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“Bienvenue au monastère” : le débat peut devenir fécond

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L'émission "Bienvenue au monastère".

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Alex et Maud Lauriot Prévost - publié le 12/02/24
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L’émission « Bienvenue au monastère » a suscité des réactions et des commentaires très contrastés. Laïcs engagés dans l’évangélisation, anciens responsables diocésains de la pastorale du mariage, Alex et Maud Lauriot Prévost voient dans l’initiative de cette série une prise de risque "vers les périphéries" qui appelle la vigilance, mais dont on peut débattre avec profit et bienveillance.

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La diffusion sur C8 de la série de téléréalité "Bienvenue au monastère" a donné lieu à une critique assez vive, dénonçant "mensonge et emprise", un "voyeurisme spirituel" voire un "scandale" vis-à-vis des victimes d’abus de la part de membres des deux communautés religieuses représentées. Certaines critiques sont recevables, particulièrement celle du choix d’un couvent de la Communauté Saint Jean, ce qui a réveillé légitimement de vives douleurs et inquiétudes chez des victimes d’abus. Cependant le déchaînement de la polémique et des critiques autour de cette émission ne manque pas d’interroger.

Une innovation missionnaire en débat

Si le principe de l’émission — l’accueil de personnalités dans un monastère pour une retraite spirituelle sous l’œil des caméras — est une entreprise innovante, et à ce titre risquée, elle a permis de découvrir d’authentiques chemins d’ouverture à Dieu de non-croyants ou de baptisés loin de l’Église ou d’une foi pratiquante. Même derrière un certain factice et la scénarisation inévitable de la télé-réalité, l’émission rapporte de beaux chemins de vérité et certains fruits de bénédiction (de "bien", de "bon") d’après les "retraitants" eux-mêmes.

Il reste que de vraies questions demeurent : la vie de foi, l’expérience spirituelle ne se vit-elle pas uniquement dans le silence et la discrétion ? L’animation n’a-t-elle pas intégré des injonctions irrespectueuses des "retraitants", novices en matière spirituelle ? Certes, résident des questions, des indélicatesses, des maladresses…, mais n’est-il pas excessif de parler de manipulation voire d’abus sur les retraitants ? Au regard de l’essentiel de la conduite de la retraite, de sa durée (une semaine), des témoignages des retraitants, de ce qu’ils rapportent longtemps après leur départ, de telles suspicions semblent excessives : aucun effet de dépendance avec une personne ou une communauté n’est relevé suite à cette émission. Plus largement, tout professionnel de la question reconnaîtra que, pour qualifier une relation de manipulation ou d’emprise, elle doit s’inscrire dans une relation de dépendance, longue et exclusive, ce qui n’est pas le cas ici. Sinon les mots n’ont plus de sens, on rentre dans la confusion entre emprise, manipulation, influence et attirance.

Bienveillance et vigilance

Pourquoi ne pas plutôt considérer avec bienveillance — et vigilance bien sûr — l’initiative de cette série, puisque des centaines de milliers de personnes, qui ne mettent jamais les pieds dans une église ou les yeux dans l’Évangile, ont suivi la série avec intérêt ? De très nombreux messages sur les réseaux sociaux l’illustrent. Pourquoi stigmatiser ceux qui tentent de rejoindre les périphéries sur de nouveaux fronts missionnaires alors que le pape François affirme constamment qu’il préfère une "Église en sortie, dans les rues et qui prend des risques", plutôt qu’une Église "accrochée à ses propres sécurités et certitudes" ?

Dans le domaine de l’intime et du spirituel, il y a toujours un risque de manipulation, d’où la nécessité d’être très vigilant.

Dans le domaine de l’intime et du spirituel, il y a toujours un risque de manipulation, d’où la nécessité d’être très vigilant : la prise de conscience et la transformation actuelle de l’Église est fort salutaire, mais non jusqu’à tout pétrifier ; ce serait là selon nous rejeter le cœur même du processus missionnaire qui innove avec constance depuis 2000 ans. Toujours avec vigilance, laissons-nous bousculer et interpeller : là où elle retrouve sa sève missionnaire, l’Église — ses mouvements, ses paroisses, ses communautés, ses diocèses, ses œuvres — rajeunit, se dynamise, rayonne et elle "s’accroît par attraction" (Pape François).

Conversion et mission sont indissociables

Toutefois, il est essentiel que nous soyons assurés dans l’Église que les deux communautés impliquées dans cette émission (et d’autres !) poursuivent et aillent au bout du travail de relecture de leurs travers historiques, de la conversion de leurs pratiques déviantes et de la réparation des victimes : c’est leur rendre justice et rendre l’Église plus sûre. Doit-on pour autant disqualifier de toute visibilité pastorale l’ensemble de leurs membres, sachant que tous ceux dont on sait qu’ils ont gravement agi ont a priori été écartés, voire condamnés ? Nous restons conscients que quelques cas ne le sont pas, et à ce titre, le combat pour la vérité de la part des victimes et de ceux qui les accompagnent est à saluer et encourager. Eu égard au respect pour les victimes, ces communautés et leurs membres doivent-ils être désormais entachés d’un péché collectif irrémissible ? Dans ce cas, toute l’Église ne serait-elle pas concernée ? Il faudrait alors suspendre sine die beaucoup d’institutions ecclésiales qui ont fauté dans ces tristes "affaires", soit par leurs méfaits, soit par leur gouvernance.

Que tout soit fait désormais pour une Église beaucoup plus saine et sûre, c’est certain, et beaucoup s’y emploient avec énergie. Que le caractère systémique des abus soit mieux identifié et traité, dans toute l’Église, avec là aussi toute la détermination nécessaire. L’Église doit-elle pour autant désormais raser les murs et se taire durant des dizaines d’années ? Nous ne le croyons pas, dans la mesure où ce travail de sécurisation et de transformation ecclésiale est constant, irréversible et s’améliore sans cesse. En cela, le rôle du peuple de Dieu, le nôtre, est déterminant ; c’est un des enjeux-clé d’une Église bien plus synodale, dans ses réflexions, ses décisions et les supervisions de ceux qui détiennent les pouvoirs.

Disputatio, oui, polémique, non

Travaillons dans l’Église au respect et à la complémentarité des charismes des uns et des autres, des formes diverses d’apostolat, des plus humbles au plus audacieuses, sans hiérarchie de valeur ni opposition : l’Église est un corps, le corps du Christ et nous avons besoin de tous ses membres, unis et différents. À commencer par nous-mêmes, veillons chacun avec sagesse à une disputatio fraternelle, féconde et éclairante, mais fuyons les vaines polémiques, ne déchirons pas davantage la tunique du Christ, travaillons à son unité dans la diversité spirituelle et apostolique.

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