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Dons de gamètes : l’impasse de la levée de l’anonymat

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Blanche Streb - publié le 14/11/22
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Un an après la promulgation de la loi de bioéthique, une de ses mesures-phare, la levée de l’anonymat sur les donneurs de gamètes, est déjà contestée. Pour l’essayiste Blanche Streb, docteur en pharmacie, encourager dans le même temps l’accès aux origines et la conception d’enfants coupés de leurs origines est une impasse.

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Les conditions de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes prévues par la révision de la loi bioéthique de 2021 se précisent. Et visiblement, elles contiennent tellement de lacunes et de promesses non tenues que la déception est déjà au rendez-vous. Les cofondateurs de l’association Origines — qui a œuvré pour que la loi change — lèvent le voile en démissionnant de la Commission chargée de s’occuper de cet accès aux origines, instituée il y a seulement deux mois.

La loi stipule désormais que depuis le 1er septembre 2022, les enfants nés de dons anonymes auront le droit d’accéder à des données identifiantes et non identifiantes de leur donneur de gamète ou d’embryon à l’origine de leur vie, s’ils en font la demande, mais seulement à leur majorité. Pour se charger de cela, on a créé une nouvelle commission, la Capadd (Commission d’accès des personnes nées d’assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs), qui a démarré le 7 septembre dernier. Seulement 170 personnes désirant avoir accès à leurs origines et 87 anciens donneurs souhaitant divulguer leur identité ont déjà pris contact avec elle.

Ce besoin de voir son visage

Depuis les années 1970, de nombreux enfants sont nés à la suite d’un don anonyme. On estime qu’en France, 70.000 personnes seraient concernées. Parmi elles, certaines ignorent l’histoire de leur conception. D’autres, bien qu’informées, ne ressentent pas le besoin de chercher de qui elles sont nées. Mais nombreuses aussi sont les personnes qui ont mené bataille pour faire tomber ce tabou et gagner, pour tous, le droit de ne plus jamais être délibérément privés de connaître ses origines.

Elles alertent et témoignent depuis longtemps de cette nécessité, non pas de remplacer le ou les parents qui les élèvent, mais de découvrir qui est leur donneur, leur "géniteur" comme elles l’appellent souvent, ce parent biologique à l’origine de leur vie et dont elles ignorent tout. Elles expriment ce besoin de voir son visage, de savoir son nom, de prendre connaissance de son histoire mais aussi des raisons qui l’ont poussé à faire ce don et si, par lui, leur fratrie s’agrandirait ou non de demi-frères et sœurs. Ces demandes, éminemment légitimes, ont fini par se faire entendre. Mais les textes d’application qui viennent de paraître sont venus aggraver la situation que la loi prétendait améliorer, déplore Origines qui justifie sa démission dans une lettre au ministère de la Santé.  

Des données floues ou incomplètes

Que constate-t-on ? Que des enfants qui ne sont pas assurés de pouvoir accéder à leurs origines vont continuer à naître. Car les gamètes et les embryons issus de dons antérieurs au 1er septembre, dont les donneurs n’ont pas fait connaître leur accord pour la transmission de leurs données, continuent à être attribués aux couples et aux femmes engagés dans des processus de procréation artificielle. Pourquoi ? Peut-être en raison du faible nombre de donneurs — ce qui met en évidence que donner ses gamètes, "ce n’est pas rien", c’est vivre avec l’idée qu’on a peut-être des enfants biologiques quelque part, qu’on peut les croiser sans le savoir… D’ailleurs, la Commission n’a pas prévu de contacter systématiquement les personnes ayant fait un don avant cette date du 1er septembre pour savoir si elles acceptent, ou pas, de basculer dans ce nouveau régime où la levée de l’anonymat est requise.

Les motivations du don, les données de santé ou les antécédents personnels ou familiaux, le nombre et l’identité des personnes issues du même donneur pourront rester flous, incomplets ou carrément absents.

Autre constat : les données qui sont désormais recueillies au moment du don sont dénuées d’intérêt et déconnectées du besoin exprimé par les enfants nés de dons, ou par leurs parents. Les motivations du don, les données de santé ou les antécédents personnels ou familiaux, le nombre et l’identité des personnes issues du même donneur pourront rester flous, incomplets ou carrément absents. Par ailleurs, plus douloureux encore, ceux qui se voient déjà ou se verraient refuser l’accès aux informations pourraient n’en jamais savoir la raison : est-ce parce que le donneur n’a pas été retrouvé, qu’il est mort ? Ou qu’il a refusé, si oui, pourquoi ? Parce que sa situation actuelle ou familiale l’en empêche ? On comprend aisément que la raison du refus n’est pas anodine pour ceux qui l’essuient.  

Le fondement du problème

Les questions existentielles subsisteront donc pour beaucoup d’entre eux. Et pour ceux en quête de leurs origines, cette pilule du secret est d’autant plus difficile à avaler quand on sait qu’aujourd’hui, ce dessous des cartes pourrait ne pas tenir face aux tests ADN et aux big data, qui ont déjà permis à nombre d’entre eux de retrouver leurs ascendants. 

Changer la loi n’a donc pas résolu grand-chose. Et en tout état de cause, elle n’a certainement pas remis en question le fondement du problème, à savoir la conception d’enfants coupés de leurs origines biologiques. En ouvrant, en même temps, dans le même texte, la PMA à toutes les femmes seules ou en couple, la loi encourage, organise finance et promeut même cela. Notre loi n’est assurément pas respectueuse des droits de l’enfant. C’est ainsi que notre pays — qui a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant qui pose le droit, pour tout enfant, dès sa naissance, à un nom, une nationalité et, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux — se dédit. 

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