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Le pape François a donc reçu Anne Hidalgo. Une audience de "quarante minutes […] en langue espagnole pour évoquer notamment les réfugiés, les questions climatiques et la restauration de Notre-Dame de Paris", indiquait Vatican News, le service d'information du Saint-Siège. Du côté de l’édile parisien, on communiquait sur "la puissance et l'utilité du message du Pape face aux intérêts économiques qui ne veulent rien changer". Bel hommage de l’élue socialiste. Qu’un homme d’Église soit présumé vouloir changer les choses n’est pas fréquent tant l’institution, y compris en interne, se voit toujours placée devant cette épuisante alternative : se réformer ou disparaître. Le refrain en devient même obsédant, surtout chanté en allemand.
Puissant et utile
Reprenons les termes hidalgesques : le message du pape est puissant. Il faut y voir paradoxe paulinien : je suis fort parce que je suis faible. Rêvant d’une Église pauvre pour les pauvres, le pape François ne s’imagine pas en Goldorak du salut planétaire. À l’heure du risque nucléaire, le mot irradie autrement sur les consciences : la puissance du Saint-Père est celle d’un sage, pas d’un fou.
Ce qu’il dit, relève Hidalgo, est aussi utile. L’attribut est fort. Depuis les Marx, Nietzsche, Darwin et autre Freud, l’Église est dépeinte comme une grande sotte has been et guindée dont il faut mettre au rebut les vieilleries morales et bourgeoises. Ses prêches consolateurs pouvaient panser les plaies du paysan bas-breton, crasseux et illettré, rien de plus. La modernité devait frapper son aura d’une péremption irrémédiable. Et voilà que le plus gros maire de France, patronne d’une métropole mondiale, capitale du luxe, de la mode et du prestige, juge le vieillard en blanc utile. Qu’est-ce à dire ?
Le cimetière des illusions
Si le Pape l’est, c’est que les faux prophètes ont échoué. Ceux-ci s’employaient à libérer le populo que la superstition chrétienne aliénait, afin de lui promettre des lendemains qui chantent, parfois kalach en bandoulière. Cette modernité-là a fini au cimetière des illusions. Mais les receleurs d’utopies n’ont pas disparu ; ils ont juste troqué le treillis de Che Guevara pour des bas résilles, la casquette Mao pour le look de teuffeur. Le divertissement a succédé à l’embrigadement, la tyrannie douce aux idéologies dures. Mais le sectarisme n’a pas pour autant fléchi.
Elle pense que faire la photo avec le Pape peut rehausser son image dépolie. C'est vrai et touchant. Aller à Rome, c'est encore y croire.
Ainsi Paris semble ainsi avoir basculé dans une forme d’écoterrorisme dont les effets sont socialement, économiquement et esthétiquement délétères, ce qui pousse un Pierre Perret à s’insurger contre Paris saccagé : "Pauvre Paris, Paris enlaidi, toi qui fus le paradis, te voilà fringuée Waterloo, par nos gentils écolos", fredonne ce monument de la chanson de chez nous. Écœuré par le grand n’importe quoi, Perret l’antiraciste, Perret l’antifasciste en devient réac’ ronchon. Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé : qui eût cru que la trilogie gaullienne se reflèterait dans la Seine repeinte en Verts ?
Quel paradoxe de voir la laideur, la saleté et l’anarchie urbaine être la marque de fabrique d’un parti cui-cui ! Ici, on se demande quelle utilité Anne Hidalgo peut trouver à l’auteur de Laudato si’, l'encyclique n'ayant aucun point commun avec le programme municipal. Mais Anne Hidalgo, génération oblige, a encore un côté vieille école. Elle pense que faire la photo avec le Pape peut rehausser son image dépolie. C'est vrai et touchant. Aller à Rome, c'est encore y croire.
Posture démagogique ?
Reconnaître l’utilité du message papal n’est toutefois que justice, l’État-providence étant né en réponse à l’activisme social des catholiques : hôpitaux, hospices, écoles, universités, orphelinats, etc. : l’Église devait tellement son influence à son utilité que ses concurrents, prompts à détourner les masses du message évangélique, n’hésitèrent point à la dépouiller jusqu’aux os et à faire financer par l’impôt ce que la charité devrait prodiguer aux plus démunis.
Comment peut-on s'en prendre aux "intérêts économiques" quand on plombe sa ville par un endettement monstrueux ?
À la vérité, depuis l'établissement de commun profit du temps de Saint-Louis, Providence et État-providence sont culturellement liés. Si la première recule dans les cœurs, le second se meurt et s’effondre. Déchristianisation et abandon du service public vont de pair, car ce sont toujours les hommes qui font vivre les structures, lesquelles ne sont jamais que les squelettes de nos âmes. Un esprit pourri dans une structure bonne peut rapidement la corrompre et la rendre inutile voire nuisible. Un cœur bon dans une mauvaise structure peut y opérer des miracles et la rendre moins nocive.
Anne Hidalgo parle des "intérêts économiques qui ne veulent rien changer" mais que signifie cette tournure évasive ? Rien changer à quoi ? Les grosses multinationales, de Disney à Apple, sont à l’avant-garde du combat sociétal, écolo-LGBT, dont le Paris bobo se fait une fierté. Que veut-elle de plus ? Taper sur les intérêts économiques revient à mimer une vieille posture démagogique de la gauche. Mais le grand capital est dans la capitale et le maire, rappelons-le, dispose de la force publique, budgétaire et fiscale, pour imposer ses arbitrages. Comment peut-on s'en prendre aux "intérêts économiques" quand on plombe sa ville par un endettement monstrueux ?
L’impéritie des pouvoirs publics
L'élue socialiste a rappelé "l'importance de l'accueil des réfugiés et comment le Pape a permis aux églises parisiennes de transmettre un message d'ouverture et de refus du repli sur soi". Certes mais la situation est beaucoup plus complexe qu’Anne Hidalgo ne le dit. Le défi des migrations met le monde occidental face à des responsabilités immenses : Emmanuel Macron dit "son inquiétude s'agissant de la situation sociale et sécuritaire à Mayotte", lors d'un entretien samedi à l’Élysée avec le président des Comores Azali Assoumani. Les deux chefs d'État sont "convenus de poursuivre la coopération en matière de lutte contre l'immigration illégale, à la fois en matière de reconduite et de prévention des départs". Parallèlement, outre-Manche, le ministre de l'Intérieur Suella Braverman, en voyage à Kigali, défend le projet d'expulser vers le Rwanda des demandeurs d'asile arrivés illégalement au Royaume-Uni. Et elle assure que son pays est "humanitaire" et "compatissant"…
Bref, on ne peut pas juste débiter un discours sur l’ouverture et l’accueil et laisser les migrants peupler des bidonvilles et autre colline du crack. Les paroisses parisiennes font ce qu’elles peuvent pour pallier l’impéritie des pouvoirs publics. Elles prennent leur part à la misère du monde et cela se comprend. Mais si le pape a un cœur gros comme ça, sa soutane n'est pas un sarouel et sa calotte ne cache pas des dreadlocks.