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"La collecte n’a comme prétention que d’être honnête". C’est de cette manière que le texte, envoyé à Rome comme participation des fidèles français à la démarche synodale, est présenté par Mgr Joly. L’évêque de Troyes, chargé pour la Conférence des Évêques de France (CEF) du synode de 2023, a réuni son équipe, constituée de clercs et de laïcs, pour établir cette synthèse à la fin du mois de mai dernier. L’objectif : reproduire le plus fidèlement possible les textes fournis par chacun des diocèses français. La collecte est transmise telle quelle au Secrétariat pour le synode, à Rome, comme contribution des fidèles catholiques français à la réflexion de l’Église universelle sur la synodalité.
Le texte de douze pages commence par une introduction, qui en explique la démarche, sans occulter les "résistances" que le processus synodal a rencontrées, notamment "la crainte, chez certains catholiques, que ce processus serve à imposer des changements dans l’Église à laquelle ils sont attachés ; enfin, la difficulté pour beaucoup de prêtres à reconnaître l’intérêt de ce synode." Pour remettre les contributions à leur place, l’équipe nationale note aussi que la collecte "ne porte pas de jugement théologique, mais veut servir le discernement ultérieur".
Après avoir noté que "les synthèses font entendre massivement l’aspiration profonde à une Église fraternelle", la collecte se décline en trois besoins qui, repérés comme lignes de force, servent de structure : se ressourcer dans la Parole de Dieu, donner des signes crédibles de la bonté de Dieu et de l’égale dignité des baptisés, vivre en frères et sœurs dans le Christ. À noter aussi que le document fait une place significative aux citations de synthèses de diocèses ou de groupes, comme autant de fioretti.
Se ressourcer dans la Parole de Dieu.
La première partie de la collecte, pas plus longue qu’une page, met en avant le désir des fidèles catholiques français de lire la Parole de Dieu ensemble, à la fois pour progresser dans la vie spirituelle individuellement, mais aussi pour nourrir la vie communautaire et accueillir plus largement, dans une perspective missionnaire. Les "petites fraternités" ainsi constituées, qui permettent "profondeur et liberté" sont ainsi considérées comme centrales.
Le texte insiste aussi sur les homélies : "Nombreuses sont les déceptions exprimées lorsque la prédication ne s’appuie pas suffisamment sur la Parole de Dieu et ne nourrit pas la vie quotidienne des baptisés". Dans le même paragraphe, l’équipe nationale du synode fait droit à une "demande récurrente", celle d’un "élargissement de la prédication lors de l’eucharistie aux laïcs, et spécifiquement aux voix féminines", mais aussi à la nécessaire formation, des fidèles comme des clercs, et à la promotion des "célébrations de la Parole".
Donner des signes crédibles de la bonté de Dieu et de l’égale dignité des baptisés.
Avec presque six pages, soit la moitié du document, cette section est le cœur des préoccupations exprimées dans les synthèses à tous les niveaux. Elle insiste dans un premier temps sur le désir de poursuivre l’expérience de la synodalité, qui a été un "moment de joie et de communion" pour beaucoup. Passé un certain fatalisme sur la capacité de l’Église à se réformer, aidé de l’Esprit saint qui distingue la démarche d’un simple sondage d’opinion, l’expérience synodale permet de se mettre à l’écoute de chacun, en particulier des plus fragiles.
Rapidement, la collecte en vient à la question des ministères, qui prend une place importante. S’ils sont essentiels pour le plus grand nombre, le texte se demande : "Pour accomplir sa mission dans le monde que nous connaissons, de quels ministères l’Église a-t-elle besoin ?" En particulier, les prêtres occupent un long paragraphe, entre reconnaissance parce qu’ils sont un "signe précieux" et incompréhension, sentiment d’indisponibilité à cause de tâches temporelles, ou inquiétude sur leur santé. "Des problèmes relationnels sont largement évoqués" entre autoritarisme et ajustement avec les femmes. Ces questions amènent à celle de la formation, dont beaucoup estiment qu’elle nécessite une évolution.
