1L’Ordre de Malte est-il toujours souverain ?
Le pape François a achevé sa réforme de l'Ordre de Malte, au terme d'un processus de cinq ans visant à revoir les structures de direction de l'ordre religieux, qui fonctionne également comme une organisation d'aide mondiale reconnue comme une entité souveraine en droit international. The Pillar s’interroge sur la persistance de cette notion de "souveraineté". En promulguant une nouvelle constitution avec effet immédiat, sans vote, le pape a effectué un arbitrage radical permettant de neutraliser deux camps rivaux au sein de l’Ordre. Mais sa décision pose la question de "l’espace juridique unique" dans lequel l’Ordre de Malte mène ses actions depuis 900 ans, avec un statut souverain qui lui permet d’agir dans des terrains difficiles d’accès pour les ONG, comme par exemple la Birmanie. Avocats, canonistes et ecclésiologues se sont souvent penchés sur le statut hybride de cet ordre à la fois religieux et souverain, la précédente constitution établissant l'obéissance religieuse au Pape par l'intermédiaire du Grand Maître, mais aussi l'indépendance gouvernementale vis-à-vis du Saint-Siège, par la nomination d'un ambassadeur. Le chantier de réforme amorcé par le pape en 2017 a suscité de vives tensions internes, et plusieurs chevaliers ont déclaré qu'il est désormais impossible de prétendre que l'ordre est toujours souverain si le Pape peut exercer une autorité directe et totale sur son ordre constitutionnel et ses bureaux de direction. Mais si certains des dirigeants évincés dénoncent en privé un "putsch papal", d'autres reconnaissent que ces décisions étaient nécessaires pour surmonter les divisions internes. "La mesure dans laquelle tous les chevaliers les acceptent désormais, tant en privé qu'en public, démontrera probablement à quel point l'ordre est catholique et déterminera dans quelle mesure il restera souverain", explique The Pillar.
2Comment le Pape peut-il justifier de prolonger l’accord avec la Chine sur les nominations des évêques ?
En visite au Vatican à l’occasion de la béatification de Jean-Paul Ier, le vice-président taiwanais Chen Chien-jen, qui fait partie de la minorité catholique, a demandé au pape de "prier pour Taïwan". L’Église catholique locale, tout comme l’ensemble de la population de cette île menacée d’annexion par Pékin, est très inquiète face à l’accord signé en 2018 entre le Vatican et le PCC, qui ont accepté de coopérer dans la sélection des évêques afin de constituer une Église catholique unie en Chine. En réalité, l’accord est utilisé comme argument par Pékin pour renforcer sa surveillance des églises en accusant les catholiques clandestins de désobéir au pape, et pour renforcer les canaux de commerce avec les pays catholiques d’Amérique latine. Le cardinal Zen, évêque émérite de Hong Kong et plus grand opposant à cet accord, a récemment déclaré que le cardinal Pietro Parolin, artisan de ce rapprochement avec le régime chinois, "manipulait" le Pape. "Je n'ai aucune confiance en cette personne. Il croit en la diplomatie, pas en notre foi", a déclaré le cardinal chinois, accusant le secrétaire d’État du Saint-Siège de "raconter une série de mensonges". Alors que l’échéance se rapproche pour un éventuel renouvellement de l’accord, le procès du cardinal Zen, à partir du 19 septembre, pourrait être le moment pour le Pape "d'assortir au moins de conditions - telles que la libération du clergé - tout renouvellement de l'accord, voire de l'annuler complètement", espère le Catholic Herald. "Toute autre mesure serait une insulte aux chrétiens chinois, à Taïwan et à l'autorité morale de l'Église elle-même", avertit le journal britannique.
