À Reims se trouve une église qui, si elle n'accueille évidemment pas autant de visiteurs que la cathédrale, recèle elle aussi de nombreux trésors. Au centre du quartier du Chemin Vert, à la périphérie de la ville, se dresse l’étonnante église Saint-Nicaise. Si l'extérieur de style romano-byzantin est simple, c'est la richesse de ses décors qui la distingue : son aménagement intérieur a été réalisé par quelques-uns des plus grands artistes et décorateurs de l'époque de sa construction, dans les années 1920. Le peintre Maurice Denis a ainsi conçu le baptistère, surmonté de versets bibliques et entouré d'un décor représentant des paysages fluviaux. Roger de Villiers a créé quant à lui la plus grande partie du statuaire dont une remarquable Sainte Famille ainsi que Saint Nicaise, patron et fondateur du diocèse de Reims à qui l’église est consacrée.
Mais ce sont les belles verrières de René Lalique qui, assurément, donnent à l'église son caractère unique. Au nombre de trente, ces anges en verre moulé sont présentés soit agenouillés soit debout et, translucides, confèrent à l'église sa lumière particulière. René Lalique est l'un des plus grands verriers de son époque et a, dans les styles Art nouveau et Art déco, par la combinaison de matières inédites – l'or et l'ivoire par exemple –, contribué à redéfinir la joaillerie moderne.
L'église Saint-Nicaise, renouveau de l'art sacré
Mais pourquoi une telle église, si richement décorée, a-t-elle été au centre d’un quartier ouvrier d’apparence anodine ? Au sortir de la guerre, la ville est en grande partie détruite. Pour loger les populations, il est décidé à partir de 1923 de construire la cité-jardin du Chemin Vert, en périphérie de la ville. Le projet, porté par l’industriel Georges Charbonneaux (1865-1933) est inspiré du catholicisme social. Afin de loger les familles ouvrières est construit le quartier du Chemin Vert, pensé pour offrir aux habitants de nombreux services de proximité. Outre une "maison de l'enfance", une maison commune avec des bains-douches et une bibliothèque, on y trouve, bien sûr, construite une église en son centre. L'édification de Saint-Nicaise, située dans le périmètre Unesco au titre des Coteaux, Maisons et Caves de champagne, commence donc en 1923 sous la direction de l’architecte Jean-Marcel Auburtin.
Une première pour René Lalique
Ce projet est pour René Lalique une première. Jean-Marcel Auburtin avait d'abord imaginé pour l'église une verrière en forme de grande croix. Il est possible que le choix des anges soit un écho au célèbre Ange au Sourire de la cathédrale de Reims qui avait été très endommagé lors du bombardement du 19 septembre 1914 et qui fut restauré la même année que furent installés les anges de Lalique, en 1926 ou bien, plus vraisemblablement, selon le président des Amis de Saint-Nicaise, Dominique Potier, la marque de l’influence du thomisme sur l’architecture de l’église. L'un des anges, reproduit plusieurs fois, se tient debout, les mains jointes, tandis que d'autres figurent un ensemble : un ange, les mains en croix sur la poitrine s'incline tandis que deux anges agenouillés en prière l'encadrent.
Devant être restaurés à cause de leurs ferronneries, les anges ont été retirés et remplacés par des sujets de substitution. Les matériaux utilisés pour les moulages n'étant pas connus avec précision, des analyses préalables ont été nécessaires. Un travail réalisé par la Manufacture Vincent-Petit de Troyes, qui s'occupe aussi de restaurer certains vitraux de Notre-Dame de Paris. Estimée à plus d'un million et demi d’euros, une campagne de dons ("Une part des anges") a été lancée sur le site de la Fondation du Patrimoine.
[EN IMAGES] Découvrez les anges en verre de Reims, surprenants chefs-d'œuvre de Lalique :
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