Du désespoir à l'espérance
"La vision des ossements convoque la mort dans ce qu'elle a de plus définitif", rappelle auprès d'Aleteia Pierre Destais, assistant funéraire au Service catholique des funérailles de Marseille. "Les ossements, c'est tout ce qui reste à la fin et c'est probablement la vision la plus amère qu'on puisse garder d'un corps parvenu au bout du bout de la chaîne de la chair. Cette vision réveille l'angoisse terrible de ce petit être qu'on a connu vivant, souriant et même malade. Non seulement il est mort, mais il ne reste de lui que ça". Nous savons bien qu'au moment de la mort, le corps se dégrade. C'est là, d'ailleurs, la conséquence du péché originel qui fait que Dieu dit à Adam : "Tu es poussière, et à la poussière tu retourneras" (Gn 3, 19). Nous ne sommes pas censés, pourtant, voir ces choses-là.
"Pour faire face au deuil, trois vertus sont nécessaires", estime Pierre Destais. "la foi, l'espérance et la charité". La foi relève de la confiance en Dieu pour qui connaît sa bonté et sa miséricorde infinies pour intégrer au plus profond de son cœur le bien que Dieu nous veut. Saint Augustin écrit ainsi que "Dieu, qui nous a créés sans nous, ne nous sauvera pas sans nous". Vient ensuite l'espérance qui fait dire à Charles Péguy : "Ma petite espérance est celle qui se couche tous les soirs et se lève tous les matins".
"C'est la force de Dieu qui n'est pas l'espoir humain, c'est la certitude du Christ qui continue de porter sa croix en portant celle des hommes", relève l'assistant funéraire. "L'espérance permet de regarder au-delà de l'épreuve pour préférer la vivre avec Dieu que sans Lui." C'est l'espérance qui illumine le Vendredi saint, c'est l'espérance qui éclaire la mort d'Émile puisque l'épreuve n'est supportable qu'à la lumière de la résurrection du Christ. "La foi et l'espérance ont cependant une fin : le ciel. Au Ciel on n'aura plus besoin de croire en Dieu, ni de l'attendre, puisqu'on sera avec Lui", souligne Pierre Destais. "Au ciel, en revanche, on vivra de la charité." "La charité ne passera pas" (1 Co 13), redit ainsi saint Paul. "Dans le cas d'un deuil aussi douloureux, la charité est aussi tournée envers soi-même pour ne pas sombrer dans des solutions humaines, comme l'alcool, la drogue, la colère ou la solitude pour continuer à vivre, continuer de se nourrir, de dormir la nuit, de faire ses courses et accepter que la vie continue".
Des funérailles de saint
"Les funérailles des enfants morts avant 7 ans correspondent ainsi à un rituel particulier prévu par l'Église, car ils sont morts avant d'avoir pu pécher personnellement", souligne encore l'assistant funéraire. Le rituel de l'Église est ainsi très clair sur ce point : les funérailles d'Émile seront des funérailles de saint. "Les signes, dans ce cas, sont manifestes : ornements blancs, pas d'absoute, pas de bénédiction avec l'eau, ni d'encensement", estime Pierre Destais. "Les textes, aussi, sont différents : parmi eux, on trouve notamment le cantique des trois enfants (Dn 3, 58-87) qui est un chant de louange." C'est le seul cas où l'Église se prononce sur le salut d'une personne, qui ne présume jamais ailleurs ni du salut, ni de la damnation de quelqu'un, qu'il s'agisse d'un pécheur notoire ou d'un homme mort en odeur de sainteté. C'est précisément pour cela que l'Église demande des signes avant de canoniser des défunts, car nul ne sait ce qu'il s'est passé au plus intime de son cœur, si elle a pu accueillir Dieu, ou si elle l'a rejeté : Dieu seul juge. "En revanche, on est absolument certains que dans cet état d'innocence propre à l'enfance et baptisé, l'enfant mort est lavé du péché originel", affirme Pierre Destais.
L'Église ne va pas célébrer la fête de saint Émile Soleil, on sait pourtant qu'Émile Soleil est saint.
Émile est saint, on le sait et c'est précisément là que se trouve la consolation pour ses parents, une consolation qui vient après la douleur terrible du corps et du cœur, qui ne peut se vivre autrement, dans un premier temps, que dans la souffrance. La souffrance de Marie et Colomban relève du mystère du mal, du mystère de la souffrance et de l'intimité de ce qui se vit entre Dieu et l'âme dans ces circonstances tragiques. "Les attaques du démon, sous la forme du doute et du découragement vont revenir et revenir et revenir dans le cœur de ses parents", souffle Pierre Destais. "Aujourd'hui, pourtant, Émile est au Ciel, c'est-à-dire au meilleur endroit possible pour un être humain ; mieux, encore que dans les bras de sa mère. Il leur faudra pourtant des années pour parvenir à dire avec une certitude et une confiance totale : 'Je préfère que mon fils soit au Ciel plutôt que dans mes bras'."
"Nous sommes face à un cas très particulier auquel répond l'Église par un rituel tout aussi particulier", souligne Pierre Destais. "Émile était baptisé et il est mort avant d'avoir atteint 7 ans, l'âge de raison, il n'a donc pas eu la possibilité de pécher personnellement". L'Église est très claire sur ce point : un enfant baptisé mort avant l'âge de raison est saint, car il est auprès de Dieu. "C'est une certitude que l'Église a donné très tôt à tous les parents qui vivaient une perte aussi dramatique, souligne l'assistant funéraire ; celle d'être absolument certains que leur enfant irait au Ciel, même si cela ne veut pas dire qu'on porte tous ces enfants au canon de l'autel en les canonisant à chaque fois qu'un tel drame se répète". Si l'Église ne va pas célébrer la fête de saint Émile Soleil, on sait pourtant qu'Émile Soleil est saint. Émile Soleil contemple désormais la Face de Dieu, pour l'éternité et célèbre avec le Christ et tous les saints du Ciel la joie sans fin de la Pâque nouvelle.