La grâce de la complémentarité
Ainsi des prêtres sont-ils en morceaux parce que leurs relations avec Dieu, avec les autres et avec eux-mêmes sont perturbées. Mais le morceau d’un miroir brisé ne peut-il pas encore servir, peut-être d’une nouvelle façon, s’il est nettoyé, ravivé ? Qui dira cette possibilité ? Qui fera vivre l’espérance à tous les prêtres en morceaux, y compris ceux qui ont commis des délits ou des crimes s’ils ont été jugés, ont exécuté leur peine et ont pris le chemin de la conversion ? Avec nos faiblesses plus ou moins grandes, avec nos péchés plus ou moins graves, tous nous sommes responsables de tous les souffrants et de tous les pécheurs. Les victimes d’abus ont la priorité des priorités, pas l’exclusivité.
Chacun d’entre nous, prêtre ou évêque, devrait évaluer les vraies raisons pour lesquelles il est disposé à collaborer avec les autres baptisés.
Pour les prêtres en morceaux blessés ou qui ont blessé, demeure le lien indéfectible qui unit tous les baptisés formant ensemble le Corps mystique du Christ dans lequel tous ont besoin les uns des autres. Pas seulement pour rendre des services pratiques mais pour vivre une aide mutuelle par l’amitié, la prière, la confiante correction fraternelle. Chacun d’entre nous, prêtre ou évêque, devrait évaluer les vraies raisons pour lesquelles il est disposé à collaborer avec les autres baptisés. Est-ce seulement parce que les prêtres sont moins nombreux et qu’il y a beaucoup de travail ? Dans ce cas, le cléricalisme va, tôt ou tard, revenir en force et "Monsieur le curé" ou "Monseigneur" dirigera tout et imposera son point de vue. Si, au contraire, prêtre ou évêque, je considère la complémentarité (par la collaboration, la solidarité, la synodalité…) d’abord comme une grâce d’enrichissement mutuel pour la mission commune, alors je serai celui qui donne et qui reconnaît qu’il a besoin de recevoir parce que chacun reçoit la grâce de l’Esprit pour le bien du corps entier, comme nous le chantons.
Face au large
Il est grand le mystère de la communion ! C’est en lui que les prêtres en morceaux et les prêtres heureux et persévérants, les prêtres blessés et les prêtres qui ont blessé mais se sont livré à la justice et à la grâce de la conversion, peuvent accueillir la miséricorde pour eux et l’offrir aux autres. Pour ceux qui vivent de ce mystère, l’Église, moins nombreuse et plus fragile, ne sera jamais dos au mur, se défendant et se protégeant. Elle sera toujours l’Église face au large, enthousiaste pour les missions les plus difficiles, consolée et soutenue par le Saint Esprit.
Pratique :
Mgr Gérard Daucourt,
Prêtres en morceaux, préface du cardinal Pietro Parolin, Cerf, octobre 2022, 110 pages, 14 €