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L’argent peut-il servir à la fraternité et la paix sociale ? Peut-on remplacer le système capitaliste par une économie solidaire, favorable aux couches les plus pauvres de la société ? Dans la mouvance du catholicisme social du XIXe siècle, un jeune chrétien idéaliste veut transformer le monde du crédit. Son nom ? Alphonse-Elisée Chaix. Originaire du petit village de Besse dans le Var, où il naît en 1831, ce fils de tisserands assiste avec étonnement aux bouleversements industriels et financiers que traverse la France napoléonienne. Elisée Chaix devient particulièrement sensible à la situation des petits artisans et commerçants locaux, auxquels les grandes banques naissantes refusent de faire crédit. Tout juste âgé de 20 ans, il écrit à son frère Célestin dans une missive :
[…] Je crois connaître un remède plus efficace aux maux de notre époque. […] il faut réhabiliter la pauvreté au milieu des hommes épris de richesses.
De saint François d’Assise à la première banque populaire
Entré au noviciat des Capucins de Marseille en 1851, Elisée Chaix prend le nom de Ludovic de Besse et entreprend de brillantes études de philosophie et de théologie. Il puise les fondements de sa pensée humaniste dans la spiritualité de saint François d’Assise, apôtre par excellence de la pauvreté. Il fait aussi siennes les réflexions de figures marquantes du catholicisme social, telles que Frédéric Ozanam, Antoine Chevrier ou encore Pauline Jaricot. Il faudra cependant attendre vingt-cinq ans pour que le jeune prêtre mette en œuvre son intuition révolutionnaire : créer la toute première banque populaire.
L’initiative naît à Angers en 1878, avec le lancement de la Banque des Travailleurs Chrétiens, soutenue par le réseau des catholiques sociaux de France. Cette banque associative s’inspire des mouvements humaniste et mutualiste qui se développent alors ailleurs en Europe, en Allemagne notamment. Basé sur la coopération, l’établissement associe des petits "emprunteurs" démunis à des "fondateurs", qui soutiennent la banque par leurs capitaux en percevant des intérêts dont le montant est limité.
"L’objectif de cette banque était de permettre à des gens qui n’avaient pas de moyens de lancer une activité, en utilisant l’argent que leur prêtaient les plus fortunés", raconte Frère Dominique Lebon, Capucin et auteur de Ludovic de Besse, un capucin artisan du crédit populaire. "Il y avait beaucoup de besoins à ce niveau-là : les gens avaient peut-être un métier, mais ils étaient incapables d’acheter un local ou les outils nécessaires pour exercer leur profession." Le modèle périclite pourtant au bout de quelques années. La première Banque des Travailleurs Chrétiens, ruinée par des prêts de long terme, finit par disparaître en 1887.
Ramener les travailleurs à Dieu
Fort de cette première expérience, le père Ludovic de Besse poursuit son œuvre de fraternité et de paix sociale en dépit des critiques. Si le Capucin est convaincu que les banques populaires sont un moyen de ramener les travailleurs à Dieu, il est également interpellé par les banques populaires non confessionnelles, créées en Italie à la même époque. "Je voulais que ces institutions restassent purement économiques, sans prendre un caractère confessionnel et je demandais que la porte fût ouverte à tous les braves gens qui n’ont conservé de la religion que le respect des commandements de Dieu", écrit-il ainsi aux évêques de France, dans son Mémoire confidentiel. En 1882, il lance le Crédit mutuel et populaire, qui édite même un journal d’information et de conseil, L’Union économique. Le mouvement est lancé : de nouveaux établissements de crédit populaire naissent en France, à Montceau-les-Mines, à Toulouse puis à l’Orient.
Réformer le capitalisme
Catholique libéral, le père Ludovic de Besse parvient à fédérer un réseau de dix-sept banques populaires et à s’assurer le soutien financier de l’État. Son approche choque cependant certains milieux catholiques, qui lui reprochent le caractère non-confessionnel de ses œuvres. Elle amène le Capucin à un conflit violent avec Louis Durant, avocat lyonnais et membre du Tiers-Ordre franciscain, promoteur des caisses rurales du Crédit mutuel. Le pape Léon XIII lui-même, sollicité par Ludovic de Besse en 1896 pour trancher la polémique entre les deux hommes, refuse de prendre parti. Ludovic de Besse se retire de l’action sociale en 1902. Il meurt en 1910 après une longue maladie, laissant derrière lui plusieurs ouvrages spirituels d’une grande profondeur, parmi lesquels La science de la prière.
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