Expliciter les ministères institués ouvert aux femmes
Le texte dit ensuite sobrement : "Il est régulièrement souhaité que le célibat des prêtres soit laissé au libre choix de ceux-ci, de sorte que l’ordination presbytérale et le mariage soient compatibles." Les synthèses, qui parlent peu des ministères épiscopal et diaconal, évoquent le besoin d’expliciter les ministères institués (lectorat et acolytat) désormais ouverts aux femmes.
Dans un paragraphe intitulé "hommes et femmes : vivre l’égale dignité baptismale", c’est le sujet de la place des femmes qui prédomine, les synthèses y voyant "une urgence ainsi que d’innombrables blessures". À la fois très présentes et peu reconnues, elles souffrent du sentiment de ne pas être entendues, alors que la société est en pointe sur cette question. "Les douleurs sont d’autant plus grandes qu’elles procèdent de cette conviction : l’Église se prive ainsi d’innombrables charismes et de possibilités réelles de sortir de l’entre-soi clérical."
La collecte note ensuite que si l’équipe nationale a lu "de nombreuses demandes pour que les femmes puissent recevoir l’ordination diaconale" alors que le ministère des diacres n’est pas évoqué, c’est par un besoin d’un acte symbolique qui amorce une reconnaissance du rôle des femmes dans l’Église. "Un peu moins souvent, même si elle est largement récurrente, on trouve la demande que les femmes puissent être ordonnées prêtres".
Plus de transparence dans les décisions
Plus loin, le gouvernement dans l’Église apparaît comme sujet de tension, parce qu’il est vu comme trop "pyramidal", et d’aspirations. En particulier, les synthèses semblent insister sur la nécessité de la transparence dans les décisions, lesquelles ne doivent pas contourner les problèmes mais les affronter, sans pour autant que "tous les baptisés fassent tout". Le texte national constate d’ailleurs un paradoxe entre volonté des fidèles de participer et manque de durée dans l’engagement. À cet endroit du texte, les évêques sont mentionnés, car la "dimension synodale de la gouvernance ne dépend aujourd’hui que de [leur] bonne volonté". Ce qui appelle une réelle subsidiarité et une formation adéquate pour les laïcs en responsabilité.
Au sujet de la liturgie, la collecte fait ensuite droit à un paradoxe relevé dans les synthèses au sujet de la liturgie : lieu vécu ou désiré de constitution des communautés, mais source de divisions et d’incompréhensions. Notamment entre "estime pour la richesse des symboles" et "langage devenu incompréhensible pour beaucoup". D’où une demande de formation. Dans la même veine que ce qui précède, l’équipe nationale note dans cette partie : "les mentions d’un profond désaccord avec le refus que des filles servent à l’autel ou que des femmes entrent dans le chœur pour un service liturgique sont si nombreuses, qu’on ne peut douter d’une réelle souffrance vécue et d’une attente pressante à ce sujet."
Vivre en frères et sœurs dans le Christ.
La troisième partie du texte s’articule autour du désir d’une vie fraternelle dans l’Église, malgré les difficultés à s’écouter et les divisions, qui permette d’être témoin du Christ dans notre société avide de liens. Si certains se sentent exclus de la vie ecclésiale (personnes ayant une attirance homosexuelle, divorcés remariés…), l’équipe nationale pour le synode a lu de nombreuses propositions pour favoriser la vie communautaire. Ce désir de proximité répond au sentiment d’éloignement progressif de l’Église, surtout en milieu rural, où les regroupements paroissiaux se succèdent.
Si les "tiers-lieux", sortes de seuils pour permettre aux non-chrétiens de rencontrer des catholiques dans la vie sociale, sont plébiscités, la collecte mentionne que la culture laïque française ne rend pas évident le témoignage direct. Un témoignage qui nécessite "une profonde humilité" car "toute tentative de donner des leçons est désormais irrecevable pour ceux à qui, précisément, on voudrait s’adresser".
La collecte se termine enfin avec l’espérance que donnent ces désirs de fraternité et de ressourcement dans la Parole de Dieu, même s’ils ne peuvent se vivre que si l’Église répond au besoin de "signes crédibles de la présence de Dieu". Mais, avertit l’équipe nationale, ces signes doivent participer à faire du corps du Christ qu’est l’Église un "sacrement", ou signe efficace, de l’appel de Dieu à toute l’humanité.