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Aucun être vivant n’est autant dépendant de son semblable que ne l’est l’homme. Il est, disait le Philosophe, "naturellement sociable" et l’affirmation est lourde de sens. On pourrait dire que Dieu l’a créé pour être "altero-centré", tourné vers l’autre. Elle est si vraie cette dépendance dès les premières et longues années de la vie humaine ! Elle se vérifiera à chaque étape de la vulnérabilité d’une personne. "Sans moi, vous ne pouvez rien faire" dit Jésus (Jn 15, 5). Nous pourrions aussi et indissociablement le dire de notre "prochain" : "Sans notre semblable, nous ne pouvons rien faire." En quelque sorte, le créateur nous a voulus naturellement dépendants des autres. Sans l’autre (nos parents, nos éducateurs), nous n’aurions pas survécu. Sans amis, à toute étape de la vie, il est douloureux voire impossible de survivre. Sans époux, épouse, enfants ou personnes à qui d’une manière ou d’une autre nous donnons notre vie, nous ne pourrions pas vivre. L’autre a cette vertu de me donner la grâce de sortir de moi-même car je reçois de lui et je me donne à lui. En étant centré sur l’autre, je cesse d’être égocentré. Quel service nous rend "l’autre" ou selon l’expression biblique "notre prochain" !
Un style général de relations
"Imaginons une ville dans laquelle la convivence des divers âges fasse partie intégrante de la conception globale de l’habitat. Pensons à la construction de relations affectueuses entre la vieillesse et la jeunesse qui rayonnent sur le style général des relations. Le chevauchement des générations deviendrait une source d’énergie pour un humanisme réellement visible et vivable." Ce vœu que le pape François formule dans une récente catéchèse peut paraître bien utopique et très pieux. Il ne l’est pas en tout cas pour les nombreux bénévoles de l’Espace Saint-Julien à Laval. Sans avoir la prétention de bâtir une "ville" , ils consacrent leur énergie à fonder un espace intergénérationnel qui précisément rayonnera de ce que le pape appelle "un style général des relations". Sept pôles de vie, de différents âges pour "unir les générations au cœur de la ville", c’est l’ambition de l’Espace Saint-Julien. Inutile de dire qu’une telle entreprise, pour précisément ne pas être une aimable mais éphémère utopie, méritait d’être préparée patiemment, en pensant au bien propre de chaque "étape de vie" appelée à être présent sur ce site.
Pourquoi une telle énergie dépensée ? Parce qu’avec le pape François, nous pensons qu’une des écologies les plus urgentes est bien celle des relations humaines, auxquelles sont attachées de près les rythmes de vie et le respect des vulnérabilités liées au jeune ou vieil âge. Une urgence sociétale qui part d’un constat que nos générations sont fracturées entre elles et ne mesurent plus ou pas assez leur possible enrichissement mutuel.
Un dialogue nécessaire
Pour justifier l’entreprise ou tout autre de la même inspiration, on ne pourrait faire mieux que citer la catéchèse du pape François : "L’alliance entre les deux générations extrêmes de la vie — les enfants et les personnes âgées — aide également les deux autres — les jeunes et les adultes — à se lier les uns aux autres pour rendre l’existence de chacun plus riche en humanité. Le dialogue est nécessaire entre les générations : s’il n’y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, entre adultes, s’il n’y a pas de dialogue, chaque génération reste isolée et ne peut pas transmettre le message. Pensez-y : un jeune qui n’est pas lié à ses racines, qui sont ses grands-parents, ne reçoit pas la force, comme l’arbre, la force des racines et grandit mal, grandit malade, grandit sans références. C’est pourquoi il est nécessaire de rechercher, comme un besoin humain, le dialogue entre les générations".
Six ans après les premières réflexions et de nombreux chantiers de tous ordres pour atteindre l’objectif de cette fondation innovante, les premiers pôles de vie s’installent en cette année 2022. Il s’agit maintenant de vivre ce qui a été conçu. Et laisser la Providence continuer à faire son œuvre.