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La laïcité serait-elle un nouveau Mur de Berlin ?

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Louis Daufresne - publié le 11/12/23
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Du voile islamique à la bougie d’Hanouka en passant par les tentatives de déchristianiser Noël, la laïcité ne parvient plus à faire autorité. Tant qu’on n’osera pas faire la différence entre les religions, estime notre chroniqueur Louis Daufresne, la laïcité autoritaire sera toujours une impasse.

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La laïcité serait-elle un nouveau Mur de Berlin ? Quand j’étais ado, je passais une partie de mes vacances en République démocratique allemande (RDA), quadrillée par les VoPos et l’armée soviétique. On me suivait dans la rue. Pour aller à Berlin-Est, Dresde ou Karl-Marx-Stadt, il fallait franchir le "rideau de fer", avec ses miradors, son "gazon de Staline" et ses mines antipersonnel SM-70. Que d’énergie déployée par un régime pour encager toute une population ! Puis un jour, cette construction artificielle tomba d’un coup et on passa très vite à autre chose.

Ainsi va l’histoire : les murs sont faits pour s’écrouler, sous l’action conjuguée de forces à la fois intérieures et extérieures. Venues du dehors, il se peut que d’autres populations, d’autres cultures fassent mine d’adhérer, par opportunisme, à la doxa. Sous l’Antiquité tardive, des auxiliaires germains défendaient le limès. Puis les nouveaux peuples, sous la seule pression de leur masse, en devinrent les fossoyeurs. Et tant pis pour l’Empire ! 

Un discours incantatoire et ambigu

Au dedans, il y a un moment, où malgré les slogans, les congrès du PCUS et l’appareillage policier, les gens n’y croient plus et font semblant. Ce qui compte, c’est de survivre. On surestime l'adhésion des peuples à la parole officielle et le pouvoir, qui sait sa fragilité foncière, se bat à chaque instant pour se légitimer. Le discours devient incantatoire, tourne en rond, n’embraye plus ni sur les cœurs et les esprits. Et pourtant, là aussi, du Grand Orient à l’Éducation nationale, que d’énergie déployée pour promouvoir la laïcité, cet ersatz de religion ! On entend dire, sur un ton sentencieux, que "c’est la liberté de croire ou de ne pas croire". Phrase idiote. L’homme croit par nature, et ne pas croire, c’est encore croire. L’alternative n’est donc pas bonne. Dire non à Dieu, c’est encore croire en lui. 

Les grands prêtres de la République ne cessent de jouer sur les mots. L’ambiguïté les protège.

Pour une raison qui nous échappe, sans doute leur goût du secret, les grands prêtres de la République ne cessent de jouer sur les mots. L’ambiguïté les protège. Et chacun se perd en conjectures pour savoir ce que la laïcité veut dire, s’il s’agit de la neutralité des agents et des lieux de l’État ou d’une offensive pour faire refluer la foi dans la sphère privée. C’est fou d’avoir tout le temps ce mot à la bouche, sans faire la lumière sur son intention. 

La République piégée

Maintenant que le bélier islamique cogne à la porte, on pense que la laïcité, comme le limès romain, fera tenir le chambranle républicain. C’est au pire un mensonge, au mieux une illusion. Comme l’idéologie communiste vermoulue, le régime rame pour rallumer le feu laïque. On s’aperçoit que la laïcité servait à ne pas aller à la messe. C’était une dérobade de collégien pour dire zut au curé. Maintenant que la religion devient une chose tragique, on se rend compte que le mot ne vaut pas grand-chose, et qu’à l’image de Staline, on se demande où sont ses divisions. Voilà où on est : savoir s’il fallait allumer ou non une bougie à l’Élysée. Les grands prêtres républicains réagissent comme si le sanctuaire avait été profané, en oubliant que le palais présidentiel est lui-même un héritage volé à la monarchie que la République a destituée par coup d’État, et en appliquant la peine de mort.

On polémique sur la bougie d’Hanouka parce qu’on a peur de l’islam derrière, et que les mahométans, se sentant discriminés, viennent réclamer leur dû. En acceptant le geste du rabbin sous les ors républicains, Emmanuel Macron a montré qu’il ne croyait pas vraiment à cette construction artificielle qu’est la laïcité, qui s’entend plus de manière négative, comme une privation, un interdit. Nous qui croyions qu'il était interdit d'interdire... La question est donc : faut-il faire sauter ce gond laïque, alors que le bélier islamique menace de défoncer la porte ? Dans un hôpital de Grenoble, on a dit à une femme médecin de mettre une charlotte à la place de son voile. Du coup, la charlotte devient un signe d’islamisation et les syndicats protestent. Voilà comment la République piégée se retrouve aux fraises. 

Dépolluons Noël

À propos de fruit, voilà deux suggestions : d’abord, en finir avec cette posture de retrait censée considérer d’un même œil toutes les religions. Tous les dieux ne se valent pas. Il faut accepter de les hiérarchiser, de juger l’arbre à ce qu'il donne. Tant qu'un tri ne sera pas fait, on n'en sortira pas. Et tant que la laïcité sera utilisée contre l'Église, on fera comme le scorpion s'empoisonnant avec son dard.

Ensuite, puisque le noyau laïque n’est plus radioactif, il faut aller croquer une autre chair ailleurs, la chair de l'incarnation. Dépolluons Noël du consumérisme ! La Nativité mérite de retrouver sa beauté virginale. Crèche et sapin ne sauraient non plus se laisser recouvrir de la neige artificielle du communautarisme : Noël en deviendrait un signe de division, et non de ralliement. Et si les indifférents sortaient de chez eux, et si on créait un hashtag #tousàlamessedeminuit ?

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