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Quelle fut l’action des diplomates face à la persécution des Juifs par les nazis ? À cette question répond l’exposition sur Les diplomates face à la Shoah (Paris, mémorial de la Shoah, jusqu’au 8 mai). Bien des interrogations demeurent. De la Shoah, que savaient en effet les diplomates ? Quelles furent leurs sources ? Quel fut le rôle des diplomates allemands dans la Shoah ? Qui a agi ? Comment, pourquoi, dans quel contexte ? À l’inverse, qui n’a pas compris, qui n’a pas agi et pourquoi ? Est-ce par ignorance, par incapacité à comprendre l’ampleur de la tragédie, par indifférence, par volonté d’y collaborer ?
Une arme puissante : les visas
Certains diplomates ne surent que faire ou ne firent rien, d’autres collaborèrent. Mais d’autres décidèrent de sauver les Juifs, suivant leur conscience, prenant des risques dans les pays où ils travaillaient, allant parfois à l’encontre des directives de leur propre État. Tel fut le cas d’Aristides Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux, qui distribua des visas à des milliers de Juifs, s’opposant par là au gouvernement de Salazar qu’il représentait… Les directives gouvernementales étaient pourtant claires : les visas ne devaient pas être délivrés à certaines catégories de réfugiés dont les Juifs faisaient partie, sans la pré-autorisation du ministère. Mendes "trouvait ces règlements à la fois inhumains et racistes. Ils troublaient sa conscience de catholique pratiquant et de dévot" écrit Rui Alonso, auteur d’une biographie d’Aristides Sousa Mendes. Face aux persécutions et aux violences guerrières, les diplomates disposaient d’une arme puissante : l’octroi de passeports, visas ou de n’importe quel document permettant aux persécutés de fuir dans les pays représentés par les ambassades.
Les représentants du Saint-Siège, appelés nonces apostoliques, ont été très actifs durant la guerre.
À l’instar de Mendes, de nombreux diplomates utilisèrent cette arme diplomatique pour sauver des vies. Le Suédois Raoul Wallenberg est peut-être le plus connu : à Budapest, en 1944, il plaça des milliers de Juifs sous la protection suédoise. Dans son cas, le gouvernement de son pays le soutenait. L’exposition présente également les figures de Carl Lutz, un diplomate suisse ayant sauvé la vie de dizaines de milliers de Juifs hongrois ; Sardari, diplomate iranien ayant aidé les Juifs iraniens de France ; Samuel del Campo, consul chilien à Bucarest, qui a émis 1200 passeports pour des Juifs roumains et polonais ; Ho Feng Shan, consul général de Chine à Vienne, qui délivra de nombreux visas aux Juifs pressés par les autorités nazies de fuir l’Autriche après l’Anschluss. Autre exemple édifiant : celui de François de Vial, premier diplomate français reconnu Juste parmi les nations en 2020, diplomate à l’ambassade de France près le Saint-Siège qui profitait de sa liberté de circulation dans Rome pour trouver des lieux d’asile aux Juifs secourus par le père capucin Marie-Benoît.
150 passeports sur un quai de gare
Par ce biais diplomatique, l’Église a aussi défendu et protégé de nombreux Juifs durant la Shoah. Les représentants du Saint-Siège, appelés nonces apostoliques, ont été très actifs durant la guerre. De la même manière que les ambassadeurs, "les nonces sont chefs d’une mission diplomatique" explique Noël Nana, prêtre et professeur de droit canonique aux Bernardins, auteur d’une thèse sur ces ambassadeurs un peu particuliers. L’exposition du mémorial de la Shoah souligne particulièrement l’action d’un de ces nonces, Mgr Angelo Rotta. Nonce apostolique à Budapest en Hongrie, il a octroyé plus de 15.000 passeports. Un jour, il réussit à distribuer une centaine de passeports sur un quai de gare, empêchant temporairement le départ d’un convoi vers les camps d’extermination. Angelo Rotta a été reconnu "juste parmi les nations".
En Roumanie, Mgr Cassulo œuvrait avec le grand rabbin de Bucarest Alexandre Safran pour faire pression sur le gouvernement roumain afin d’empêcher les persécutions. Un autre diplomate du Saint-Siège, Angelo Roncalli, le futur Jean XXIII, a aussi œuvré en faveur des Juifs en tant que délégué apostolique en Turquie. Un jeune prêtre diplomate, Giuseppe Burzio, alors chargé d’affaire du Vatican en Slovaquie, n’a cessé de se démener, sur ordre du pape Pie XII, pour éviter les déportations et faire pression sur le gouvernement slovaque. Un historien juif, David Dalin, conclut que l’action de Pie XII et de son représentant Burzio a permis de sauver environ 20.000 Juifs slovaques . Quand la conscience de ces ambassadeurs se met au service de la paix entre les peuples et du respect de la dignité humaine, la diplomatie montre alors son plus beau visage.
Pratique :