Ces blessures invisibles
Dans nos prières universelles et nos groupes de chapelets, nous avons pris l’habitude de prier pour nos prêtres. L’actualité de la vie de l’Église nous a en effet mis sous les yeux des figures de prêtres martyrs, de prêtres attaqués physiquement. De prêtres qui mettent fin à leurs jours, ployant sous un joug de détresse qui n’a jamais été allégé ou partagé. De prêtres épuisés, meurtris par des blessures invisibles qui doivent se mettre en retrait un temps pour se refaire. C’est l’objet du livre de Pascal Ide, Le Burn-out. Une maladie du don (Éd. de l’Emmanuel). Ces blessures invisibles ne font pas la une des médias. Elles n’en sont pas moins réelles et le poison lent de la vie des prêtres.
Mettre fin à la parole malveillante, la récrimination, le bavardage inutile, voilà le premier mal à combattre pour venir en aide aux prêtres.
Mettre fin à la parole malveillante, la récrimination, le bavardage inutile, voilà le premier mal à combattre pour venir en aide aux prêtres. Isaïe (58, 9-13) nous le montre avec une force lumineuse : "Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante… ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais. Tu rebâtiras les ruines anciennes, tu restaureras les fondations séculaires. On t’appellera “Celui qui répare les brèches, Celui qui remet en service les chemins”."
Discerner ce qui est bienveillant
La parole d’Isaïe nous montre, à nous paroissiens, comment discerner ce qui est bienfaisant de ce qui est malfaisant dans la parole. La Bible abonde de paroles qui dénoncent le mal sortant de la bouche de l’homme. Cela peut être un effort de carême en son temps liturgique, mais c’est une conversion à la charité à laquelle chacun est appelé tout au long de son chemin sur la terre. Ce que je dis autour de moi, à ma famille, à mes amis, à mes collègues, mais aussi à mes co-paroissiens, à mon curé, est-ce réel, est-ce bienveillant, est-ce constructif, est-ce destiné à aider l’autre, à créer un accroissement de bien, de vérité, d’amour, à ouvrir des portes de vie autour de moi ?
Ce que je dis à mon curé ou à propos de mon curé : est-ce réel ? Ou est-ce une projection de mon ego, de mon humeur, de ma sensibilité, de mes préférences...
Ce que je dis à mon curé ou à propos de mon curé : est-ce réel ? Ou est-ce une projection de mon ego, de mon humeur, de ma sensibilité, de mes préférences personnelles de style, de l’image que je me fais de l’Église à l’aune de laquelle je me permets de faire peser mes exigences conditionnées par ma culture, mon éducation, voire ma sensibilité politique ? Ne suis-je pas appelé à une vocation plus belle et plus féconde, celle de me configurer au Christ et donc à l’Église comme corps du Christ ? Jésus ne s’est pas abstenu de dénoncer le mal là où il le voyait, et il l’a fait avec clarté et force. Mais toujours en ouvrant un chemin de rédemption, de croissance et de réintégration dans la communauté.
Privilégier la rencontre
Comment transposer ce discernement dans nos communautés ? En mettant les prêtres au cœur de notre prière quotidienne, avec attention et affection. En priant avec eux dans nos églises. Et si nous pensons retenir une chose contre eux, prions la parole de Dieu et demandons à l’Esprit Saint de nous inspirer la conduite à tenir et les paroles à leur porter avec charité et souci d’ouvrir une porte de vie. En la matière, un entretien bienveillant et constructif pendant une permanence est toujours préférable aux mails qui sont à éviter et à réserver à la communication factuelle. Les équipes pastorales et le service d’accueil ont aussi leur rôle à jouer pour recueillir et discerner les paroles qui arrivent, afin de ne transmettre aux prêtres que ce qui est réellement destiné à œuvrer au royaume de Dieu sur la terre. À réparer les brèches et remettre en service les chemins, comme le dit Isaïe. Quelle magnifique promesse, quelle magnifique mission nous recevons !
N’est-ce pas ce que nous voulons être dans l’Église, des réparateurs de chemins ? Alors demandons la grâce de cette conversion du cœur et de la bouche, d’une véritable union de prière avec nos curés qui seront alors confortés et renforcés dans leur énergie pastorale, et alors, pour nos curés, pour nous-mêmes, c’est un beau chemin de bonheur et de vitalité que nous aurons contribué à remettre en service pour le bien de toute l’Église.