron qui s’engageait, dès les premières heures de l’incendie, à reconstruire la cathédrale dans un délai de cinq ans. "Je vous le dis très solennellement ce soir, cette cathédrale nous la rebâtirons, tous ensemble." Des mots qui retentissent encore plus fort aujourd’hui, cinq ans après et à quelques mois de la réouverture. Si l’un de ses plus fidèles artisans, le général Jean-Louis Georgelin, nommé à la tête de l’établissement public chargé du chantier de Notre-Dame est décédé brutalement à l’été 2023, il aura œuvré jusqu’au bout pour que le délai soit tenu.
Cinq ans après l'incendie qui a dévasté Notre-Dame de Paris, les principaux défis posés par sa restauration ont été relevés, à l'image de sa flèche dont l'aiguille vêtue de sa couverture en plomb pointe à nouveau dans le ciel parisien avec, en son sommet, la croix, devant laquelle Marie a pleuré son Fils et devant laquelle les catholiques du monde entier s’inclinent. Quelque 250 entreprises et des centaines d'artisans d'art, d'architectes et de professionnels ont travaillé dans ce chantier hors norme pour en permettre la réouverture a récemment rappelé Philippe Jost, qui dirige l'établissement public chargé de cette restauration depuis le décès du général Jean-Louis Georgelin.
Des tonnes de gravats (bois calciné, pierres écroulées...) ont d’abord dû être dégagées lors d'un chantier interrompu plusieurs semaines en raison du Covid. La sécurisation s'est poursuivie avec le cintrage des arcs-boutants qui soutiennent les voûtes qui menaçaient de s'effondrer à leur tour, ainsi que par la dépollution de 450 tonnes de plomb partiellement vaporisées dans l'atmosphère. Un échafaudage extérieur de 40.000 tubes tordus et calcinés, qui entourait avant l'incendie la flèche (dont 16 statues avaient été démontées pour restauration), a été démantelé. Cette "étape majeure" s'est achevée à l'été 2021.
De nombreux défis techniques
La reconstruction a ensuite démarré à l'automne 2021 sur le chantier de la cathédrale (où des échafaudages intérieurs et extérieurs ont été installés) et dans de nombreux ateliers d'art (charpentiers, maîtres-verriers, tailleurs de pierre...). Parmi les défis techniques, on peut citer les charpentes de la nef, du chœur et de la flèche, qui ont pu être reconstruites à l'identique en chêne massif, avec plus d'un millier d'arbres bicentenaires spécialement sélectionnés dans les forêts françaises. Elles sont toutes désormais achevées et la flèche, identique à celle de l'architecte du XIXe siècle Viollet-le-Duc, se révèle depuis février 2023 en partie dans toute sa splendeur avec sa croix et son coq. D’ici aux Jeux olympiques de Paris cet été, elle sera entièrement visible.
Une luminosité retrouvée
À l'intérieur, Notre-Dame a aussi retrouvé une luminosité que l’on ne lui connaissait plus. Le nettoyage des murs, des voûtes et des décors sont quasiment achevés, révélant la douce blondeur de la pierre d’Ile-de-France. La repose des sols en damier noir et blanc se poursuit, ainsi que l'installation, totalement repensée, des dispositifs techniques et électriques et d'un système anti-incendie inédit, a détaillé récemment Philippe Jost.
Du côté des vitraux, si aucun n’a été endommagé par l’incendie, ils ont néanmoins tous été nettoyés. Six vitraux contemporains devraient par ailleurs venir les compléter en 2026. Le grand orgue a également été épargné par le feu mais recouvert de poussière de plomb. Après nettoyage, ses 8.000 tuyaux ont été remontés un par un. Son harmonisation devrait durer six mois. D’ici à l’été, les toitures de la nef, du chœur et de la flèche, la restauration des sols, ainsi que des travaux sur du mobilier d'art intérieur, doivent encore être achevés. Enfin, à partir de l’automne, le parvis et les accès seront dégagés et réaménagés en lien avec la Ville de Paris, chargée de restructurer les abords, qui doivent être verdis à l’horizon 2028.
Cette dernière ligne droite s’annonce encore bien remplie. La perspective de la réouverture, début décembre 2024, de la cathédrale, ne manquera certainement pas de réchauffer le cœur de celles et ceux qui, de près ou de loin, ont œuvré par leur travail ou par la prière au relèvement de Notre-Dame de Paris.