3Réponse au cardinal Brandmüller qui suggérait de limiter le conclave aux cardinaux vivant à Rome
Répondant au cardinal Brandmüller qui suggère de ne laisser élire le pape que par des cardinaux résident à Rome, la journaliste Gabriele Höfling y voit une vision "problématique", trop centrée sur la curie romaine. Si l’on réduit le droit de vote à "quelques responsables administratifs romains", il manque "le lien avec les différentes réalités de la vie dans le monde", estime-t-elle. En outre, le pouvoir de la curie est renforcé – ce qui contraste avec la synodalité. "L’élection d'un pape, insiste-t-elle, ne doit pas désigner le meilleur administrateur de l'appareil de la curie romaine, mais le meilleur représentant du Christ sur terre". Gabriele Höfling souhaite elle aussi une réforme… mais vers plus de démocratie. Elle propose de donner un droit de vote aux présidents des conférences épiscopales lors du conclave "Qui sait, conclut-elle, peut-être qu'un jour le peuple de l’Église sera impliqué dans l'élection du Pape - et alors, s'il vous plaît, n'oubliez pas les femmes."
4Canada : après le voyage du Pape, le travail de réconciliation doit encore se faire
Dans un article d'opinion publié dans le National Catholic Reporter, Kirby Hoberg, une catholique américaine métis estime que "les catholiques blancs n'acceptent toujours pas que les autochtones puissent prétendre à l'Église". Elle pointe du doigt la couverture médiatique du voyage du Pape au Canada, mentionnant par exemple des articles qui ont qualifié de "païennes" des pratiques autochtones courantes. Commentant le fait que les enquêtes sur les effets du système de pensionnat autochtone des États-Unis ne font que commencer, Mme Hoberg souligne que "la guérison peut être un effort solitaire et variable, mais la réconciliation est une voie à double sens". Bien qu'elle apprécie les excuses du pape en tant qu'acte de réconciliation, elle déplore que le souverain pontife n'ait pas utilisé le mot "génocide" plus tôt pendant le voyage ou que la doctrine de la découverte "conserve sa légitimité imbibée de sang". "La réconciliation concernant un événement qui s'est produit sur une période aussi longue, avec un coût et des pertes encore indéterminés, nécessite l'implication de chacun d'entre nous", conclut-elle.
5La première femme vice-postulatrice d'une cause de béatification d'un pape
"De la pure misogynie", voilà comment Franca Giansoldati, correspondante au Vatican du quotidien italien Il Messaggero, décrit une photo de la cérémonie de béatification du pape Jean Paul Ier montrant, dans le secteur réservé aux célébrants parmi les évêques et les archevêques, une femme "dans un coin, assise presque en arrière-plan" semblant "presque revendiquer sa solitude". Cette femme est la journaliste Stefania Falasca, vice-postulatrice de la cause de sainteté du pape Jean Paul Ier, et première femme à occuper cette fonction dans la cause d'un pontife. Titulaire d'un doctorat de l'Université de Rome Tor Vergata sur les écrits d'Albino Luciani, elle est l'auteur de nombreux ouvrages sur le "pape au sourire" et a travaillé sans relâche pour faire connaître son magistère, explique l'article. Falasca a également travaillé avec acharnement à sa cause de béatification, d'autant plus qu'elle est devenue en 2020 vice-présidente de la Fondation Jean Paul Ier du Vatican, malgré le scepticisme dont elle a fait l’objet, poursuit Giansoldati. C'est également Falasca qui a rejeté de manière concluante les fausses nouvelles prétendant que Jean-Paul Ier avait été assassiné. Avec patience et grâce à des recherches approfondies, la journaliste a montré que le pape italien était "un chrétien hors du commun [...] avec un message valable pour l'Église et le monde d'aujourd'hui". "Sur cette photo, sa petite silhouette ne pouvait pas passer inaperçue, il suffisait d'un rapide coup d'œil et on pouvait dire que si elle était là, c'était dû à quelque chose de grand, beaucoup plus grand que cette apparente solitude qui certifiait une fois de plus comment, de l'autre côté du Tibre, la condition des femmes n'est pas encore véritablement initiée", écrit Giansoldati.