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Alexis Grüss est mort ce samedi 6 avril à l'hôpital Saint-Joseph, à l'âge de 79 ans. Écuyer, clown, acrobate et voltigeur - et même saxophoniste hors-pair - Alexis Grüss était pilier, patriarche et âme du cirque. C'est précieux, un pilier, dans une tente appelée à ne jamais demeurer au même endroit.
"Alexis Grüss était bien plus qu’un homme de talent ; il était un pilier, un maître des arts équestres, du spectacle, dont l’empreinte restera à jamais gravée dans nos cœurs. Il a consacré sa vie à faire perdurer les arts équestres de la piste par ses enseignements et sa transmission, inspirant des générations entières", écrivent son épouse, Gipsy Grüss, née Bouglione, son frère, ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. "Les fondements de sa vie ont été jusqu’à la fin sa famille, les chevaux, la piste. Que les rêves et les émotions qu'il nous a procurés par ses spectacles demeurent dans nos mémoires. En cette période de deuil, la famille Grüss vous remercie pour vos pensées et vos prières."La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint Roch à Paris, paroisse des artistes, le jeudi 11 avril à 9h30 et l'inhumation aura lieu dans l'intimité familiale.
Un patron infatigable
Né le 23 avril 1944 dans le Doubs, il devient directeur de cirque dès l’âge de 27 ans. En 1974, il se détache des pratiques du cirque alors à la mode - le dressage des fauves notamment - pour se consacrer presque exclusivement au spectacle équestre ; c'est un changement révolutionnaire - et salvateur pour le cirque ! - qu'il opère avec la comédienne Silvia Monfort : la naissance du Cirque à l’Ancienne. Il disait préparer l'avenir en s'ancrant profondément dans le présent et en cherchant, sans quitter des yeux la tradition, à se renouveler sans cesse, à rester dans un mouvement créateur, car, citant Malher, il était convaincu que "la tradition n'est pas le culte des cendres mais la préservation du feu." Flamboyant, vivant, il l'était : chaque jour - après un grand bol de café avec cinq sucres - il devait voir les progrès des jeunes chevaux, de ses enfants, de ses petits-enfants, de ses arrière-petits-enfants ; une dynamique inextinguible !
La perfection est céleste. Sur terre on ne peut faire qu'une chose : s'en approcher.
Son travail extraordinaire a été largement récompensé : en 1981, il obtient le Grand prix national du cirque, décerné par le ministère de la Culture. Fait Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres et Chevalier de la Légion d’honneur, il est aussi créateur de la Biennale du cirque à Lyon. En 2001, il reçoit des mains du prince Rainier de Monaco un Clown d'or, ce qui le rend profondément heureux : son père en effet, était "Dédé", le célèbre clown à la chemise blanche et au chapeau melon. Tous ces prix illustrent son influence exceptionnelle. Le dernier spectacle "Les Folies Grüss" célèbrent un double anniversaire : les 50 ans de l'installation de la compagnie à Paris ainsi que les 80 ans du patriarche - il ne restait plus que si peu de jours avant son anniversaire ! Mais pas de goût d'inachevé ici, bien au contraire : ce spectacle était un véritable bouquet final ! 50 chevaux, 25 artistes, un spectacle plein de musique - son autre grande passion ! - pleine d'audace exaltant l'harmonie entre l'homme et le cheval et 4 générations sur la piste !
Un chrétien lumineux
Lui-même héritier d'une illustre lignée - la compagnie Alexis Grüss est issue "d'un couple formé en 1868 par le mariage entre Charles Grüss, initialement tailleur de pierres, et Maria Martinetti, membre d'une famille d'écuyers et acrobates menant son propre chapiteau depuis les années 1850 " explique le site de la compagnie - il a su à son tour transmettre à ses enfants la passion du cirque et l'épanouissement à travers un travail exigent et continu : "Si celui qui maîtrise le geste ne le transmet pas au moment même où il est en mesure de l'exécuter, ce geste est à jamais perdu".
Ce souci constant de la transmission est révélateur d'un esprit pétri de foi chrétienne : Alexis Grüss n'était que dépositaire de ce grand héritage et devait ainsi le transmettre avec humilité et exigence, faire rayonner autour de lui et d'abord dans sa propre famille, la beauté de cet univers reçu. L'une des manifestations les plus probantes de cette piété est la messe de Noël, la messe de minuit, célébrée sous le chapiteau encore fumant du dernier spectacle, illuminé de milliers de bougies, dans une atmosphère détonante et recueillie. L'archevêque de Paris lui-même avait présidé la 40e messe de minuit du Cirque Grüss, en 2019 : une décision prise avant même l'incendie qui rendit impraticable la cathédrale de Paris.
Mais il ne s'agit pas que de manifestations extérieures; tout son être déborde cette foi en Dieu qui a fait de lui ce directeur et ce patriarche si solide et si cohérent. Voici quelques réponses frappantes d'une extraordinaire interview donnée en 2008 à l'occasion de son spectacle Orchestra.
"Que possédez-vous de plus cher ?
- Ma famille, même si je ne la possède pas."
"Quel est le principal trait de votre caractère ?
- D'en avoir ! Mais chez les Grüss, personne ne se laisse marcher sur les pieds. J'ai réussi à dompter des chevaux, des cerfs, des taureaux, mais ma femme et mon chien, jamais."
"Petit que vouliez-vous faire ?
- Je n'ai jamais rien voulu faire d'autre que ce que je fais aujourd'hui."
"Est-ce que la mort vous fait peur ?
- Celle des autres, pas la mienne."
Enfin, à la question : "Quel est le bonheur parfait, selon vous ?
- La perfection est céleste. Sur terre on ne peut faire qu'une chose : s'en approcher."
Nous prions donc pour qu'il soit désormais plongé dans cette perfection du face à face avec Dieu qu'il a tant recherchée sur cette terre.