Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
La série "Bienvenue au monastère" diffusée par une chaîne de télévision tout-info du groupe Canal fait polémique. Je serais mal avisé de m’en mêler, n’ayant jamais regardé cette émission. J’en ai pourtant bien été tenté. Autour de moi, des prêtres et des proches avaient fait des commentaires sympathiques, parfois élogieux. Je n’avais pas perçu chez eux la moindre gêne ou inquiétude. Les plus enthousiastes trouvaient même géniale l’idée de filmer une retraite monastique pour néophytes. Maintenant, une controverse a éclaté sur la mise en avant par cette émission de communautés religieuses impliquées dans des scandales d’agressions sexuelles. Les yeux et les esprits des téléspectateurs vont-elles changer d’optique ? La mienne en l’occurrence n’a pas varié. Je n’ai jamais été à l’aise avec des programmes de télé-réalité mélangeant la fiction, le documentaire, le jeu et les variétés avec la vie spirituelle et la foi personnelle.
Dans le silence du cloître
De la même façon, j’avais été agacé il y a quelques années par le battage fait autour d’un livre relatant les "trois jours et trois nuits" passés par quatorze auteurs connus à l’abbaye de Lagrasse dans l’Aude. L’idée d’emmener des célébrités dans un monastère pour en faire un bouquin était sûrement un "bon coup" éditorial et commercial. Notre société marchande n’a plus de pudeurs de gazelles depuis longtemps. Transgresser le silence d’un cloître pour satisfaire sa recherche du sensationnel et sa clientèle avertie est un jeu d’enfant pour elle. Cette "prouesse", admettons-le, a permis à des auteurs membres de ce pèlerinage éphémère d’écrire de belles pages sincères, parfois émouvantes. En revanche, d’autres célébrités, moins inspirées, auront davantage profité de la médiatisation de ce casting "flashy". Pourquoi ai-je été embarrassé par cette opération ? Parce que la vie monastique y est apparue comme un prétexte. On l’a présentée comme une île mystérieuse. L’interrogation spirituelle s’est évanouie sous l’exotisme. Au fond, le monastère servait de décor à une pièce de théâtre où seuls des acteurs saturés de notoriété prenaient toute la lumière.
Une petite rivière, sans tapage
Ailleurs, depuis une bonne décade, des écrivains, des journalistes, des protagonistes de la vie culturelle et médiatique, aiment se retirer, discrètement, dans une abbaye pendant quarante-huit heures. Ils s’offrent ainsi deux jours par an d'" ensilencement" et de recueillement dans une communauté religieuse. Au début de l’aventure, les retraitants se comptaient sur les dix doigts. Ils sont maintenant une trentaine. Ils seront peut-être quarante à l’automne prochain. Le petit ruisseau a grossi. Il est devenu une petite rivière sans publicité, sans tapage. Le simple bouche-à-oreille et la circulation des témoignages personnels ont suffi pour la faire connaître. Le phénomène s’est accompagné de petits miracles : ainsi, des personnes qui n’auraient jamais osé franchir toutes seules la porte d’une hôtellerie monastique — par timidité ou par appréhension — ont pu sauter le pas grâce à cette retraite. Dès lors, certaines sont devenues des "piliers" de ce rendez-vous monastique annuel.
L’essentiel est invisible
Cette expérience est une illustration éclatante de ce qu’Antoine de Saint-Exupéry fait dire à son Petit Prince : "On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux." Cette citation en rappelle une autre tirée de l’Évangile : "Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer" (Mt 6, 1). La recherche de la justesse, autrement dit d’une vie cohérente, de l’unité par un homme ou par une femme, ne nécessite pas de lumière pour s’accomplir, mais d’intimité et de discrétion. On peut alors se demander si le caractère intrusif et spectaculaire d’une émission de télé-réalité est compatible avec une aventure intérieure authentique. À moins bien sûr, de considérer que la spiritualité est une marchandise comme les autres. C’est une idée de plus en plus banale. Même au motif de faire de l’évangélisation, on peut faire étalage et du commerce. Le syndrome des marchands du Temple ne s’est jamais aussi bien porté. Et pas seulement à la télé !